Abobo-Anador. C’est l’embouteillage sur les deux bretelles qui relient le marché de bétail, au Plateau-Dokui. L’autoroute, elle, est à moitié engorgée sur le versant allant à Abobo, à cause des taxis garés le long du trottoir pour transporter les moutons déjà achetés. Le désordre est tel qu’il faut des policiers pour réguler la circulation. C’est le dernier jour avant la tabaski, et Mamidou Sangaré sillonne les vendeurs, enclos par enclos, pour s’acheter un mouton de 75 000 FCFA. Après plusieurs allers et retours, il se résout à l’évidence : impossible d’avoir un animal à ce prix-là. Ici, la bête la moins chère est à 110 000 F. Salifou Touré, l’un des commerçants explique : «Vous voyez ce mouton ? (Il indique une bête chétive) C’est le plus petit. Il y a deux ans, on le vendrait à 45 000 FCFA. Aujourd’hui, il faut 110 000 FCFA».
Groupe armé
Selon lui, cela n’est lié ni à la pandémie à Coronavirus ni au racket sur la route, mais à la situation d’insécurité qui prévaut dans la sous-région. «Je vais chercher mes moutons derrière Gao, au Mali. A cause du djihadisme, on ne peut même pas s’approcher de la ville. Ce sont les commerçants qui viennent nous rejoindre avec les bêtes. Ils prennent des risques et nous aussi. Si vous tombez sur un groupe armé, ils vous prennent tout ce que vous avez», ajoute-t-il. Conclusion, dit-il, l’offre s’est amenuisée et les prix auxquels ils achetaient les moutons ont augmenté. Non loin de lui, Issoufou Sawadogo raconte les mêmes réalités. «J’ai un ami qui s’est fait agresser au Mali, alors qu’il allait acheter des moutons. Il est à l’hôpital. Avec tous les risques que nos prenons, les acheteurs s’imaginent que nous gagnons beaucoup sur les moutons, mais c’est faux. Il arrive que ce soit seulement un bénéfice de 5000 FCFA que je fasse sur un mouton, parce qu’on est obligé de vendre à un certain moment. Car, après la fête, il n’y aura plus d’acheteurs», explique-t-il. Dans son petit enclos, une dizaine de moutons broutent ce qu’il reste de feuilles vertes.
Raide morte
Certains sont marqués sur le dos. Ce sont des moutons déjà achetés dont les propriétaires, faute de temps, préfèrent venir les chercher le jour de la fête. Hier, selon Sawadogo, l’une de ses bêtes est tombée raide morte, sans raison. «C’était un mouton de 140 000 F. Nous prenons beaucoup de risques. Et cette année, c’est encore grave», souffle le quadragénaire. Tout comme lui, les dizaines de vendeurs qui occupent de marché à Abobo-Anador n’ont pour la plupart écoulé que la moitié de leurs marchandises, à quelques heures de la fête. Ils comptent encore sur les clients de dernières minutes pour s’en sortir. Parmi ces clients de dernières minutes, il y a Fousseni Diabaté, qui a l’intention de se ramener ici ce mardi aux premières heures, pour acheter son mouton, avec l’espoir que les vendeurs seront obligés de casser leurs prix.
Dimanche, le ministre du Commerce et de l’Industrie, Souleymane Diarrassouba, avait annoncé 110 000 têtes de moutons pour approvisionner le marché. Si le marché est bien pourvu, les bourses, elles, le sont moins pour bien célébrer l’Aïd el-Kebir.
Raphaël Tanoh