Annoncée en grandes pompes le 24 mars 2014, lancée en 2018 avec plusieurs phases pilotes, puis, généralisée le 1er avril 2019, la Couverture maladie universelle (CMU) laisse encore les Ivoiriens sur leur faim. Avec la nouvelle orientation que compte lui donner le chef de l’Etat cette année, on s’attend à ce que ses effets soient visibles sur la population.
C’était l’une des promesses du chef de l’Etat, au lendemain de son élection lors de la présidentielle du 31 octobre 2020: la généralisation effective de la Couverture maladie universelle (CMU). Parallèlement à cela, le président avait annoncé la mise en place d’un plateau technique de pointe dans les hôpitaux et l’instauration d’enquêtes de satisfaction au sein des structures sanitaires. Ainsi, avec le nouveau réaménagement, le ministère de la Santé et de l’hygiène publique, devient le ministère de la Santé, de l’hygiène publique et de la Couverture maladie universelle.
Difficultés
Le signe pour les Ivoiriens qu’enfin l’application de la CMU sera perceptible sur le terrain. «Il y a longtemps que nous attendons l’application effective de la CMU. Nous espérons qu’avec la nouvelle dénomination du ministère de la Santé, l’accent sera mis sur cette assurance santé. La population ivoirienne est en majorité pauvre. Pouvoir se soigner à moindre coût sans difficulté sera un soulagement», signale Mamadou Traoré Dohia, président de la Fédération des syndicats autonomes de Côte d’Ivoire (Fesaci).
Mais cette application implique un plus grand investissement de la part de l’Etat. Pierre Dimba, qui aura en charge de piloter cet énorme navire qu’est le département de la santé devra commencer son chantier par l’amélioration de la qualité du plateau technique. «La CMU est générale depuis plus d’un an. La distribution des cartes est en train de s’élargir. Dans les hôpitaux, lorsque vous arrivez et que vous présentez votre carte CMU, on vous fait bénéficier normalement des avantages qu’elle implique. Le problème c’est que tous les centres de santé ne bénéficient pas encore de terminaux CMU», explique Dr Guillaume Akpess, secrétaire général du Syndicat national des cadres supérieurs de la santé de Côte d’Ivoire (Synacass-CI).
Alarmant
Depuis le 1er octobre 2019, la CMU est effective avec environ 750 centres de santé sur environ 2 100 que compte le pays sur l’étendue du territoire national, hôpitaux généraux et centres hospitaliers universitaires (CHU) compris. Soit à peine 35% de taux de couverture de la CMU. «Avec la nouvelle politique, la CMU devrait pouvoir s’étendre à tous les hôpitaux», note le secrétaire général du Synacass-CI.
Pour cela, le ministre Pierre Dimba aura la tâche d’élargir la politique de réhabilitation et d’amélioration du plateau technique à de nombreux centres de santé. Il faudra dans un premier temps parvenir à un taux de 50% de taux de couverture dans les hôpitaux publics. Or, le dernier rapport annuel sur la situation sanitaire en Côte d’Ivoire a plutôt dépeint un paysage alarmant.
Mugefci
Le pays affichait un ratio d’un établissement sanitaire de premier contact pour 12 006 habitants et un hôpital de référence pour 173 490 habitants. On dénombrait 76 ambulances pour 2122 établissements de soins publics, soit environ une ambulance pour 4 établissements de soins. Un énorme gap à combler. À côté de la question des infrastructures, il faudra accélérer dans un premier temps le nombre d’enrôlés. La Côte d’Ivoire stagne autour du million d’enrôlés depuis le lancement du projet le 1er avril 2019, pour une population de 22 millions d’habitants. Ensuite, la CMU doit régler le problème d’arrimage avec la Mutuelle générale des fonctionnaires de Côte d’Ivoire (Mugefci).
Les fonctionnaires qui ont commencé à utiliser leurs cartes CMU avant tout le monde, ont eu le temps de recenser plusieurs problèmes. Et ils se demandent si la cotisation de 1000 FCFA par mois permet de soigner convenablement chaque citoyen, pour une réduction des frais à 30%. «Les fonctionnaires, par exemple, cotisent mais n’arrivent pas à se soigner. Ils ne bénéficient pas de certains soins», regrette Gnagna Zadi Théodore. Pour Mamadou Dohia, beaucoup de travailleurs préfèrent encore utiliser leurs assurances traditionnelles au privé, parce que la CMU n’offre pas la garantie de soins recherchée dans les hôpitaux publics. La question, pour lui, c’est de se demander pourquoi bénéficier d’une réduction de soins si c’est pour aller dans un centre sous-équipé ?
Raphaël Tanoh