Libération des chambres du campus de Cocody : les étudiants, entre peur et défiance 

par nordsud.info
Publié: Dernière mise à jour le 306 vues

REPORTAGE. Depuis l’arrestation du leader de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI), pour suspicion de meurtre, le Centre régional des œuvres universitaire d’Abidjan 1 (CROU-A1), tient à reprendre la main au campus de Cocody. Mais son opération de libération des chambres illégalement occupées, fait peser un sentiment d’incertitude … et de peur.

Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody. Depuis ce vendredi matin, Marthe Kouadio, étudiante en première année de Lettres modernes, est scotchée à son téléphone. Elle appelle ses proches pour voir qui peut lui envoyer un peu d’argent. Il lui faut déménager d’urgence chez une amie à Abobo. Le Centre régional des œuvres universitaires d’Abidjan 1 (CROU-A1) a prévenu depuis hier : ce samedi, dès 6h, ses agents viendront déloger tous les résidents illégalement installés dans les résidences universitaires. Une opération qui était prévue pour jeudi dernier. « Hier, on m’a dit que je n’étais pas concernée par cette opération, parce que le CROU m’a délivré une attestation de résidence en bonne et due forme. Mais un autre communiqué est sorti ce matin, disant que l’attestation ne suffit pas. Ceux qui ont ce document et qui n’avaient pas soumissionné pour avoir la chambre, seront aussi chassés », nous explique-t-elle, assise sous le préau du bâtiment B, la face déconfite.

Autorisations

Il lui faut quitter les lieux ce soir, pour ne pas être surprise demain. Tout comme elle, ce sont des dizaines d’étudiants qui préparent leurs bagages pour partir ce vendredi, sous la fine pluie qui tombe sur le campus. Ils ne sont pas forcément tous en situation d’irrégularité. Ben Douampieu, en Licence1 de Sciences Économiques, loge sur le campus depuis près de deux ans. Il a fait sa demande d’attribution de chambre, et elle lui a été délivrée, il y a un an. Sa situation est donc régulière. S’il s’en va, c’est par crainte des violences qui pourraient survenir ce samedi, pendant le délogement des étudiants. « Plusieurs étudiants ont quitté leurs chambres depuis jeudi. Ils ont des autorisations comme moi, mais ont simplement peur… », indique-t-il. Aux premiers étages des bâtiments A, B et H, beaucoup de portes sont closes. Ces résidents aussi sont partis. Selon leurs voisins, ils reviendront quand les choses se calmeront.  

Dans ce climat d’angoisse, une autre catégorie d’étudiants attend de voir ce qui se passera ce samedi. Ils ne sont pas en règle et pensent que le CROU-A ne pourra vider qui que ce soit. Patrice Kouaho, en fait partie. « Je vis avec un ami dans sa chambre. Lui, est en règle. Mais il est censé y habiter seul. Certains s’en vont, moi je reste. Parce qu’il y a trop de flou autour de cette opération. Le CROU ne dispose pas de liste de personnes en situation d’irrégularité. Alors, s’ils viennent nous chasser demain, comment sont-ils censés s’y prendre ? Faire du porte-à-porte ? C’est impossible, avec le nombre d’étudiants qu’il y a ici… ».

« La FESCI a un quota, … On est prêt à l’affrontement »

 La Cité compte plus de 3600 lits. Une opération qui risquerait de prendre du temps. Aucune mise en demeure n’a été délivrée à un étudiant en situation d’irrégularité. Beaucoup parmi ces derniers sont donc encore en chambre. « Certains de nos camarades ici, qui n’ont pas soumissionné pour avoir une chambre, ont été logés avec la complicité du CROU. Ils ont leurs documents en règle », souligne Bertrand M., qui préfère garder l’anonymat. Même la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’ivoire (FESCI), dont des membres occupent des chambres, ont été logés avec la complicité du CROU, dit-il. Car, la FESCI a un quota de chambres. Certains, à l’entendre, sont toujours là, malgré l’ultimatum. Toute cette situation rend donc l’opération illégitime, d’après Bertrand. À l’entendre, c’est la raison pour laquelle de nombreux étudiants illégalement logés et même des membres de la FESCI, ne veulent pas partir. On est prêt à l’affrontement.

Logés aux rez-de-chaussée des bâtiments, les personnes en situation de handicap sont, elles aussi, inquiètes. « Jusque-là, on ne sait pas qui on va chasser demain et qui va rester », soupire Eveline Aka, handicapée des membres inférieurs, en licence 3 de Lettres modernes, devant sa chambre. Pour Charles Kisito Fangman, président des résidents des cités universitaires de Cocody, la situation est différente des autres années. Cette fois-ci, selon lui, le CROU-A1 ira jusqu’au bout. « Le communiqué est clair, les personnes qui occupent les chambres illégalement doivent partir. Les personnes qui ont des fiches d’accessibilité mais qui n’ont pas soumis, sont dans l’anormalité. Ce sont ces cas là qu’on va essayer de corriger. Le moment est propice pour mettre de l’ordre dans les résidences universitaires. C’est la FESCI qui y a toujours favorisé le désordre, qui attribuait les chambres à qui elle voulait. Et le CROU a toujours eu peur d’agir. Maintenant qu’elle est affaiblie, le CROU va gagner la bataille », note-t-il.

Mais, dans ce flou, le personnel du CROU à déserté les locaux. La vigile qui monte la garde devant l’administration est notre seule interlocutrice ce vendredi. Des étudiants qui s’en amusent lancent en riant : « Ils ont peur ». Mais, est-ce vraiment la peur ? Certains pensent qu’avec le soutien de la police, le CROU-A1, ira jusqu’au bout de son idée, ce samedi. Wait and see.

Georges DAGOU

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