Accès aux vaccins Covid-19: un casse-tête ivoirien

par NORDSUD
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C’était prévisible. Depuis la disponibilité des vaccins contre la pandémie à Coronavirus, les laboratoires pharmaceutiques font la loi. Pour les pays pauvres, il faut faire la queue derrière tout le monde.

Ce lundi, Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a procédé au lancement de la campagne «ACT Together», visant à promouvoir un accès équitable aux vaccins, aux traitements et aux produits de diagnostic contre la Covid-19. Il faut dire que les choses n’ont pas évolué, depuis le début de la distribution des vaccins Covid-19, il y a environ un mois. Le continent africain cavale pour avoir ses piqûres. Mais le rapport de force avec le reste du monde tourne indéniablement à son désavantage. L’équité des chances ? Ce n’est pas demain la veille.

Le patron de l’OMS l’a mis en exergue lui-même, dans les premières semaines de la disponibilité des vaccins: près de 40 millions de doses administrées dans environ 49 pays à revenu élevé contre seulement 25 doses dans un seul des pays à revenu faible. Toujours selon l’OMS, les nations riches représentant seulement 14% de la population mondiale avaient acheté plus de la moitié (53%) de tous les vaccins les plus prometteurs. Cela comprenait tous les vaccins de Moderna pour 2021 et 96% de la production prévue par Pfizer. Le Canada seul peut vacciner sa population cinq fois.

Programme Covax

Les appels de Moussa Faki Mahamat, le président de la Commission de l’Union africaine (UA), début décembre, pour que l’Afrique figure parmi les premiers bénéficiaires des vaccins sont pour l’instant restés lettre morte. On l’a vu, la Côte d’Ivoire a été obligée de reporter sa campagne de vaccination contre la Covid-19 de février en mars. Et cela pourrait encore changer.

L’initiative Covax, pilotée par l’OMS, qui permet l’obtention de vaccins gratuits, n’est pas cette assurance tout risque que de nombreux pays espéraient.  Elle est trop lente. 92 pays africains pris dans ce programme, bataillent pour être servis. Pendant ce temps, d’autres pays jouent des coudes pour être pris en charge par le programme. Aucune fumée blanche jusque-là.

L’Afrique du Sud a eu ses doses par son entregent. Le pays a négocié, au même titre que le Maroc, l’Egypte et le Kenya des essais cliniques sur son sol. En contrepartie, ces pays ont un accès prioritaire à des doses de vaccin. Ils ont, tous, déjà débuté leur campagne de vaccination.

D’autres, comme l’Algérie ont su jouer de leurs relations avec la Chine et la Russie. L’Algérie a débuté sa campagne avec le vaccin Russe, Spoutnik-V. Son vieil allié Chinois annonce l’arrivée des doses de son vaccin Sinopharm. Mais qui opte pour cette voie doit allonger la monnaie. Cette campagne a déjà coûté bonbon au géant magrébin : 122 millions d’euros, soit 80 milliards FCFA, selon le Comité scientifique de suivi de l’évolution de la pandémie.

Campagne de vaccination

Que va faire la Côte d’Ivoire ? Selon le porte-parole du gouvernement, le pays a décidé de diversifier ses voies d’acquisition des vaccins. Faire comme l’Algérie en usant de ses partenariats, mais rester sur l’initiatique Covax, qui prend son temps. Quitte à bouleverser son calendrier de campagne vaccinale. «Ce dispositif onusien vise à fournir d’ici fin 2021 des vaccins anti-Covid-19 à au moins 20 % de la population des pays participants. Nous devrions avoir 100 000 doses dans ce cadre», indique Mamadou Bamba, le directeur général de la santé. Or, d’après la BBC, des sources au sein de l’OMS annoncent que l’Afrique devra attendre «des semaines, voire des mois» avant de recevoir les vaccins Covid-19 dans le cadre du programme Covax.

La cagnotte proposée jusque-là par l’OMS aux laboratoires pharmaceutiques (autour de 6 milliards de dollars pour environ 600 millions de doses), ne semble pas suffisante pour mettre la pression.  

Autre problème : jusqu’à présent, seul le vaccin Pfizer a été répertorié par l’OMS pour une utilisation d’urgence. Le processus d’approbation des vaccins Moderna et Astrazeneza est en cours. Or, la logistique qui doit précéder l’arrivée des doses Pfizer (à conserver à une température de -70 degré Celsius) est complexe. Selon le porte-parole du gouvernement, Sidi Touré, la Côte d’Ivoire compte sur ses partenaires techniques pour régler le problème. Pourtant, dans la même période, Benjamin Schreiber, qui coordonne le dispositif Covax pour l’Unicef, s’inquiétait du fait que les pays africains n’aient pas suffisamment de ressources pour le déploiement et la préparation de ce vaccin. Car, c’est bien l’agence des Nations unies pour l’enfance, l’Unicef, qui se chargera de la logistique de la livraison des vaccins Covid-19 dans le cadre de l’installation Covax.

Commandes

Si les Ivoiriens veulent avoir vite leurs piqûres, il faudra de toute évidence faire comme l’Algérie : Sortir le chéquier en se rapprochant de la Chine, la Russie, voire l’Inde. Des pistes que les autorités explorent. «Le gouvernement achètera sur le marché international 200 000 doses», informe Mamadou Bamba. Pour autant, la question ne sera pas réglée.

Les accords bilatéraux avec les groupes pharmaceutiques, signés au départ par les pays riches, selon l’OMS, risquent «de faire grimper le prix» des vaccins.  «La plupart des vaccins de pointe ont été commandés à l’avance par les pays riches avant même que les données sur la sécurité et l’efficacité ne soient disponibles», souligne le Dr Richard Mihigo, responsable de l’immunisation et du développement des vaccins au bureau de l’OMS en Afrique.

Pour voler au secours de l’Afrique, l’Union africaine (UA) est entrée en lice. L’UA vient d’obtenir 400 millions de doses supplémentaires de vaccins contre le Covid-19 pour les pays du continent, auprès de l’Institut Serum, un laboratoire indien.

Cette annonce porte à 670 millions le nombre de doses qui doivent être disponibles dans les deux années à venir pour les pays africains, dont la plupart n’ont pas les moyens de financer l’immunisation de leurs populations. Commandées, la plupart de ces doses ne sont pas encore là.

Raphaël Tanoh

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