La nouvelle équipe de Patrick Achi, composée de 37 ministres, et 4 secrétaires d’Etat, avec un savant mélange de technocrates et de politiques, est très attendue. Notamment sur des secteurs comme l’éducation nationale, la santé, l’emploi des jeunes, les réformes de l’agriculture, la lutte contre la corruption…
Education nationale : Les enseignants parlent à Mariatou Koné
Nommée à la tête du ministère de l’Education nationale et de l’Alphabétisation, Prof. Mariatou Koné aura à gérer l’un des départements les plus complexes. À ce titre, Jérôme Ourizalé, secrétaire général du Syndicat autonome des enseignants du primaire public de Côte d’Ivoire (Saeppci) note : «Elle arrive dans une chaudière. Elle doit poser un acte fort pour nouer la confiance. La question des cours le mercredi doit être réglée, les salaires suspendus également (…) Elle doit rétablir la confiance avec les enseignants».
Pour Pacôme Attaby, secrétaire général de la Coordination des enseignants du secondaire de Côte d’Ivoire (CES-CI), Mariatou Koné doit surtout «motiver» des enseignants «démotivés».
Santé : Ce qui est attendu de Pierre Dimba
Mis au-devant de la scène, à la tête du ministère de la Santé, de l’hygiène publique et de la Couverture maladie universelle, Pierre Dimba, arrive dans un département délicat. Les travailleurs exigent de lui une ouverture d’esprit. «Nous lui demandons d’être un bon manager. Il doit être à l’écoute des syndicats», note Dr Guillaume Esso Akpess, secrétaire général du Syndicat national des cadres supérieurs de la santé de Côte d’Ivoire (Syndicat).
Une vision partagée pour Boko Kouao, porte-parole de la Coordination des syndicats du secteur santé (Coordination). Pour Boko Kouao, le nouveau ministre doit poursuivre le travail débuté par son prédécesseur. Notamment, l’application de la réforme hospitalière.
Enseignement supérieur : Que le dialogue continue
Au niveau du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique, il n’a pas eu de changement de tête. Une situation que saluent les acteurs. «Nous avions commencé à travailler, par exemple, sur la loi sur l’enseignement supérieur qui permettra de régler, entre autres, la question de la gouvernance à l’université. Notre souhait est que ces discussions aillent à leur terme», indique Prof. N’Guessan Kouamé, secrétaire du comité de suivi de réunification de la Coordination nationale des enseignants et chercheurs (Cnec).
Yao René, secrétaire général du Syndicat national des enseignants du supérieur privé (Synesup) demande de la continuité dans le paiement des arriérés de primes de correction liées aux examens.
Fonction Publique : La question des salaires attend Anne Ouloto
Les fonctionnaires ont hâte d’entamer les discussions avec la nouvelle ministre de la Fonction publique. «Notre souhait est que le dialogue entamé par son prédécesseur, concernant par exemple l’amélioration de l’indice référentiel de base, le 13ème mois, se poursuive; que tous les instruments du dialogue social soient maintenus. Nous espérons que nous ne serons pas déçus», fait savoir Gnagna Zadi Théodore, président de la Plateforme nationale des organisations professionnelles du secteur public. Pour Pacôme Attaby, président de la Coalition des syndicats du secteur public de Côte d’Ivoire (Cssp-CI), la nouvelle ministre doit surtout militer pour le reversement des salaires suspendus de plusieurs fonctionnaires.
Justice et droit de l’Homme : Le plus dur reste à venir
Le ministère de la Justice, garde des sceaux, se voit attribuer dans le nouveau gouvernement le département des droits de l’Homme. Une casquette supplémentaire qui n’a pas l’air de ravir tout le monde. Notamment les organisations de défense des droits de l’Homme qui auraient aimé un ministère spécifiquement dédié aux droits de l’Homme. «C’est une régression pour nous. Nous avions déjà du mal à avoir des rencontres avec le ministre, maintenant qu’il a le département des droits de l’Homme, cela risque d’empirer», souffle Neth Willy Alexandre, le président de la Ligue ivoirienne des droits de l’Homme (Lidho). «Que la justice entende les critiques sur son indépendance avérée ou pas. Que cette indépendance puisse être effective», ajoute Denis Yoraubat, président de l’Action pour la protection des droits de l’Homme (Apdh). A l’entendre, il ne pourra y avoir de véritable droit de l’Homme sans une justice indépendante.
Réconciliation et cohésion nationale: La difficile mission de KKB
Après son baptême du feu, le ministre de la Réconciliation nationale se voit assigner un ministère remodelé : Réconciliation et cohésion nationale. Kouadio Konan Bertin dit KKB est attendu sur le terrain par de nombreux Ivoiriens. «Il faut amener les leaders à se parler véritablement, avec surtout le retour annoncé de Laurent Gbagbo. Qu’ils fassent preuve de hauteur», explique Denis Yoraubat, président de l’Action pour la protection des droits de l’Homme (Apdh). Une question qui tient à cœur aussi au Mouvement ivoirien des droits humains (Midh). Drissa Bamba, le président du conseil d’administration du Midh, estime également que la réconciliation concerne en premier lieu les politiciens. Il faudra pour KKB faire en sorte qu’ils se parlent. Une tâche qui ne sera pas aisée.
Bonne gouvernance : Retourner aux fondamentaux
Anciennement secrétaire d’Etat au Renforcement des capacités, Epiphane Zoro Bi Ballo se voit attribuer le ministère de la Promotion de la bonne gouvernance, du renforcement des capacités et de la lutte contre la corruption. Mais, pour le Mouvement ivoirien des droits humains (Midh), dont est issu M. Zoro Bi, qu’il ne s’attende pas à dormir sur ses lauriers. «La tâche est plus grande pour lui, et nous serons là pour le lui signifier», signale le président du Midh, Drissa Bamba. Les questions de corruption, de détournement de fonds sont très importantes et très sensibles dans le pays, rappelle-t-il.
