8 mars/Emancipation de la femme : Où en est-on en Côte d’Ivoire ?

par NORDSUD
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 L’égalité entre l’homme et la femme a fait son chemin en Côte d’Ivoire. Mais, si les choses bougent énormément sur le papier, au niveau du terrain, il faut encore du temps.

Dans son rapport datant de 2018, l’Union européenne (UE) mettait en exergue la faible représentativité des femmes à certains postes en Côte d’Ivoire. Les taux de représentation de la gent féminine, dans les gouvernements et assemblées, selon l’organisation, tournaient autour de 11,37% au parlement et 18,2% dans le gouvernement, loin derrière l’objectif de 30% de représentation des femmes au parlement préconisé par le programme d’action de Pékin.

Trois ans après, il faut dire que les choses n’ont pas beaucoup évolué. On l’a vu, notamment lors des élections législatives du 6 mars dernier. Aucun parti politique n’a pu obtenir le quota de 30% de femmes candidats au moment du dépôt des candidatures à la Commission électorale indépendante (CEI).  Depuis l’adoption de la nouvelle loi sur le mariage et sa promulgation, le combat pour l’égalité du genre en Côte d’Ivoire est encore très compliqué.  

Quota de 30%

Pour Chantal Moussokoura Fanny, sénatrice de la région du Folon, maire de la commune de Kaniasso, sur une trentaine de ministres au gouvernement, on trouve à peine 6 femmes. Dans les autres postes, note-t-elle, on tourne autour de 10 et 20% de postes occupés par les femmes. Le quota de 30%, pour elle, est parfois atteint dans certaines institutions. Mais cela reste le taux le plus élevé, là où les femmes veulent la parité.

Pour les associations féminines, notamment la Convention de l’assemblée des femmes musulmanes sunnites en Côte d’Ivoire, la Côte d’Ivoire connaît malgré tout des avancées. Sa secrétaire exécutive sortante Mariam Diarra estime que comparativement à de nombreux pays de la sous-région, la Côte d’Ivoire a fait un pas vers l’amélioration des conditions de vie des femmes.

Qu’est-ce qui bloque alors ? Le cadre juridique ivoirien ne s’y prête-t-il ? Au contraire, ces dernières années, la Côte d’Ivoire a fait feu de tout bois pour améliorer son arsenal juridique dans ce sens. L’adoption, le 21 novembre 2012, par les députés (213 voix pour sur 229 possibles) du projet de loi sur le mariage en Côte d’Ivoire a notamment marqué les esprits. Désormais, c’est une égalité parfaite entre l’homme et la femme dans le foyer. 

Chemin parcouru

Le Programme des nations unies pour le développement (Pnud) a même dressé un tableau presqu’exhaustif du chemin parcouru depuis 1983 par le pays dans la lutte pour l’égalité du genre. Le vote en 1983 à l’Assemblée nationale de la loi n° 83-300 du 02 août 1983, qui donne la possibilité à la femme de choisir la communauté ou la séparation des biens, avait été le premier pas.

En 1995, la Côte d’Ivoire devient Etat-membre de la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination contre les femmes adoptées par l’Assemblée générale des nations unies en 1979 (Cedef). 19 ans plus tard, c’est le vote à l’Assemblée nationale de la loi du 23 décembre 1998 portant répression de toutes formes de violence à l’égard des femmes, y compris les mutilations génitales féminines.

La même assemblée penche pour la loi modifiante et complétant la loi instituant le code pénal réprimant le harcèlement sexuel, le travail forcé et l’union précoce ou forcée. Le 1er août 2000, la Constitution ivoirienne consacre le principe d’égalité entre homme et femme. Six ans après, c’est la création d’une Direction chargée de l’égalité et de la promotion du genre, d’un Comité national de lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants.

En 2007, on assiste à la déclaration solennelle de la Côte d’Ivoire sur l’Egalité des chances, l’équité et le genre. Elle sera suivie de la mise en place du Groupe thématique genre, chargé de veiller à la prise en compte des besoins pratiques et stratégiques des femmes et des hommes dans les plans et programmes nationaux et sectoriels.

Loi sur le mariage

L’année 2009 voit la prise d’un arrêté ministériel sur la parité lors de l’inscription en classes primaires. Puis, l’année mémorable : 2012. D’abord, le Compendium des compétences féminines de Côte d’Ivoire (Cocofci) est créé. Il aura pour rôle de renforcer la visibilité, la participation et le leadership des femmes dans la gestion des affaires publiques et privées.

Entre temps, on assite à la mise sur pied du Fonds d’appui aux femmes de Côte d’Ivoire (Fafci), pour permettre aux femmes d’accéder facilement à des ressources financières à coût réduit en vue de créer ou de renforcer les activités génératrices de revenus. L’année 2013 verra la promulgation par le président de la République de la nouvelle loi sur le mariage.

L’année suivante, c’est l’adoption d’une Stratégie nationale de lutte contre les violences basées sur le genre (Snlvbg) couplé de l’installation du Caucus des femmes parlementaires et de la mise en place de l’Observatoire national de l’équité et du genre.

2015 voit la naissance du Conseil national de la femme (CNF). Et enfin, en 2016, l’Etat décide d’inscrire le principe de l’égalité entre les hommes et les femmes dans la Constitution du 30 octobre 2016.

A côté de ces actions pour l’égalité du genre en Côte d’Ivoire, le gouvernement ouvre certains emplois, jusque-là fermés, aux femmes. Le 29 janvier 2015, les premières élèves gendarmes femmes sont présentées aux Ivoiriens. Leur intégration précèdera celle des sous-officiers féminins qui s’effectuera à la rentrée 2015-2016.

Préjugés

«La Côte d’Ivoire a créé un véritable cadre juridique pour que les femmes puissent prendre leur place. C’est aux femmes de le faire. Les faits ont montré qu’elles en ont la capacité, l’intelligence. Qu’elles n’attendent pas que les hommes leur déroulent le tapis rouge», indique Denis Yoraubat, président de l’Action pour la protection des droits de l’homme (Apdh).

Mais ce n’est pas aussi simple. «On ne peut pas analyser cette problématique (ndlr, égalité du genre) en Côte d’Ivoire sans évoquer d’autres contraintes sur les plans culturel, religieux et institutionnel qui ont été exacerbées durant la décennie de crise socio-politique», analyse le Pnud.

En effet, l’un des freins à l’émancipation de la femme reste les us et coutumes. «On prend des lois, mais cela ne se ressent pas sur le terrain», ajoute Mariam Diarra. Les femmes préfèrent encore se cloîtrer, regrette-t-elle, derrière leurs hommes, par tradition. Elle se taisent, même quand elles sont battues.

Une analyse partagée par Chantal Fanny. Elle a elle-même été contrainte de se battre, raconte la sénatrice, pour échapper à ce cercle.

Et c’est ce qu’il faut faire, pour Denis Yoroubat. Pour que les femmes parviennent à s’émanciper, à l’entendre, il faudra commencer par changer dans l’esprit des Ivoiriens l’idée qu’ils se font d’elles. Le simple cadre juridique ne suffira pas. «Maintenant, c’est à elles de se battre pour faire changer les préjugés», termine-t-il.

Raphaël Tanoh

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