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Des plaintes mais pas encore de certitudes. Depuis quelques temps, certains produits exposés en pharmacie sont pointés du doigts par les consommateurs. Faut-il s’inquiéter ? Notre enquête.
Tous les médicaments dans nos pharmacies soignent-ils réellement ce qu’indiquent leurs emballages ? C’est une interrogation soulevée par la Coalition nationale des organisations des consommateurs de Côte d’Ivoire (CNOC-CI). Soumahoro Ben N’faly, le président de la structure souligne qu’ils ont entamé une procédure afin de vérifier l’efficacité de certains médicaments auprès de laboratoires privés. « Nous avons reçu plusieurs plaintes sur les publicités mensongères faites par des produits en supermarché, et concernant certains médicaments », a réitéré ce mercredi M. Soumahoro. Parmi ces médicaments, il cite notamment les substituts de sucre pour les diabétiques. Mais aussi des médicaments comme le paracétamol.
Crèmes anti-âges
D’autres produits vendus en pharmacie, d’après les consommateurs sont sur la liste. Et il n’est pas le seul à s’en inquiéter. « J’utilisais des crèmes anti-âges achetées en pharmacie. Ça n’a jamais eu d’effet. J’ai changé de pharmacie, mais c’est la même chose », mentionne Estelle Douampieu, esthéticienne aux Deux-Plateaux. Pour Marius Comoé, président de la Fédération des associations de consommateurs actifs de Côte d’Ivoire (FACA-CI), le problème ne vient pas du nom du médicament en lui-même, mais de la falsification dont certains produits font l’objet. « Nous l’avons vu avec le cas du produit ‘‘Atoté’’ (ndlr, censé donner du tonus) retiré de la vente après qu’on a constaté que le produit contenait en réalité du viagra », fait-il savoir, appelant à une plus grande vigilance dans le contrôle.
Mais est-ce vraiment un constat établi ? Non, disent les spécialistes. « Aucun médecin ne vous prescrira de médicaments s’il n’est pas efficace », balaie du revers de la main Dr Guillaume Akpess, médecin et secrétaire général du Syndicat national des cadres supérieurs de la santé en Côte d’Ivoire (SYNACASS-CI).
Cela peut être dû à la réaction d’une personne vis-à-vis d’un médicament donné, relève cependant Vazoumana Sylla, secrétaire général du syndicat national des préparateurs et gestionnaires en pharmacie de Côte d’Ivoire (SYNAPGPCI) et porte-parole de la Coordination nationale des syndicats du secteur santé (COORDISANTE).
Médicament falsifié
Toutefois, ce n’est pas la preuve que le médicament est falsifié. « J’ai moi-même des soucis avec le paracétamol. J’ai été atteint récemment de fièvre, le médecin m’a proposé un autre médicament », témoigne-t-il. Le paracétamol, d’après certains médecins, n’agit pas à un certain âge.
En revanche, il n’y a pas que ce médicament qui a été mis en cause. Concernant les substituts de sucre, Dr Arouna Diarra, président du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens de Côte d’Ivoire se veut clair. La ‘‘canderel’’ est le même ingrédient utilisé partout pour les substituts de sucre. L’‘‘aspartarm’’, un édulcorant artificiel utilisé dans de nombreux produits sans sucre pour remplacer le sucre, a été autorisé. Le seul problème, selon lui, c’est l’impact qu’il peut avoir sur le foie à long terme. Là où il pourrait y avoir un souci avec les substituts de sucre pour diabétique, au dire de Dr Diarra, c’est avec l’UltraSweet, un autre produit proposé dans la même gamme. « Il y a un débat à ce niveau. On a demandé si un diabétique peut en prendre et jusque-là, la réponse n’est pas claire », indique-t-il.
