Adama Bictogo, président de l’Assemblée nationale ivoirienne et membre du bureau de l’APF (Assemblée parlementaire de la Francophonie)
Candidat du Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP), le parti au pouvoir, Adama Bictogo a été élu, le 7 juin 2022, président de l’Assemblée nationale ivoirienne sans discussion possible. Sur 248 bulletins de vote, il a obtenu 237 voix. Il devient ainsi le onzième président élu du Perchoir ivoirien depuis sa création en 1960, succédant à Amadou Soumahoro, décédé le 7 mai 2022. L’ampleur du score réalisé par Adama Bictogo lui confère des responsabilités nouvelles. L’assemblée nationale est un lieu où se joue l’avenir de la Côte d’Ivoire et la réussite des processus de réconciliation. A côté d’un RHDP majoritaire, le président doit permettre à l’opposition d’exister et faire entendre ses propositions. Il ne s’agit pas de mimer l’existence d’un gouvernement d’union nationale, il appartient au gouvernement de décider des grandes orientations publiques et aux députés RHDP et apparentés de voter les lois, mais d’inscrire le fonctionnement de l’institution dans une démarche inclusive. Parlant de son élection et de l’ampleur de son score, Adama Bictogo a déclaré : « C’est un choix qui traduit le consensus qui est un des principes démocratiques (…). Je voudrais relever le défi de cette présidence qui m’est confiée. » Ce défi est triple : il est national, continental et international.
Le défi national
Les trois ans qu’il aura à exercer au cours de cette législature 2021-2025, Adama Bictogo veut les utiliser pour moderniser l’Assemblée nationale, afin de permettre aux députés de légiférer efficacement. Il compte pour cela, dans une démarche inclusive et participative, mettre en place un comité ad hoc d’élaboration du budget de l’Assemblée nationale au titre de l’année 2023, créer une commission ad hoc afin de réviser le règlement de l’Assemblée nationale, ainsi que le règlement du Congrès. L’assemblée nationale, ce sont aussi des groupes d’amitié qu’il veut consolider, afin de permettre à l’institution de rayonner au plan national et à international. L’assemblée nationale doit être, pour Adama Bictogo, une véritable « “famille parlementaire”, moteur du renforcement de la cohésion sociale, creuset de l’expression plurielle qui prend sa source dans notre diversité politique, ethnique et religieuse ». En créant le RHDP, le Président Alassane Ouattara a voulu faire une véritable « famille politique » à « l’expression plurielle » en rupture avec la structuration partisane des partis traditionnels ivoiriens, construits sur un ancrage ethnique et territorial. Justin Koffi N’Goran, le Secrétaire national du RHDP en charge de la formation, qui connaît bien Adama Bictogo avec qui il a travaillé et dont il partage les convictions, trace ainsi le portrait du nouveau président de l’assemblée nationale : « Adama Bictogo est un homme de conviction et d’action. Ses convictions sont fortes, adossées à un grand sens politique, un talent de négociateur et un franc-parler qui lui valent la confiance de ses interlocuteurs. Il a toujours refusé de s’enfermer dans des postures rigides, prônant un dialogue constructif et la réconciliation, une philosophie appliquée à Agboville, sa ville natale, où il est élu et réélu député depuis 2011et où il exerce son mandat au plus près des populations, sans sectarisme. Sa fidélité et sa loyauté à l’égard du Président Alassane Ouattara font qu’il sera choisi pour être le candidat du RHDP à la présidence de l’assemblée nationale. Désormais élu au perchoir, il saura faire jouer pleinement son rôle à l’institution parlementaire. »
Le défi continental
Adama Bictogo n’oublie pas qu’il a été ministre de l’Intégration africaine. Dans son intervention, le 3 octobre 2022, au Centre d’Études Prospectives (CEP), à Abidjan, il a expliqué que pour occuper la place qui doit être la sienne dans le système des relations internationales et ne plus subir « les diktats de [leurs] partenaires occidentaux, de [leurs] partenaires tout court », les Etats africains doivent parler d’une seule voix et surmonter les difficultés qui les divisent, notamment « les difficultés liées au repositionnement de puissances internationales, le terrorisme, la pandémie de la Covid-19, la crise russo-ukrainienne, les périls inflationnistes, la cherté de la vie et les changements climatiques ». Face aux circonstances que leur offre une Histoire contingente à l’intérieur de laquelle se multiplient les menaces et les défis, les dirigeants africains ont l’obligation de bâtir une Afrique-puissance dans le respect de la souveraineté de chaque Etat. Il ne s’agit pas, pour Adama Bictogo, de renoncer aux coopérations internationales. « Nous avons un continent riche (…), mais nous avons besoin de l’expérience de nos partenaires », tient-il à préciser à la tribune du CEP.
