Ben à la Prod, meilleur arrangeur au PRIMUD 2025 : « voici ce que l’arrangeur apporte dans le façonnement d’un hit »

par nordsud.info
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Après son sacre en tant que meilleur arrangeur au Prix international des musiques urbaines et du coupé-décalé (PRIMUD) 2025, Ben Mustapha, plus connu sous le nom de Ben à la Prod, a ouvert les portes de son studio à Nordsud.info, le samedi 18 octobre 2025, dans la commune de Yopougon. Titulaire d’un master en communication-marketing, cet arrangeur accompli, passé du rap à la production musicale, s’est imposé par sa capacité à créer des sons originaux et à collaborer avec de grandes figures de la scène ivoirienne, telles que Didi B et Team De Poy. Il met aujourd’hui en avant le rôle central de la direction artistique et prône un partenariat d’égal à égal entre arrangeurs et artistes, qu’il considère comme la clé de son succès.

Comment définir le métier d’arrangeur ?

Être un arrangeur, c’est lier les sons, faire en sorte qu’un son soit audible et plaisant pour tous les auditeurs. L’arrangeur, c’est cet individu qui a la capacité de prendre n’importe quel son pour en faire quelque chose de bon, d’audible et de dansant parfois. Parce que la finalité de tout son, c’est de faire plaisir aux auditeurs, qu’ils passent un bon temps.

Comment et pourquoi Ben arrive à l’arrangement ?

Je suis arrivé à l’arrangement parce qu’à la base, je faisais du rap depuis le lycée. Souvent, j’avais besoin de prod mais, je n’en trouvais pas. Comme j’ai touché un peu au piano à l’époque, je bidouille un peu, je faisais des prods à gauche, à droite. Mais, ce n’était pas ce que je cherchais. Donc, je m’y suis mis à fond, avec beaucoup de recherche dans le domaine et voilà, ç’a apporté ce que ç’a apporte aujourd’hui.

Peut-on parler de passion ?

Oui, je suis un gros passionné de musique à la base. J’aime bien la musique, je kiffe bien tout ce que je fais. Mes deux grands-frères ont toujours eu cette fibre musicale. Les deux faisaient du rap. Quand on était petit, ils jouaient des sonorités américaines à la maison. Du coup, cette fibre-là, depuis le bas âge, est restée en moi.

Vu l’évolution du genre musical Biama, comment arrivez-vous à arranger les sonorités des chanteurs, en sachant qu’elles sont nouvelles dans le registre musical ivoirien ?

J’ai constamment le souci d’apporter quelque chose de nouveau. Je ne suis pas uniquement faiseur de coupé décalé. Je tiens à le préciser, j’étais plus dans le rap, je faisais plus de beat rap à l’époque pour Ezamafork (groupe de rap Ivoire). Je faisais aussi des sons pour Piment Sucré (rappeur)… Plus tard, quand j’arrive dans le coupé-décalé, c’était le même travail d’arrangement. Je me suis dit : “ comment vais-je faire pour avoir une sonorité qui me démarque de la masse ?”. C’est comme ça que j’ai commencé à faire mes prods qui étaient vraiment différentes de tout ce que les autres faisaient. Si les gars utilisent des caisses, moi j’utilise des claps ; s’ils utilisent des percussions, des toms, j’utilise autre chose. C’est ce qui a créé le “Biama” et changé un peu le style d’arrangement du coupé-décalé. A partir du moment où ça plaît aux gens, moi, je suis content.

Comparé aux autres arrangeurs ivoiriens, tels que David Tayorault, Bebi Philip, Tam-Sir, Serge Beynaud… Comment définissez-vous votre approche ?

Ce qui est intéressant, c’est que chacun a sa touche particulière, chacun a sa conception de la musique mais, l’objectif final reste le même. Parce qu’on est tous focus sur un même objectif qui est de faire grandir les artistes. Pour chaque artiste que nous accueillons dans notre studio, il s’agit de faire en sorte qu’il grandisse musicalement. Derrière la musique, il y a les fans à gérer. Donc, c’est toute une éducation aussi qu’on essaie d’apporter à travers nos sonorités. Du moment où ça leur plaît, que ce soit Serge Beynaud, que ce soit Tam-Sir, le plus important, c’est de mettre en avant la culture ivoirienne. On ne travaille pas par rapport à un arrangement, on travaille par rapport à 30 millions d’Ivoiriens.

Beaucoup d’artistes viennent vers moi, sollicitent mes services par rapport à ce que j’ai déjà produit. Ils écoutent, quand c’est bon, ils posent la voix. Par contre, d’autres viennent naturellement proposer leur son et on y travaille. C’est réjouissant quand ta musique a une forte audience. Là, tu te rends compte que ton travail n’a pas été vain, que ç’a porté ses fruits, quand tu arrives à réaliser des choses énormes, comme remplir les salles.

Quelle place occupe un arrangeur aujourd’hui dans la prestation ou dans le façonnement des hits ?

Dans le façonnement d’un hit, l’arrangeur apporte une certaine direction artistique. C’est très important de le dire. Il y a beaucoup d’arrangeurs qui ne parlent pas de ça mais, en studio, on apporte beaucoup aussi cette direction artistique ou on aide aussi les artistes à performer vocalement. Nous aussi, on prend le relais musicalement en faisant parfois les chœurs. Et c’est du 50-50, dans le sens où sans les voix de l’artiste, il n’y a pas de hit. Ainsi, sans le beat de l’arrangeur, il n’y a pas de hit. Donc aujourd’hui, c’est du 50-50 dans ce domaine-là.

Au regard de cette jeune génération qui s’intéresse au métier d’arrangeur, quel regard portez-vous sur le rapport musical avec l’actualité actuelle ? Pensez-vous que c’est possible qu’ils puissent relever le défi ou bien y a-t-il encore du travail à faire ?

