Abuja: Les Ivoiriens, la joie et la galère

par NORDSUD
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La capitale fédérale du Nigéria regorge de nombreux Ivoiriens venus se chercher, comme il est dit communément en Côte d’Ivoire. Malgré les barrières linguistiques, beaucoup sont parvenus à s’intégrer. Hélas, ils ne se retrouvent que dans la joie  d’Abuja.

Ce n’est pas la Rue princesse, ni les Mille maquis d’Abidjan. Le Lagos Street n’est que l’une des rues de joie à Abuja, parmi tant d’autres au Nigéria. Une simple rue passante le jour, l’endroit devient un lieu de toutes les rencontres, la nuit. Des deux côtés de la voie, des maquis à ciel ouvert, des bars et, surtout, une myriade d’hôtels de passe. Les Ivoiriens vivant au Nigéria s’y retrouvent. C’est le cas d’Any Frédérique, couturier, arrivé à Abuja il y a 7 ans. « Ça ressemble à la Rue princesse d’Abidjan, mais en plus animée. Avec 10 000 nairas (environ 14 000 FCFA), tu peux t’éclater au Lagos Street », explique le jeune ivoirien. La boisson se négocie à partir de 700 nairas (environ 900 FCFA). Et les filles, à partir de 3 000 nairas (environ 4000 FCFA). Contrairement à Abidjan, où le tout s’accompagne de poisson, de poulet braisé ou d’attiéké, à Abuja, c’est le choukouya, avec un assaisonnement spécial. 1 000 nairas (1400 FCFA) suffisent à faire l’affaire. «À notre arrivée ici, ce qui nous a frappé, c’est la proportion à laquelle la prostitution se pratique à Abuja.  Il y a quelques années, les filles se prostituaient pour seulement 1000 nairas», explique Frédérique.

Bambocheurs

Tout comme Lagos Street, le quartier Oucetou d’Abuja pullule de rues de ce genre. Les filles ont une préférence pour les étrangers. Notamment les francophones. Les Ivoiriens ne s’en privent pas. Pour l’entrée en matière, les femmes vendent une décoction de jus, appelé ‘‘Agbo’’. Buvez-en et ça vous lave les reins. Tout le monde y croit. C’est un concentré d’amertume et il faut froncer les sourcils pour l’avaler. Après ça, les bambocheurs sont parés.

Kalou Dosso, un jeune ivoirien habitué du coin ne regrette rien de la joie d’Abidjan. «Ici, si tu as un peu, tu peux t’amuser énormément. Les Nigérians travaillent, mais ils aiment la joie», explique-t-il. Hélas, à la différence de sa capitale économique, Abidjan, qu’il a quittée, la vie est dure à Abuja, raconte-t-il. Pour avoir de quoi venir s’éclater tous les soirs, il faut travailler avec sérieux. « Les paresseux ne peuvent pas s’en sortir ici», note-t-il.

Les riches sont extrêmement riches et les pauvres, extrêmement pauvres. Ce qui a donné court à des pratiques comme la prostitution. Plusieurs familles ferment les yeux sur le fléau pour peu que leurs enfants apportent de l’argent à la maison. « Certaines familles qui ont beaucoup de filles se frottent même les mains », ajoute Dosso. Une affirmation que nous n’avons pu vérifier, cependant. La police mondaine à Abuja, tout comme à Abidjan, ne cherche pas à s’encombrer avec des prostituées. Ce sont des arrangements avec ces filles de joie, quand elles sont arrêtées.

La joie à Abuja ? « On ne s’ennuie pas », explique Any Frédérique. La galère ? « C’est très chaud ici. À Abidjan, quelqu’un peut te dépanner si tu as un problème. Ici, c’est difficile. Il faut travailler », note Kalou Dosso. Même les soutiens entre Ivoiriens ne suivent pas, comme de nombreuses communautés. Parfois, on organise un tournoi de football pour essayer de se retrouver, hélas, personne ne veut cotiser et personne ne veut reprendre contact avec les autres.

À Abuja, pour les Ivoiriens, chacun porte sa croix.

Raphaël Tanoh, envoyé spécial à Abuja

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