Abidjan: Pourquoi des Ivoiriens se suicident

par NORDSUD
Publié: Dernière mise à jour le 159 vues

La vague de suicides qui a secoué la Côte d’Ivoire dans le mois de janvier a laissé dans ses sillons de nombreuses questions. Que se passe-t-il ? Pourquoi maintenant ? Ces suicides vont-ils se reproduire ?

Il y a quelques jours, Yapi N’Guessan Dayus, étudiant en licence 3 de droit public à l’Université Alassane Ouattara de Bouaké, tentait de se donner la mort au sein de l’établissement supérieur. Son intention sera avortée grâce à l’intervention des camarades. Conduit au centre hospitalier universitaire (CHU) de Bouaké, Dayus menace toujours de se suicider. «Il a dit qu’une fois libéré, il en finirait avec sa vie», explique ce jeudi, Ouattara K. Jacob, porte-parole du Comité des élèves et étudiants de Côte d’Ivoire (Ceeci), qui suit ce cas. Lui, comme l’entourage de Dayus, n’ont rien vu venir. «Le jour où il a tenté de se tuer, sa mère raconte que Dayus l’a appelé pour lui dire qu’il avait envie de voir son père. Or, son géniteur est mort depuis sept mois. Dayus le savait très bien, pourtant, il a demandé à le voir», informe le porte-parole du Ceeci. Fils aîné de la famille, l’étudiant était celui qui gérait les biens de son père après son décès. «Il était ouvert et ne montrait aucun penchant suicidaire », ajoute Ouattara Jacob.

Pleurs

Au conseil des ministres du mercredi 1er février, le porte-parole du gouvernement, Amadou Coulibaly, est revenu sur cet incident, tout en promettant une prise en charge de Dayus ainsi que des étudiants présentant des besoins de suivi psychologique. Sauf que cette tentative de suicide n’est que la partie visible du problème. Il faut dire que le mois de janvier a été particulièrement émaillé de suicides et de tentatives de suicides.  Le 23 janvier, à Divo, dans le quartier Vatican, une femme retrouvée pendue a créé l’émoi au sein de la population. Un jour avant, c’était la ville de Sikensi qui pleurait la mort de Kadjo N’Guessan Hyppolite, élève en classe de 3ème au collège Kraffa Adagra de Sikensi. Hyppolite s’est tranché la gorge avec un couteau de cuisine, au domicile familial. Le 19 janvier déjà, un élève avait essayé de s’ôter la vie en sautant d’un bateau-bus de la Société de transport abidjanais (Sotra). Il sera sauvé à temps. Que dire du drame qui a ébranlé le campus de Cocody, le 14 janvier, lorsque Diabagaté Ibrahim a été découvert, pendu dans le bâtiment U du nouveau site de droit, alors que quatre jours auparavant, un premier corps sans vie avait été découvert sur les lieux. Tous ces cas ont été relevés dans le seul mois de janvier. Et, pour enfoncer le clou, une étude dont les résultats seront connus dans la même période, citait la Côte d’Ivoire comme le pays où le taux de suicides est élevé en Afrique. Ces investigations ont permis aux auteurs d’enregistrer 101 cas de suicides confirmés, dans la période de 2013 à 2020, 1500 cas de décès suspects, et 5.276 cas de morts violentes.  D’après l’étude, les facteurs de risque étaient dominés par les dépressions (37,6 %). Dans 29,7 % des cas, il s’agissait de sujets qui se sont suicidés au grand étonnement de leurs proches, etc. Pourquoi autant de suicides ?

Assassinat

Zambi Bi Zou Ambroise, sociologue à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody, lie cela à l’évolution des technologies de l’information et de la communication (TIC). «Aujourd’hui, le moindre fait qui se déroule à l’autre bout du pays est connu de tous. Les cas de suicide que nous voyons ne sont pas les premiers. En plus, on ne peut pas d’office présumer que les personnes mortes se sont vraiment suicidées. Il y a beaucoup de cas d’assassinat qu’on déguise en suicide. Il n’y avait qu’à voir le suicide du jeune Diabagaté Ibrahim au bâtiment U pour savoir que c’était louche, à cause de la position du corps», explique-t-il.

Toutefois, le sociologue reconnaît que le poids de la société écrase certaines personnes, les poussant à vouloir se supprimer plutôt que d’affronter les problèmes. «Dans le cadre des étudiants ou des élèves, la coercition sociale peut leur être fatale, s’il n’ont pas de suivi. Ça a été le cas pour l’étudiant de Bouaké qui a tenté de se suicider», note Zamblé Bi Zou.

Pour les personnes qui disposent d’un moi faible, la pesanteur de la société pousse au suicide. «C’est cette pression sociale qu’il faut atténuer avec de la sensibilisation, des prises en charges», propose-t-il.  Mais qu’en pensent les psychologues ?

Raphaël Tanoh

Articles similaires

Laissez un commentaire

* En utilisant ce formulaire, vous acceptez le stockage et le traitement de vos données par ce site Web.

Le site Web nordsud utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que cela vous convient, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. J'accepte Lire la suite