Raymond Soumahoro, président des chauffeurs: «Ça ne sert à rien de renforcer les mesures contre le Coronavirus»

par nordsud.info
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Dans cet entretien, le président de l’Union des fédérations des syndicats chauffeurs de Cocody, membre de la faîtière des conducteurs de Côte d’Ivoire revient sur les conditions de travail des chauffeurs.

Aujourd’hui, les chauffeurs de gbaka, de wôrô-wôrô (véhicules de transport en commun) de taxi-compteurs et de cars, sont au cœur de la lutte contre la pandémie à Coronavirus, parce que le secteur draine du monde. Comment vivez-vous cela ?

On entend dire que les Ivoiriens n’ont pas peur du virus. Certains vont même jusqu’à dire qu’on exagère dans les mesures barrières. Mais le virus est réel et il est dangereux. Nous voyons les gens mourir tous les jours du Coronavirus. C’est pour cela que nous sensibilisons les chauffeurs chaque fois pour qu’ils portent des masques. La santé n’a pas de prix. Mais nos efforts sont vains. Tant que la population elle-même n’est pas sensibilisée, il y aura toujours un problème.

Etes-vous en phase avec les mesures de l’Etat pour freiner le virus ?

Cela ne sert à rien de renforcer les mesures. Parce qu’elles ne sont pas respectées. La seule chose à faire, c’est d’inciter les gens à porter le masque. Parce que le respect de la distanciation n’a pas de sens. C’est impossible à mettre en œuvre.

Pour le port du masque, doit-on, à votre avis, appliquer des sanctions dans le transport ?

Nous sommes pour les amendes. Mais, si un passager ne porte pas le masque, c’est à lui de payer l’amende et non au chauffeur. Or, c’est le contraire qui se passe. Vous oubliez que la pandémie a multiplié la précarité au niveau du secteur. Les chauffeurs avaient des difficultés. Quand le virus est arrivé, c’est devenu encore plus difficile. Les aides sont restées insignifiantes, en termes de matériel et en termes financiers.

La situation salariale des chauffeurs connaît-elle un début de solution ?

La convention collective n’est pas respectée. Nous avons eu le projet annexe sur la convention collective depuis 2009. Mais rien n’a bougé depuis. Le salaire moyen d’un chauffeur de wôrô-wôrô et de gbaka est en-dessous du salaire minimum interprofessionnel garanti (Smig). Vous voyez les cars qui font Abidjan et l’intérieur du pays ? Le salaire des chauffeurs ne vaut pas 80 000 F. Ils ne sont pas déclarés à la Cnps. Ce sont des gens qui conduisent un car de 60 places, souvent. Au moindre problème à la maison, ils sont sous pression. C’est la vie des passagers qu’ils conduisent qui est en danger. Il faut prendre une loi pour amener les propriétaires à signer cette convention avec les organisations des conducteurs. C’est à ce seul prix que le désordre va finir.

Qu’est-ce qui bloque ce projet annexe sur le transport ?

Le projet est dans les tiroirs. Il n’est jamais passé à l’Assemblée nationale. C’est un manque de volonté politique. Nous sommes pour qu’une loi soit votée dans ce sens. Il faut que le ministère des Transports décide et tire enfin le transport de la précarité.

La clé pour en finir avec le désordre dans le transport, c’est de bien traiter les chauffeurs, selon vous ?

Les pays frères de la sous-région ont adopté ce type de projet : le Niger, le Burkina, notamment. Les transporteurs sont à l’aise dans ces pays et le transport est bien organisé. À la Société de transport abidjanais (Sotra), les chauffeurs sont bien payés, vous voyez qu’ils conduisent bien.

Raphaël Tanoh

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