Pourquoi la Côte d’Ivoire n’explosera pas

par NORDSUD
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La présidentielle du 31 octobre doit-elle faire peur ? Faut-il craindre une escalade, une explosion incontrôlée de violences ? Une réédition de la crise postélectorale de 2010 se profile-t-elle à l’horizon ? Les ivoiriens auront-ils raison d’être inquiets ?

Analysons quelques repères objectifs permettant d’esquisser réponses à cette question.

Le diagnostic politique. Notre pays a inauguré une longue période de stabilité depuis l’arrestation du président Laurent Gbagbo le 11 Avril 2011. Neuf années consécutives d’une accalmie relative. Cela n’était pas arrivé en Côte d’Ivoire depuis près de deux décennies. Cette accalmie se justifie par le contexte : La crise postélectorale de 2010 a créé une communauté de destin entre le RDR d’Alassane Ouattara et le PDCI d’Henri Konan Bédié. Le pouvoir, les échéances présidentielles de 2015 et référendaires de 2016 ont été cogérés par les deux formations. Les discordes datent de moins de deux années. Elles n’ont en tout état de cause pas encore eu le temps de se transformer en une crise profonde et irréversible.

Les politiques économiques et sociales. Le régime d’Alassane Ouattara a engagé depuis 2011 de grands chantiers d’infrastructures. Sa stratégie : la relance de l’économie par la dépense publique et de grands chantiers d’infrastructures. La croissance économique a cumulé à 9% en 2018. Des réformes hardies ont été entreprises pour stimuler le développement du secteur privé.

Mais la critique la plus dure formulée à l’encontre du régime pour écorner ce bilan est la non inclusivité des acquis de la croissance. Le gouvernement a voulu faire montre de volontarisme en apportant une réponse énergique à cette critique. Le PSgouv, le l’occurrence un programme social hardi a été lancé en 2011 mais connaît une allure soutenue depuis 2018. Montant : 730 milliards de francs environ. Un budget qui montera à 1000 milliards en 2020. L’objectif, réduire les écarts et créer une dynamique soutenue de progrès social partagé. Le progrès social, il faut en convenir, reste le premier facteur déterminant de cohésion et de réconciliation sociale.

Le Rassemblement des Houphouëtistes pour Développement et la Paix. On ne l’écrit pas assez : La création du RHDP relève d’une vision qui continuera à bouleverser profondément le paysage politique ivoirien. L’ambition du Président Ouattara, c’est de résorber les effets néfastes d’une fragmentation trop grande du champ politique, de combattre les replis identitaires dans l’espace public et de favoriser la construction de grands ensembles qui ont une solide légitimité au sein des populations. Le RDR a été fondu dans le RHDP pour créer un grand parti national ouvert sur toutes les régions de Côte d’Ivoire.

Le RHDP est presque en train de cannibaliser toutes les petites formations de l’espace politique au point de l’apparenter au PDCI parti unique du Président Houphouët-Boigny en 1960, et 1990.

Le RHDP, en tant que Parti politique s’est déployé dans toutes les régions. L’action du gouvernement Ouattara s’est engagée dans une politique de développement équilibré des territoires.

L’opposition. Les grands partis d’opposition sont en crise. Le PDCI est encore sous le coup des effets du coup d’état de 1999 qui a renversé le Président Bédié. Le Front Populaire Ivoirien ne s’est pas encore remis de la crise postélectorale de 2010 qui a consigné la défaite électorale et la débâcle politique de Laurent Gbagbo.

Face au RHDP du Président Ouattara, l’opposition est simplement incapable de mobiliser. Leur crédibilité est écornée par le bilan de leur gestion respective par le passé récent.

De plus l’opposition ivoirienne est désunie, incapable de se désigner un chef de file, de porter une plateforme revendicative claire et unitaire et encore moins de parler d’une seule voix. Entre participation au processus électoral, désobéissance civile et boycott des élections, l’opposition ivoirienne peine à définir une stratégie claire.

