Coronavirus : Un employeur peut-il obliger ses salariés à se faire vacciner ?

par NORDSUD
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« Je ne crois pas à la vaccination obligatoire pour ce vaccin […]. » Il y a quelques jours, chez nos confrères de Brut, Emmanuel Macron expliquait ne pas vouloir imposer le vaccin contre le Covid-19, pour le moment. Une phrase qui a dû réjouir les 43 % de Français qui ne souhaitent pas recevoir de dose. Mais une campagne de vaccination massive pourrait signifier non pas la fin immédiate de l’épidémie, mais un retour « à la normale » pour les travailleurs. Fin du télétravail, reprise des activités stoppées par la situation sanitaire…

Certains employeurs pourraient donc être tentés de l’exiger au sein de leur entreprise, pour éviter tout risque de contamination. Mais peuvent-ils le faire ? 20 Minutes a interrogé Emmanuel Gayat et Stéphane Martiano, avocats au barreau de Paris et spécialistes du droit du travail, pour en savoir plus.

Un employeur peut-il imposer la vaccination à ses salariés ?

NON. « L’obligation vaccinale est du domaine de la loi, c’est le législateur qui fixe les règles », explique Emmanuel Gayat. Ainsi, tant que la vaccination contre la COVID-19 n’est pas rendue obligatoire par le Code de santé publique, elle ne peut pas être imposée aux salariés par les employeurs.

Il existe bien des vaccins obligatoires pour des segments de la population (par exemple les enfants) ou pour certaines professions (indiquées dans les articles L.3111-4 et 3112-1 du Code de la Santé publique). C’est le cas, par exemple, des personnels d’Ehpad qui doivent être immunisés contre l’hépatite B, la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite et la grippe, pour travailler au contact de personnes âgées. Même contrainte pour les personnels qui exercent en laboratoire de biologie médicale, ils doivent être immunisées contre la fièvre typhoïde. Dans certains secteurs, comme les personnels de santé, une obligation pourrait-elle voir le jour ? Rien de certain, selon Stéphane Martiano : « Il y a une proportionnalité entre le risque et l’atteinte à la liberté. Il faut que ce soit justifié par les conditions de travail. »

Un employeur peut-il inciter ses salariés à se faire vacciner ou faire de la publicité pour le vaccin ?

OUI. « Un employeur peut faire autant de publicité qu’il veut tant qu’il ne demande pas de certificat de vaccination à ses employés », résume Emmanuel Gayat. A l’image des campagnes d’incitation pour la grippe saisonnière, les entreprises pourraient afficher des incitations à la vaccination dans les locaux. En revanche, si l’employeur veut recommander le vaccin à ses employés directement, il ne peut le faire que sur proposition du médecin du travail, selon l’article R 4426-6 du Code du travail. Stéphane Martiano détaille ces conditions : « Il faut justifier ces recommandations. Ce peut être pour des salariés particulièrement exposés au virus, ou en contact direct avec des personnes fragiles. Dans un Ehpad, par exemple. » Mais cette recommandation n’a toujours pas valeur d’obligation pour les salariés.

Un employeur peut-il conditionner un retour sur le lieu de travail à une vaccination ?

NON, SAUF… pour les professions concernées par les articles L.3111-4 et 3112-1, encore eux. Pour les autres, si le télétravail peut toujours être encouragé pour ceux qui le peuvent, une non-vaccination ne doit pas empêcher un salarié de revenir sur son lieu de travail. Aux employeurs qui voudraient avancer l’idée que la proximité serait trop grande entre travailleurs, dans un open space par exemple, Stéphane Martiano répond que ce sera difficile à justifier : « Il y a d’autres moyens de prévenir les contaminations, avec les masques, le gel, les panneaux en plexiglas, la distanciation ou le télétravail alterné. »

Un employeur peut-il sanctionner un salarié pour un refus ?

OUI ET NON. Un chef d’entreprise qui voudrait sanctionner un refus du vaccin par ses salariés s’exposerait à des poursuites. Pour Emmanuel Bayat, cela n’empêchera sans doute pas certains employeurs de le faire : « Mais ils n’auraient aucune chance de s’en sortir sans passer par la case Prud’hommes. Et là, ce sont eux qui seraient sanctionnés. »

L’employeur pourrait alors choisir de placer les salariés récalcitrants en congés ou en activité partielle. Un jeu dangereux selon Stéphane Martiano : « Il faudrait vraiment prouver scientifiquement que la vaccination permet d’éviter la contamination. Que la personne se trouve en position de contaminer des personnes fragiles. Et que tous ces éléments objectifs soient approuvés par le médecin du travail. » Sans cela, les salariés gardent leur liberté de choix.

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