Denis Yoraubat, président de l’Action pour la protection des droits de l’Homme (Apdh) demande, lui, que la lutte commence dans le changement de mentalités. «La devise de la Côte d’Ivoire, c’est union, discipline, travail. Les Ivoiriens sont-ils unis ? Non. Sont-ils disciplinés ? Non. Travaillent-ils ? Non. Il faut retourner aux fondamentaux», indique M. Yoraubat.
Insertion des jeunes : Passer à la vitesse supérieure
Le ministre de la Promotion de la jeunesse et de l’emploi des jeunes, Mamadou Touré, est aujourd’hui à la tête du tout nouveau ministère de la Promotion de la jeunesse, de l’insertion et de la promotion du service civique. Ces attributions n’ont pas pour autant changé, selon Assalé Auguste, président de la Fédération des élèves et étudiants de l’Enseignement technique et professionnel de Côte d’Ivoire (Fetep-ci). «Aujourd’hui, de nombreux titulaires du BTS sont sur le carreau. Il faut les aider à trouver de l’emploi, des stages de formation… », fait-il savoir.
Pour le Mouvement ivoirien des droits humains (Midh), l’insertion des jeunes n’est pas assez visible jusque-là en Côte d’Ivoire. «Il faut que nous le voyions. La politique d’insertion doit être revue», indique Drissa Bamba.
Transport : Ce qu’Amadou Koné doit changer
Aux commandes du ministère des Transports depuis le 11 janvier 2017, Amadou Koné est attendu par les acteurs de ce secteur. Le Président de la Coordination nationale des gares routières, Touré Adama, et le Président de l’Union des fédérations des syndicats des chauffeurs de Cocody, Tapé Albert, évoquent un changement de mentalités. «Il y a une politique exclusionniste dans notre secteur. Les syndicats issus de la société civile ou qui ne sont pas des rangs du Rhdp sont exclus des négociations, cela doit changer», indique Touré Adama. Sur le même sujet, le Président de l’Union des fédérations des syndicats des chauffeurs de Cocody, dit attendre une réforme.
«Le ministre doit s’adresser à ses vrais interlocuteurs. Le haut conseil avec lequel il discute ne représente pas les transporteurs mais plutôt les propriétaires des véhicules de transports, du coup ils ne peuvent pas porter nos revendications», s’indigne Tapé Albert. Il préconise la tenue des états généraux du transport. Ces assisses permettront, dit-il, de régler la grande part des problèmes qui minent le monde du transport ivoirien. Les syndicalistes demandent aussi le renouvellement du parc-auto.
Anacarde, café-cacao : Ce que les producteurs demandent à Adjoumani
Au ministère de l’Agriculture et du développement rural, Kobenan Kouassi Adjoumani reçoit la casquette de ministre d’Etat. Une position, selon les acteurs du secteur, qui doit l’amener à mettre plus d’accent sur certains aspects de sa politique. Notamment, les bénéfices liés à la production et à la commercialisation du café-cacao. «Les producteurs supportent 25% des pertes liées à la fixation des prix. Nous souhaitons, que le gouvernement supporte les risques. Les exportateurs et les chocolatiers, aussi, mais pas seulement les producteurs», indique Maurice Sawadogo, producteur de café-cacao, dans le département d’Abengourou, premier vice-président de la Fédération des organisations des producteurs, producteur dans le département d’Abengourou. Au niveau de l’anacarde, culture de rente dans le Nord et l’Est, Salif Coulibaly, le directeur général de la Fédération nationale des producteurs d’anacarde de Côte d’Ivoire (Fenapaci) demande que l’Etat améliore sa politique de transformation de la noix de cajou sur le sol national. «Il faut parvenir à transformer 50% de notre production sur place pour que les producteurs puissent véritablement jouir des fruits de leur labeur», propose M. Coulibaly.
Culture et spectacles : Ce qui attend Harlette Badou
Pour ses premiers pas dans les rangs du gouvernement ivoirien, Harlette Badou N’Guessan Kouamé a la charge du portefeuille ministériel de la Culture, de l’Industrie, des Arts et du Spectacle. Elle aura à gérer les effets de la crise sanitaire dans ce milieu. C’est du moins ce qu’espèrent les artistes. «On sait qu’elle n’est pas totalement étrangère à notre monde. Nous espérons donc une continuité de l’œuvre de l’ancienne ministre qui a fait du bon travail. Nous lui avions remis les conclusions de nos travaux sur le Burida. En tant qu’administrateur provisoire de cette institution, j’espère que la nouvelle ministre fera le nécessaire pour que les attentes contenues dans ce document soient connues du chef de l’Etat, et qu’un décret soit pris dans ce sens», espère Bilé Didier, Administrateur provisoire du Burida, artiste Zouglou.
Pour Fadal Dey, artiste Reggae, il faudra aussi étudier le dossier sur la copie privée qui leur tient à cœur. «Les ministres Maurice Bandama et Raymonde Goudou Coffie ont permis d’avoir des avancées sur le sujet. Nous espérons qu’avec la nouvelle ministre, l’application effective de cette loi sera perceptible pour les artistes. C’est fondamental pour nous de percevoir cette rémunération, surtout avec les habitudes de consommation essentiellement basées sur le numérique. En plus, il y a la piraterie qui gangrène notre monde depuis des lustres. Il faudra qu’elle se penche sur cette plaie», a indiqué le reggaeman ivoirien.
Réalisé par Raphaël Tanoh et Charles Assagba