L’Armée. Depuis 2012, elle a subi une transformation profonde. C’est désormais une Armée réunifiée et professionnelle. Dans son commandement, son organisation et son fonctionnement. L’Armée ivoirienne a engagé un ambitieux programme de réforme dénommé RSS, Réforme des Systèmes de Sécurité et fait adopter une grande Loi de programmation militaire. Les grands commandements décident des orientations stratégiques majeures sous la direction du Président Ouattara dans le cadre institutionnel concerté qu’est le Conseil National de Sécurité.

Il n’y a donc plus d’Armée de factions, de milices, de clans. Signe des nouveaux temps, le chef d’état-major et les chefs des différents sont rarement hors de leurs casernes, sur le front médiatique, dans des prises de parole désordonnées, comme aux temps des FANCI de Laurent Gbagbo et des FAFN de Guillaume Soro. C’est une Armée républicaine et disciplinée.

La gouvernance. Elle s’est considérablement métamorphosée entre 2010 et 2020. Le début du quinquennat a été émaillé de crises. Crise sécuritaire d’abord : L’année 2012 et les années qui ont suivi ont été rythmé par des attaques de commissariats, de postes militaires, de casernements de l’armée et même par une attaque terroriste à Grand-Bassam en 2013. Crise politique ensuite : La coalition au pouvoir s’est déchirée autour du partage du pouvoir et de la création du vaste ensemble voulue par Alassane Ouattara qu’est le RHDP. A cela, il faut ajouter des scissions internes au sein du bloc du Rassemblement Des Républicains avec l’effritement des Forces Nouvelles et le départ de guillaume Soro du perchoir de l’Assemblée Nationale en février 2019. Crises sociales enfin : Les indicateurs sociaux sont au rouge. Le chômage des jeunes cumule à près de 70% des actifs. L’indice de développement humain donne 48% de nos concitoyens vivant au-dessous du seuil de pauvreté.

La suite, c’est l’histoire d’un leadership affirmée d’Alassane Ouattara. La gestion de ces crises successives, la décision historique de son retrait annoncée devant le congrès, la disparition brutale de son Premier Ministre, « fils », et successeur désigné Amadou Gon Coulibaly le 8 juillet 2020 ont fini par tisser la légende, démonter une capacité de résilience, et consolider la légitimité du régime. Avec la création du RHDP, Alassane Ouattara a entamé au plan politique la mise en œuvre d’une stratégie politique de large ouverture pour élargir le socle de légitimité de son régime. Concurremment, le cinquième président de la République de Côte d’Ivoire, qui semble capitaliser toutes les erreurs et tirer les leçons du passé, a engagé au plan institutionnel une politique hardi de rééquilibrage des territoires. Cela à travers les trente visites d’état et un ciblage institutionnel des régions qui parfois se sont senties hors de la république. Le centre, le centre-ouest, l’ouest, le sud ou encore l’est du pays ont l’objet d’une attention particulière du chef de l’état. Signe de l’ancrage du régime Ouattara au plus profond des territoires, les rapports étroits entre le Président de la République et les autorités coutumières. A travers le statut officiel d’institution fait aux rois et chefs traditionnels à travers une chambre. De même que par les visites républicaines que le chef de l’état rend aux autorités coutumières, comme en septembre 2015 au roi du Djuablin et en février 2020 à la reine des baoulés à Sakassou.

Les dernières visites d’état dans le Moronou et la Marahoué en septembre 2020 et le dernier déplacement du chef de l’état à Yamoussoukro montre une ferveur populaire. Pour ses détracteurs, Alassane Ouattara inaugure à la fin de ce second mandat et en pleine pré-campagne pour un nouveau mandat en octobre 2020 une présidence impériale.

Le pays est donc en pleine mutation. La Côte d’Ivoire de 2020 n’est plus celle de 2010, de 2002, de 2000, de 1999 ou encore de 1993 lorsque Henri Konan Bédié sonnait le début du désordre en accédant au pouvoir après la disparition du Président Houphouët-Boigny. La Côte D’Ivoire d’aujourd’hui est exigeante : Elle a soif. De paix, d’équilibre et de développement.

MÉITÉ Sindou

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