Lors d’un webinaire, tenu début septembre à l’initiative de AFSA et de la COPAGEN, des organisations de la société civile ont débattu des implications de la Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAF) sur la souveraineté alimentaire et les droits des agriculteurs. Famara Diédhiou de l’AFSA, Ange David Bahimey de GRAIN et Jean-Paul Sikeli de la COPAGEN ont tous soulevé des préoccupations quant à la privatisation des semences, tout en appelant à une résistance citoyenne face aux dérives potentielles de cet accord.
ZLECAF : une Autoroute pour les Multinationales
Famara Diédhiou, membre de l’Alliance pour la Souveraineté Alimentaire en Afrique (AFSA) a rappelé l’historique des discussions sur les impacts des Accords de Partenariats Économiques (APE) et de la ZLECAF sur les semences, évoquant une conférence en 2018 où la nécessité de défendre la souveraineté alimentaire avait déjà été mise en avant. Il a souligné que la ZLECAF pourrait renforcer la privatisation des semences, favorisant les multinationales au détriment des agriculteurs africains. Selon lui, l’AFSA travaille désormais à une sensibilisation accrue sur ce sujet à travers des études et des webinaires. Ange Bahimey de Grain International a renforcé ce point en qualifiant la ZLECAF d'”autoroute” facilitant la privatisation des semences, avec des conséquences désastreuses pour les petits agriculteurs. Il a mis en lumière les droits de propriété intellectuelle qui favorisent les grandes entreprises, réduisant la capacité des paysans à réutiliser leurs propres semences. Il a également critiqué le soutien à l’union internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV), un modèle souvent inadapté aux réalités africaines, qui pourrait aggraver la crise de la biodiversité.
Vers une Résistance Citoyenne et un Protectionnisme Temporaire
Jean-Paul Sikely, Secrétaire General de la Coalition pour la Protection du Patrimoine Génétique Africain (COPAGEN) a ensuite pris la parole pour mettre en garde contre les conséquences juridiques et socio-économiques du protocole sur les droits de propriété intellectuelle. Il a plaidé pour un système sui generis qui tiendrait compte des spécificités africaines, au lieu de se conformer aux normes internationales qui, selon lui, nuisent aux agriculteurs locaux. Les trois intervenants ont convenu qu’une résistance citoyenne était nécessaire pour contrer le néolibéralisme qui imprègne la ZLECAF. Bahimey a souligné l’importance d’unir les forces des acteurs africains pour protéger la souveraineté alimentaire et les droits des petits producteurs. Il a mis en exergue le risque d’une invasion de multinationales profitant des failles de cet accord pour s’implanter sur le continent.
Priorité aux Intérêts des Agriculteurs
Les panélistes ont également abordé le besoin urgent d’une législation qui respecte et protège les droits des agriculteurs. Famara Diédhiou a insisté sur le fait que les ressources génétiques doivent être considérées comme des biens communs, soulignant l’importance de reconnaître les connaissances traditionnelles dans ce processus. Sikely a terminé en appelant à une véritable réflexion sur les OGM et les nouvelles technologies, soulignant les dangers qu’elles représentent pour les agriculteurs et la biodiversité. Un changement de paradigme est nécessaire, exigeant que le législateur africain prenne des mesures audacieuses pour établir un cadre juridique protecteur qui promeut une agriculture durable et respectueuse des cultures locales. Le webinaire a non seulement mis en lumière les menaces pesant sur les semences africaines dans le contexte de la ZLECAF, mais a également proposé des pistes pour une résistance citoyenne et une refonte des systèmes juridiques en faveur des agriculteurs. Les voix de Djedou, Bahimey et Sikely résonnent comme un appel à l’action pour préserver la souveraineté alimentaire du continent face aux enjeux de la mondialisation.
Armand BLEDOU