Le défi international
Soucieux de relever le défi international en développant une diplomatie parlementaire très active, Adama Bictogo s’est rendu, dès le mois de septembre, au siège de l’AFP, à Paris, où il a été reçu par le député Bruno Fuchs, le Secrétaire général parlementaire par intérim en présence de l’ambassadeur de Côte d’Ivoire en France, Maurice Bandama. Cette visite avait une dimension protocolaire, mais Adama Bictogo n’est pas un homme de protocole, c’est un homme d’action, fin connaisseur des dynamiques géopolitiques contemporaines. S’il tient à ce que l’Afrique apporte aux défis qu’elle doit relever des réponses africaines, il sait que, dans un monde multipolaire aux évolutions rapides et aux soubresauts violents, le continent ne peut pas avancer seul. Au siège de l’APF, Adama Bictogo a rappelé que le rôle des parlements francophones est aussi un rôle diplomatique qui doit permettre de prévenir les conflits et de les résoudre. Il a donc appelé l’Assemblée Parlementaire de la Francophonie à s’impliquer dans la résolution des crises qui secouent la sous-région de l’Ouest africain, notamment la crise ivoiro-malienne qui concerne la situation des 46 soldats ivoiriens encore détenus au Mali. Pour Adama Bictogo, les brusques évolutions de la situation au Mali, au Burkina Faso, dans toute la bande sahélienne et les pays du Golfe de Guinée, ne sont pas uniquement liées à des crises internes propres à chaque pays, elles s’inscrivent dans un contexte international avec des guerres d’influence qui opposent des blocs ennemis et qui ne sont pas sans rappeler la période de la « Guerre froide » (1945-1991), au cours de laquelle l’Afrique a été marginalisée. Il en appelle donc à une étroite collaboration entre tous les Etats de l’espace francophone pour bâtir une paix durable et une francophonie prospère. Dieye Bachir, conseiller à l’APF, résume ainsi le rôle de l’institution francophone : « L’APF est une maison commune dans laquelle les membres se retrouvent autour de valeurs partagées et de l’utilisation du français comme langue de travail. On retient son rôle culturel, en lien avec la défense des droits de l’Homme et la promotion de l’égalité réelle entre les hommes et les femmes, mais n’oublions pas le rôle diplomatique de l’APF, ni son implication dans le domaine économique. Il existe une francophonie politique et économique qu’Adama Bictogo et Bruno Fuchs entendent développer dans une logique de respect mutuel des Etats membres et de partenariats gagnants-gagnants. » Sur tous les sujets, Adama Bictogo a rappelé la nécessité de consolider l’attractivité de l’espace Francophone, notamment pour la jeunesse. « Le rôle de tous les présidents des assemblées parlementaires est de renforcer l’attractivité de la francophonie. En ce sens, j’ai organisé, avec l’APF, deux séminaires à Abidjan, l’un sur le genre, qui a déjà eu lieu, l’autre, qui se tiendra bientôt, sur la lutte contre le dérèglement climatique », a déclaré Adama Bictogo.
PAR CHRISTIAN GAMBOTTI
Agrégé de l’Université – Président du think tank Afrique & Partage – Président du CERAD (Centre d’Etudes et de Recherches sur l’Afrique de Demain) – Directeur général de l’Université de l’Atlantique (Abidjan) – Chroniqueur, essayiste, politologue. Contact : cg@agriquepartage.org