Deux ans après la mesure polémique sur la limitation d’âge des véhicules d’occasion importés, le bilan à mi-parcours est mitigé.
C’est une Mercedes grise, avec la carrosserie rutilante. La plaque d’immatriculation comporte les lettes KH (les nouvelles immatriculations en Côte d’Ivoire, selon notre interlocuteur). Elle a l’air neuve, mais, le numéro de série du châssis affirme le contraire. Selon la carte grise que présente Charles B., au Plateau-Dokui, ce matin, le bolide roule depuis plus 12 ans.
Cet ancien importateur de véhicules, aujourd’hui sur la touche, explique que la voiture appartient à son neveu. Elle est entrée sur le sol ivoirien, il y a peu, d’après lui, via le port d’Abidjan. Preuve, dit-il, que le décret sur la limitation d’âge des véhicules d’importation est foulé au pied.
À priori, il n’a pas tort. Du moins, selon cet autre témoignage du président de la Coordination nationale des gares routières de Côte d’Ivoire (Cndrci). «Bien sûr que des véhicules continuent d’entrer sur le sol ivoirien sans tenir compte de la mesure sur la limitation d’âge. Il y a des arrangements. Si vous venez avec des véhicules de plus de 20 ans, tout ce qu’on fait, c’est vous taxer doublement», explique-t-il. Personne ne s’en plaint parce que ces «arrangements» en question font l’affaire des acteurs du monde du transport.
Les seuls plaignants, pour l’instant, ce sont les importateurs de véhicules. «Nous voyons tous les jours les véhicules de 15 ans, parfois même de 20 ans, entrer en Côte d’Ivoire par le port. Et ces véhicules portent effectivement de nouvelles plaques d’immatriculation comme KB, KJ, KH», se plaint Eric Yedoh Akpa, président de l’Association des vendeurs de véhicule en Côte d’Ivoire (Avvok).
Pour lui, seule une catégorie de personnes arrive à faire entrer ces véhicules sur le sol ivoirien. Ce sont des «cols blancs», dit-il. Autrement dit, des hauts cadres.
Et Yedoh Akpa de poursuivre : «C’est une discrimination. Nous avons toujours demandé l’assouplissement de la mesure de limitation d’âge des véhicules importés. On ne nous a jamais écoutés, pourtant certains ne la respectent pas».
Pour Abdoulaye Sylla, président de la Féderation nationale des syndicats des chauffeurs de Côte d’Ivoire (Fensci-CI), il faut rester prudent sur la question. «De toutes façons, ce type de mesure est difficile à faire respecter, d’autant que nous sommes en Afrique», relativise-t-il.
Toutefois, au ministre des Transports, on est catégorique. «La mesure de limitation d’âge des véhicules importés est respectée. Il y a des fonctionnaires internationaux qui travaillent à l’étranger et qui ont payé leurs véhicules bien avant la prise de la mesure de limitation d’âge. Quand ils entrent au pays et qu’ils veulent venir avec leurs véhicules, il y a des dispositions pour cela. Et c’est prévu dans les textes. Ce sont les seuls cas», note un proche collaborateur du ministre des Transports, Amadou Koné.
Pour rappel, la mesure stipule que l’âge limite pour les véhicules d’occasion importés en Côte d’Ivoire est fixé par décret comme suit : 5 ans pour les véhicules de tourisme, 5 ans pour les taxis et véhicules personnels, 7 ans pour les minibus (de 9 à 34 places), 7 ans pour les camions jusqu’à 5 tonnes, 10 ans pour les cars (plus de 34 places), 10 ans pour les camions de 5 à 10 tonnes, 10 ans pour les camions de plus de 10 tonnes.
Raphaël Tanoh