Le 17 septembre dernier le monde a célébré, la Journée internationale de la démocratie. Combien de citoyens africains le savaient-ils ? Combien de partis politiques se sont réunis pour penser, débattre de l’avenir de nos démocraties ? Pourtant, c’est là que se joue aussi le devenir de nos jeunes États.
Il y a 34 ans, à La Baule en France, tout un continent à pas forcés, s’était mis à la démocratie. Sans savoir de quoi cet exigeant engagement retournait. Winston CHURCHILL, créateur fécond d’aphorismes disait en 1947 : « La démocratie est le pire système de gouvernement à l’exception de tous les autres qui ont pu être expérimentés dans l’histoire. » On aurait dû suggérer pour réflexion, cet aphorisme aux Africains qui ont foncé, la tête baissée dans un nouveau système politique complexe, sans l’avoir interrogé aux regards de leurs propres réalités sociologiques et anthropologiques.
Depuis 34 ans, malgré des acquis indéniables, le processus reste biaisé, mal compris parce que maladroitement mis en œuvre ; parce que le rôle du citoyen « acteur politique » majeur est minoré, rabaissé. En Afrique francophone en particulier, depuis 1990, on attend toujours que se concrétisent « le sacre du citoyen » et dans sa plénitude, l’expression de « la souveraineté du peuple ».
Dès les premières heures de l’avènement du processus démocratique en Afrique, on a tôt fait de croire – naïvement – aux peuples que, le seul défi à relever était celui de l’ouverture à des élections plurielles, apaisées, sans violences. Que la démocratie ce n’était que du bonheur… Non. Dans un environnement où tout choix politique est d’abord dicté l’appartenance ethnique et non des convictions idéologiques, il y avait un défi essentiel que tous ont négligé : l’éducation, la formation civique des citoyens. C’est ce qui permettrait selon Aristote de faire nation* : « Il faut que la cité soit une multiplicité, qui soit faite une et communautaire par le biais de l’éducation. » Une nation libre est d’abord celle qu’animent des esprits éclairés, parce que, instruits des valeurs civiques, morales… Malheureusement, depuis l’avènement de ce processus imposé par l’Occident, on a l’impression que tout est fait dans nos États, pour maintenir les citoyens dans l’ignorance des principes démocratiques, plutôt que de les former aux vertus et aux exigences de ce système de gouvernement.
En Afrique francophone, la démocratie, « trajectoire imposée » donc obligée, s’est vite montrée faillible. C’est bien pour cela, – surtout que ses différents modèles s’essoufflent en Occident – qu’il nous faut constamment l’interroger.
Pour mieux nous l’approprier en l’adaptant à nos réalités africaines. Il faut interroger constamment les limites de la démocratie afin de les repousser, autant qu’on peut : pour la stabilité de nos États et le plein épanouissement de notre ambition démocratique. Et l’impératif, c’est qu’il nous faudra tôt ou tard, créer notre propre voie démocratique, en nous inspirant de ce qui fonde ses « valeurs universelles », afin que ce système politique nous ressemble. Cette quête d’originalité, si elle se concrétise, donnerait encore une fois raison à Pline l’Ancien*, auteur connu dans la Haute Antiquité : « De l’Afrique, vient toujours quelque chose de nouveau. »
* Éloge de la politique, Sous la Direction de Vincent TREMOLET de VILLERS, Éditions Tallandier
*Afrotopia, Felwine SARR, Éditions Philippe Rey
Ange Hermann GNANIH