Désordre urbain: Abidjan, le casse-tête ivoirien

par NORDSUD
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Aujourd’hui à 5 millions, Abidjan pourrait voir ses habitants frôler les 7 millions en 2030. À la recherche de logements, beaucoup parmi ces populations se retrouvent, hélas, illégalement sur le domaine public, dans des zones à risques ou obstruant les voies d’écoulement naturel de l’eau. Comment y remédier ?


Établi avant les années 2000, le Schéma directeur d’urbanisme du grand Abidjan (Sduga 2) censé faire face au désordre urbain, n’a jamais connu une véritable application. Ce qui a poussé l’Etat à engager des experts pour élaborer un autre schéma directeur qui tienne compte des réalités actuelles. Dans leur préambule, ces experts rappellent que le Schéma directeur de 2000 a été gravement perturbé par «des facteurs économiques, politiques et sociaux». Et qu’il a provoqué, entre autres, des installations illégales.
Disponible depuis 2015, le nouveau Schéma directeur d’urbanisme du grand Abidjan (Sduga), arrive dans un contexte où les quartiers ont poussé comme des champignons, en deux décennies, sans toujours tenir compte des projets routiers,
occultant même les aspects d’assainissement. «Les experts ont plus travaillé pour le désengorgement, l’embellissement des voies et de la ville. Des propositions ont été faites sur les installations illégales, comme les baraques qui étaient installées à l’entrée d’Abidjan, après l’aéroport», explique un membre du cabinet du ministre de la Construction, du logement et de l’urbanisme.


Pour coupler le nouveau Sduga avec une bonne politique d’assainissement, le gouvernement a commandé une étude auprès du cabinet Merlin. Le cabinet français a ainsi établi le schéma directeur d’assainissement et de drainage du district d’Abidjan dans un rapport rendu public en 2016. Un plan qui propose, en gros, l’amélioration et le renforcement du système existant.

Schéma directeur d’urbanisme du grand Abidjan
Mais, le constat est que de nombreuses zones qui n’auraient jamais dû être colonisées si le schéma directeur de 2 000 avait été respecté le sont aujourd’hui. «Durant ces dernières années, il y a eu plus de déguerpissements en Côte d’Ivoire qu’à aucune autre période du pays. Parce qu’on a enfin décidé de respecter les plans initiaux établis pour l’urbanisation de la ville. Mais c’est très compliqué et très coûteux», note notre interlocuteur au ministère de la Construction. Et, ce n’est pas fini, à l’entendre. En effet, le nouveau schéma directeur a prévu plusieurs projets prioritaires, dont plusieurs ont déjà été
réalisés. Entre autres, le développement du réseau routier de la ville, l’amélioration de plusieurs intersections dont celles de Siporex (Yopougon) et de Williamsville (Adjamé) ; la création de voies exclusivement réservées aux bus, le développement d’infrastructures de stationnement. D’autres déguerpissements sont donc attendus, après les quartiers de Boribana, Nimatoulaye, Sans fil, etc.


A qui la faute ? «Il faut se demander comment ces gens ont réussi à vivre longtemps dans ces quartiers précaires ? Que ce soit dans les cuvettes ou dans les ravins, ces personnes ont été aidées. Si le schéma directeur d’Abidjan était respecté, il y a des zones où personne ne devrait habiter. C’est le cas des habitations sous les pylônes. C’est le cas des sites derrière l’hôpital militaire d’Abidjan (HMA). Toute la zone de ‘‘Gobelet’’ à Cocody qui se trouve dans le ravin, ne doit pas se trouver là», signale notre interlocuteur au ministère de la Construction. Qui cite, au passage, des problèmes liés au foncier dans lequel le ministre met de l’ordre. Mais, le mal est déjà fait.


Des milliards pour dédommager les familles
Et chaque année, de nombreuses familles déguerpies et dédommagées, coûtent bonbon à l’Etat. Ce sont des milliards de FCFA qui sortent des caisses. Rien que pour l’opération de déguerpissement prévue pour ce 5 juin par le ministère de l’Hydraulique, de l’assainissement et de la salubrité, ce sont 2,6 milliards F qui sont prévus. Sans compter le dédommagement des familles. «Nous avons besoin d’une prise de conscience collective, en contrôlant tout ce qui est installation illégale», souligne Salif Coulibaly, un des adjoints au maire d’Attécoubé, chargé des questions de salubrité. Pour lui, il serait difficile de dégager tous ceux qui sont déjà installés frauduleusement. Mais, les installations illégales à venir ne pourront cesser qu’avec l’implication des mairies, du district d’Abidjan, du ministère de la Construction. De son côté, le district d’Abidjan se dit prêt. «Nous avons un projet que nous allons lancer en ce mois de juin. Il vise à protéger nos parcs et jardins publics», rapporte un proche collaborateur du gouverneur du district autonome d’Abidjan, Robert Beugré Mambé. M. Mambé soutient également un projet de protection des espaces verts aux alentours d’Abidjan, initié par le ministère de la Construction.
Quid du foncier ?
Pour ce qui est du foncier urbain, cela fait des années que le ministre Bruno Nabagné Koné tient le taureau par les cornes. Dernière trouvaille du ministre : le Système intégré de gestion du foncier urbain (Sigfu). Le 20 mai 2022, Bruno Koné a présidé la 1ère réunion du comité d’orientation du Sigfu. Ce comité réunit les ministères de la Construction, du Budget et du Portefeuille de l’Etat, de l’Intérieur et de la Sécurité, de l’Hydraulique, de l’Assainissement et de la salubrité. Il vise à simplifier et à accélérer le processus de délivrance des actes administratifs, à sécuriser l’information foncière par la réduction des conflits fonciers et des litiges et enfin, à améliorer l’environnement des affaires en Côte d’Ivoire.


Raphaël Tanoh


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