On le voit déjà avec les deux grosses têtes actuelles de la musique ivoirienne que sont Didi B et Himra. Ils ont des ingénieurs, ils ont des arrangeurs qui sont de notre génération ; ce ne sont pas des personnes qui ont plus de 40 ans, ce sont de jeunes arrangeurs. Ça veut dire qu’il y a une jeune génération qui est déjà en place. C’est juste leur apporter de la lumière et de les soutenir dans le mouvement. Grâce à ces arrangements, ces artistes (Didi B et Himra) portent haut la musique ivoirienne. Chaque époque a ses réalités. Cette nouvelle génération doit travailler davantage pour pérenniser son époque.

Quels sont les artistes avec lesquels vous avez collaboré depuis vos débuts ?

Il y en a énormément : Didi B, Team De Poy, Didi Yeman, Safarel Obiang… Que ce soit dans le rap ou dans le coupé-décalé, il n’y a pas de limite pour un arrangeur. Moi, je dis aujourd’hui, que tout arrangeur doit souffrir avant de toucher le sommet avec les artistes. Quand je suis sur une prod avec un artiste, j’essaie d’avoir une identité sonore. Il ne suffit pas seulement d’arranger, il faut être en mesure de créer quelque chose autour de l’artiste, de faire en sorte que lorsqu’il sort avec son morceau, on arrive à l’identifier facilement.

Comment peut-on rendre la musique ivoirienne aussi exportable que la musique congolaise et nigériane ?

La musique ivoirienne est bien placée dans la sous-région. Je pense qu’après le Nigeria, on est peut-être deuxième ou troisième. Aujourd’hui, on est très bien placé par rapport à ce qu’on produit, par rapport à l’énergie qu’il y a autour de nos artistes. C’est juste que pour le moment, on n’a pas encore le soutien financier qui va avec l’industrie musicale. Deuxièmement, il n’y a pas de formation, alors qu’il y a beaucoup de choses à apprendre. Il y a des artistes qui doivent faire des formations, sur : comment gérer leurs carrières de A à Z ; comment avoir une bonne équipe, avoir de bons bookers, pour qu’au moins, les cachets puissent évoluer en fonction de leur travail, avoir encore plus de concerts…. C’est toute une industrie qui doit évoluer en termes de logistique aussi. Parce qu’on a des home studios dans lesquels on travaille. Ou aussi on peut évoluer, passer des home studios à des studios pro, comme au Nigeria, par exemple. Il y a tout ce qu’il faut. Mais, c’est le soutien financier qui manque. Nous avons les compétences. Personnellement, je trouve qu’en Côte d’Ivoire, on a les compétences pour rivaliser avec les Nigérians. Mais, pas seulement les Nigérians. Je dirais qu’on a les compétences pour rivaliser aussi avec les Français et d’autres musiques européennes. Aujourd’hui, la musique ivoirienne se joue en France. Mes sons sont même joués et dansés en Italie. Donc, ça veut dire que le son est là. C’est le financement qui manque pour former et exporter majoritairement nos artistes.

Ben à la Prod, fiers de son sacre au PRIMUD 2025.

Quels sont les problèmes majeurs auxquels fait face un arrangeur ?

C’est le respect des programmes avec les artistes. Le respect des séances et beaucoup de distractions après la sortie d’un son. Il y a beaucoup d’artistes qui sont un peu distraits, lorsqu’ils commencent à pull-up, comme on dit chez nous, ils prennent un peu la grosse tête. Pourtant, c’est là que le boulot commence. Ce n’est pas que le studio, en vrai. Après le studio, il y a encore beaucoup de réalité à affronter. Il y a l’équipe qu’il faut gérer, il y a les médias, il y a la fan base qu’il faut entretenir, il y a la formation qu’il va falloir mettre devant…

Vous avez remporté le prix du meilleur arrangeur lors de la 10e édition du PRIMUD, grâce à vos collaborations musicales. Qu’avez-vous ressenti en recevant cette distinction ?

A vrai dire, ce n’était pas quelque chose que j’avais véritablement en tête. Parce que moi, je travaille par passion. Mais au fur et à mesure que tu commences à travailler, il y a les ambitions qui viennent. L’année dernière, j’étais nominé au PRIMUD mais, je n’ai pas mis vraiment l’accent là-dessus, du coup, c’était passé inaperçu. Cette année, quand j’ai été nominé, j’ai vu que mon boulot porte vraiment. Je me suis dit : ‘’écoute, il serait intéressant de pouvoir remporter ce trophée-là’’. C’est ainsi que j’ai fait la communication autour de ma nomination pour attirer un maximum de votes. Vu le résultat, cela me fait plaisir. Ce trophée, c’est aussi pour les artistes, parce que c’est aussi le résultat des efforts qu’ils font au studio ; ces heures ; ces veillées que nous passons à travailler sur une chanson. Je profite de votre canal pour leur dire merci. C’est le travail de toute une équipe, je pense aussi à mon collègue Elie et à Emma. Sans leur soutien, ça n’allait peut-être pas arriver. Ce sont aussi leurs idées qu’on aborde sur des morceaux. Je suis aussi content parce que je vois que le travail qu’on fait, ne passe pas inaperçu. Il y a de la reconnaissance derrière et c’est plaisant.

Combien faut-il payer pour un arrangement avec Ben à la Prod ?

Tout dépend de ce que l’artiste veut. Sinon, il faut prévoir au moins 500.000 FCFA. Ça peut aller au-delà. C’est important quand tu fais un travail de la qualité d’insister sur cet aspect, parce qu’aujourd’hui, on n’est plus au stade où on va faire des chansons comme avant où on prenait 50.000 FCFA.

Interview réalisée par BN

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