Le paracétamol
Le paracétamol ? Des subjectivités, reconnaît Dr Arouna Diarra. Quant à la falsification des médicaments dont peuvent souffrir certaines pharmacie, l’expert est précis. « Tous nos médicaments sont traçables. Dès que vous l’achetez, on peut vous dire qui est le fournisseur. De la même manière qu’il peut se trouver des produits de pharmacie dans les rues, c’est très difficile de trouver des produits de la rue dans les pharmacies. L’‘‘Atoté’’ n’a jamais été exposé dans une pharmacie », fait-il savoir. Avant de poursuivre : « c’est même nous qui avons écrit à l’Autorité ivoirienne de régulation pharmaceutique (AIRP) pour vérifier ce produit ». Tout pharmacien qui expose des produits non autorisés, est traduit en conseil de discipline, informe-t-il. Ce cas, pourtant, d’après lui, est évocateur. Car, dans les débuts, le produit ‘‘Atoté’’ qui procurait de l’énergie aux consommateurs, était fait à base de plantes. Toutefois, avec le succès les producteurs, probablement en plus des plantes, ont commencé à y introduire du viagra. « Cela pose le problème des tests. Un produit peut être admis après des tests. Mais avec le temps, le producteur peut se mettre à changer sa composition », rappelle-t-il. Ainsi, Dr Arouna Diarra prend le cas de certains thés exposés en pharmacie et sur lesquels il pourrait exister des doutes. Pour lui, les tests sur ces thés doivent se poursuivre, même après leurs admissions lors du contrôle des premiers lots. En cause, des produits aphrodisiaques qui y seraient ajoutés. Mais rien n’est établi sans tests. Hélas, faute de laboratoires en nombres, les tests ne sont pas réguliers.
Régulation
Toutefois, en matière de pharmacie, à l’entendre, la Côte d’Ivoire est un exemple envié dans la sous-région. On le sait, en février 2024, le conseil des ministres a adopté un décret de ratification du traité portant création de l’Agence africaine du médicament. L’objectif étant d’harmoniser les systèmes de régulation des produits médicaux en Afrique, en vue d’éradiquer la prolifération des médicaments falsifiés et de qualité inférieure.
Un élan entamé depuis 2021, date à laquelle le pays a annoncé la production locale de médicaments. Une autre solution à la falsification de médication, mais surtout pour lutter contre les coûts élevés. Toute chose qui viendra soulager l’Autorité ivoirienne de régulation pharmaceutique.
Sylla Vazoumana, Syndicat national des préparateurs et gestionnaires en pharmacie de Côte d’Ivoire:
« Il faut prouver »
« Ce qu’il faut savoir avec les médicaments c’est que c’est une science. Et les sciences évoluent. Vous avez le cas de la nivaquine qui a été retirée des pharmacies parce que ce médicament ne faisait plus effet. Mais pour en arriver à un tel constat, il faut faire des tests. Si des consommateurs estiment que certains médicaments ne font plus effets, il faut mener des études. Malheureusement ce sont des choses que nous ne faisons pas beaucoup en Afrique. La conséquence, c’est que la suspicion demeure. Celui qui la dénonce ne pourra pas le prouver et celui qui le nie ne pourra pas non plus le prouver »
Marius Comoé, Fédération des associations de consommateurs actifs de Côte d’Ivoire :
« Des médicaments peuvent arriver en pharmacie avec la complicité du pharmacien »
« Les produits médicaux falsifiés entrainent des effets graves. Des médicaments peuvent arriver en pharmacie avec la complicité d’un pharmacien. Nous le savons parce que nous avons vu le retrait de certains produits des pharmacies après que les autorités ont constaté un problème. Tout cela est provoqué par le gain facile »
Kanigui Ouattara, Union nationale des pharmaciens du privés de Côte d’Ivoire :
« Aucun médicament ne peut être exposé en pharmacie s’il n’a pas fait l’objet de contrôle »
« Aucun médicament ne peut être exposé en pharmacie s’il n’a pas fait l’objet d’homologation. Tous les produits qui se trouvent dans nos rayons pharmaceutiques sont des produits de qualités qui ont fait l’objet d’un contrôle et d’une autorisation ».
Propos recueillis par RT
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