Alhouceine Sylla (Aprhci):«Les étudiants doivent s’orienter vers l’agriculture»

par NORDSUD
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Comme chaque année, la question de l’orientation des étudiants revient sur la table. Dans cet entretien, Alhouceine Sylla, président de l’Association des professionnels des ressources humaines de Côte d’Ivoire (Aprhci), explique l’émergence de nouveaux débouchés.

La question revient chaque année. Mais à quel moment doit-on penser à la filière que l’on souhaite faire ?

La question de l’orientation est une question importante pour tout élève, tout étudiant. Elle détermine la suite de sa carrière et de ses ambitions. Malheureusement, il arrive qu’en termes d’informations, les nouveaux bacheliers ne soient pas suffisamment informés. Simplement parce qu’il n’y a pas d’espace d’échanges entre le monde du travail et l’école. Il ne s’agit pas d’attendre la fin du baccalauréat pour informer les enfants. Dès le premier jour de la rentrée des classes, il faut informer le futur bachelier sur sa future carrière.

Quelle sont les filières que vous conseillez ?

La réalité, c’est qu’il y a beaucoup de filières de Brevet de technicien supérieur (BTS). Nous avons les filières classiques et aussi des filières modernes, liées aux ambitions du pays. On le sait tous, les filières liées aux Nouvelles technologies de l’information et de la communication (Ntic) sont à conseiller. Avec le Coronavirus, ce secteur a pris de l’importance. On parle de plus en plus de télétravail, de cloisonnement de l’entreprise. De nouveaux métiers émergent dans ce sens. Il y a également la gestion des ressources humaines qui prend de l’importance, car ça impacte l’entreprise. De plus en plus, les chefs d’entreprises comprennent que le capital humain est important. À cela, il faut savoir que les filières du secteur de l’agroalimentaire occupent une place importante dans l’industrie ivoirienne. Embrasser des carrières liées à ces secteurs d’activité  donne la possibilité aux bacheliers d’avoir des débouchés. Je vais surtout insister sur les secteurs liés au développement agricole. Il y a longtemps qu’on a lié l’agriculture en termes d’imagerie à la daba et à la machette. Aujourd’hui, l’agriculteur n’est pas un paysan, mais un entrepreneur, un homme d’affaires. Ce n’est pas parce que vous êtes agriculteur que vous allez avoir des bottes dans le foin, ou être associé à la volaille.Vous pouvez créer une entreprise intégrée. Vous avez des gens qui ont des fermes, mais qui sont de véritables entrepreneurs, diplômés, riches. Qui vendent à des grandes structures.

Les Ivoiriens comprennent-ils cela ?

Les gens ne sont pas informés. Ils n’intègrent pas ces filières agricoles, par manque d’information. On les voit chaque année se ruer vers les filières classiques. Nous sommes dans l’esprit de bureau.Tant qu’on n’a pas un emploi salarié, on considère qu’on ne travaille pas. Même lorsqu’on fait quelque chose qui rapporte beaucoup d’argent. Aux Etats-Unis, par exemple, déjà dans les lycées, les élèves sont mis dans des sortes de projets. On les aide à développer ce sens de l’entreprenariat, de l’initiative, on les aide à affronter les incertitudes. Mais l’Ivoirien a peur du risque. Nous sommes formatés pour devenir des salariés. Or nous oublions que c’est dans des entreprises que nous sommes employés.

Comment intégrer cela dans l’esprit des Ivoiriens ?

C’est quelque chose qui doit débuter dès le bas âge.  

Quelles sont les filières où les débouchés sont limités ?

C’est difficile de citer des filières dans ce sens. Aujourd’hui, par exemple, le tourisme et l’hôtellerie ont des problèmes, mais c’est juste conjoncturel. C’est lié à la Covid-19. Il y a une époque où on disait de faire attention aux Mines et géologies, mais aujourd’hui c’est le contraire. On peut dire que la Côte d’Ivoire est devenue un pays minier. Nous avons l’or, la bauxite, le pétrole. Pendant longtemps, on a formé des BTS en communication d’entreprise, en assistanat de direction, mais les étudiants avaient du mal à avoir du travail, parce que la plupart des directeurs généraux n’avaient pas besoin de secrétaires. Tout ça a changé, ils reviennent à ces vieilles pratiques. On a de plus en plus besoin de secrétaires.

Certains mettent à l’index la comptabilité

Le problème de la comptabilité est lié aux enjeux de notre économie qui est une économie informelle à 95%. Ce qui ne fait pas bon ménage avec la rigueur comptable. Vous avez un seul poste dans une entreprise en comptabilité.

Les étudiants ont de plus en plus du mal à avoir du stage après leur formation. Qu’est-ce qui explique cela ?

C’est de plus en plus difficile d’avoir des stages en entreprises. Le potentiel économique ivoirien n’est pas en adéquation avec le besoin des étudiants qui sortent de formation. Nous avons une économie informelle. Les entreprises structurées ne sont pas en nombre important pour aspirer le flux d’étudiants. Voilà pourquoi les jeunes souffrent après le BTS. Ensuite, il y a l’intérêt à accorder un stage, parce que vous avez le stage d’apprentissage et le stage de perfectionnement. Quand j’ai besoin d’un salarié, je lui accorde un stage de perfectionnement. Mais lorsqu’il s’agit d’un stage d’apprentissage, il faut de la motivation pour les entreprises, parce qu’elles n’y gagnent pas. L’Etat doit donc intervenir à ce niveau. Cela a été fait, d’ailleurs, parce que le dernier code du travail impose aux entreprises des facilités, si ces dernières accordent des stages aux étudiants. Mais à quelle proportion ? Aujourd’hui, avec la pandémie, les entreprises pensent à réduire le personnel, les stages sont rares qu’avant. L’Agence emploi jeune travaille à cela, certes, mais il faut faire plus.

Raphaël Tanoh

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