Les accidents de la circulation sont devenus un problème inquiétant pour les autorités ivoiriennes. Malgré les mesures, les interventions sur le terrain augmentent.
Depuis le dernier rapport de la Banque mondiale sur la Mortalité par accident de la route (en 2019), la sécurité routière est au centre des préoccupations, en Côte d’Ivoire. Car, la route tue de plus en plus dans le pays. Le 25 avril 2021, c’est au comble des accidents à répétition que le gouvernement suspendait les inspecteurs des examens théoriques et pratiques du permis de conduire, pour endiguer la fraude dans le milieu. Mais, plus d’un an après, les chiffres du Groupement des sapeurs-pompiers militaires (Gspm) ne sont toujours pas rassurants.
Dernier drame en date : les deux tragiques accidents de la route qui ont eu lieu le 1er août 2022, avec 37 morts. Du 15 au 18 avril 2022, le Gspm avait déjà recensé 20 morts, rien que pendant le week-end pascal. Depuis le début de l’année, les mois sont essaimés d’accidents de la route. Pour le mois de juillet, le bilan établi par le Groupement des sapeurs-pompiers militaires (Gspm) annonçait 74 décès, dont 75,79% des cas dus à des accidents de la circulation. Avec au total, 2821 interventions, contre 2641 pour juillet 2021. En mai 2022, le bilan était de 84 décès, pour 2827 interventions. Comparativement au mois de mai 2021 (2693 interventions), l’on constate également une hausse de 4,98 %. Les principales causes de ces sorties des soldats du feu de leurs casernes restent les accidents de la circulation.
Pour avril 2022, le Gspm enregistrait 73 décès, pour 2 599 interventions, contre 2576 en avril 2021.82,58 % des victimes (mortes et blessés) proviennent des accidents de la circulation.
Traitement salarial
Avec 16 211 interventions notées, jusqu’en juillet (hausse de 7,37% par rapport au 1er semestre 2021), tout porte à croire que les 30 725 interventions enregistrées durant toute l’année 2021, seront dépassées. Et la courbe ne semble pas près de s’inverser. Pourquoi ? Pour les acteurs, le problème est plus complexe. «Il est difficile d’avoir un contrôle sur le nombre d’accidents de la circulation, sans impliquer plusieurs facteurs. L’état des voitures, les conditions de travail des chauffeurs», explique Soumahoro Raymond, président du Mouvement national des chauffeurs de taxis de Côte d’Ivoire (Monact-ci). Il prend pour exemple, des chauffeurs obligés de respecter un certain nombre de voyages pour ne pas perdre leur place. Ou même, qui ploient sous le poids des problèmes, avec un maigre traitement salarial.
Adama Yéo, transporteur, porte-parole du Groupement des chauffeurs, parle aussi de facteur humain. «Quand on voit les derniers accidents qui sont arrivés, on a du mal à comprendre les causes. Dans quel état sont les chauffeurs au volant ? C’est pour cela que nous demandons l’implication des chauffeurs dans les campagnes de sensibilisation», explique-t-il. Pour lui, la rigueur dans la délivrance des permis n’y changera pas grand-chose. Mais, la responsabilisation des propriétaires de véhicules et des conducteurs est primordiale. Pourtant, c’est au niveau de la délivrance des permis de conduire qu’il faut continuer à agir, selon Adama Touré, président de la Coordination nationale des gares routières de Côte d’Ivoire (Cngrci). «La plupart des conducteurs, dans notre milieu, sont des analphabètes. Il faut que les gens puissent faire des formations adéquates à leur situation», propose-t-il.
Persistance d’accidents graves
Au ministère des Transports, toutes ces propositions sont mises bout à bout, pour tenter de briser la spirale. Mais, on garde un autre regard sur la situation. Pour le département, en réalité, le nombre d’accidents de la circulation a baissé, depuis que les mesures ont été prises. D’après le ministère, un rapport produit en avril 2022 indique 3 553 infractions commises, contre 4 500 en mars 2022. Soit une baisse de 21,04%. «Reste néanmoins la persistance d’accidents graves et spectaculaires comme ceux observés ce lundi 1er août 2022», signale un proche collaborateur du ministre des Transports, Amadou Koné. Avant d’insister sur la répression. «La réactivation de la Commission spéciale de suspension et de retrait de permis de conduire a permis à ce jour de retirer plus de 1 200 permis de conduire à des chauffeurs indélicats. Des actions sont prévues dans le sens de l’accroissement du nombre de sessions par mois et son déploiement dans les grandes villes de l’intérieur du pays», note-t-il.
Le ministère insiste sur les actions déployées pour contrer le taux élevé des accidents sur nos routes. La vidéo-verbalisation, la mise en œuvre d’un plan d’action de surveillance des axes accidentogènes du réseau routier national notamment les axes Abidjan-Korhogo, Abidjan-Abengourou et Yamoussoukro-Daloa. La mise en place de comités locaux de sécurité routière, l’organisation de campagnes de sensibilisation sur toute l’étendue du territoire national ; l’organisation de campagnes de communication dans les médias, la création et le déploiement de la Police spéciale de sécurité routière (Pssr) ; l’élaboration et mise en œuvre d’une stratégie nationale pour la sécurité routière sur la période 2021-2025, la réactivation de la Commission spéciale de suspension et de retrait de permis de conduire qui tient des séances mensuelles). Pour le département, cela prendra quelque temps, mais la méthode porte ses fruits.
Raphaël Tanoh