Côte d’Ivoire: Peut-on faire de la politique autrement?

par NORDSUD
Publié: Dernière mise à jour le 219 vues

Dévaloriser la politique, c’est aller à l’encontre des règles basiques de la démocratie. L’arène politique est, avant tout, un lieu de débats-de rhétorique au sens classique du terme-qui permet la discussion en public des affaires du peuple. Elle permet aux acteurs de s’exprimer de manière civilisée, c’est-à-dire avoir une certaine conception de la politique qui met l’ordre républicain au-dessus de tout.

Devant une foule de partisans réunis le 24 août 2022 à Gagnoa, Pascal Affi N’Guessan déplorait l’intervention de Pulchérie Gbalet dans le dossier des 49 soldats ivoiriens arrêtés le 10 juillet à l’aéroport de Bamako au Mali.

«En tant qu’opposants, nous critiquons certes notre gouvernement mais nous sommes d’abord des Ivoiriens. Il y a donc une limite que nous ne devrions pas dépasser. On s’oppose pour améliorer mais on ne s’oppose pas pour mettre le pays en difficulté », recadrait le président du Front populaire ivoirien (FPI). Ça aurait pu être un beau discours. Un discours civilisé. Il est à saluer. Mais il ne faut pas être trop euphoriques.

La séquence du Conseil national de transition (CNT) est très récente dans les mémoires. Après avoir refusé de prendre part à la présidentielle 2020, Henri Konan Bédié et Pascal Affi N’guessan, alors que leurs candidatures avaient été validées par le Conseil constitutionnel, cherchaient à arracher le pouvoir par des mouvements violents de rues. Ces violences électorales (politiques et intercommunautaires) ont fait au moins 85 morts et près de 500 blessés dans le pays entre août et novembre 2020, selon le rapport de l’Unité spéciale d’enquête. Les enquêteurs soulignent clairement que la création du CNT avait pour objectif pour ces initiateurs de se substituer aux institutions républicaines légalement établies. Ce qui constitue un acte grave de sédition.

A l’heure où le FPI d’Affi N’Guessan cherche à nouer des liens avec un milieu plus large que celui des seuls socialistes, son discours ne surprend guère. Pour lui, la présidente de l’Alternative citoyenne ivoirienne (ACI), mise aux arrêts le 22 août 2022, ne doit pas apparaître comme une martyre dans cette crise. Au surplus, que cela ne vienne pas encore dégrader l’élan de cohésion nationale.

Le drame en Côte d’Ivoire, c’est que l’opposition pense toujours que la réconciliation est en danger ou n’a pas démarré, quand elle ne trouve pas son compte dans le jeu.

C’est le défunt Premier ministre Hamed Bakayoko qui avait trouvé les mots justes pour bien caricaturer le marché de dupes animé par certains acteurs politiques. «Ne vous battez pas pour les hommes politiques. Lorsque, entre nous acteurs politiques, les arrangements sont bons, on ne vous appelle pas. C’est lorsque nous sommes en désaccord que nous vous appelons afin que vous puissiez porter, par des batailles de rue, ces désaccords. Vous devez dire non à la violence», avait-il conseillé à la jeunesse le 27 août 2020 après des évènements violents produits les 7, 13 et 21 août dans la localité de Bonoua.

A tort donc, Affi N’Guessan pense que la cohésion sociale est fragile, et une arrestation peut tout compromettre.

On ne peut pas prendre le peuple en otage

Trop souvent en Côte d’Ivoire, les populations ont été prises en otage par des querelles pour lesquelles elles ne sont pas du tout des parties prenantes. Les rivalités politiques nées de la compétition pour la conquête du pouvoir d’État ont plongé la société ivoirienne dans diverses situations. La Côte d’Ivoire est passée par tous les états : Des faux et des vrais complots, des révoltes populaires, des élections violentes, un coup d’Etat militaire, une rebellion, des affrontements aux allures de guerre civile, des confrontations intercommunautaires…

Aujourd’hui, les Ivoiriens veulent la paix. Ils ont résolument décidé de faire la paix.

Seuls les hommes politiques ont encore et toujours leurs couteaux entre les dents. Pour nous inscrire dans un cycle mortifère sans fin.

La Côte d’Ivoire essaie courageusement de tourner la page.

Comme le disent certains observateurs, ce sont les hommes politiques qui ne sont peut-être pas reconciliés. Sinon dans les chaumières, les populations vivent en paix.

Les alliances interethniques séculaires, nées du voisinage et des unions matrimoniales, fonctionnent à merveille. Il y a certes eu quelques situations où ces relations-là n’ont pas pu résister à la folie meurtrière provoquée par les ambitions politiques partisanes. La jeunesse, instrumentalisée à l’extrême s’était transformée en une véritable machine à tuer, à laquelle aucune barrière morale ou sociale ne semblait résister. Et quand les acteurs politiques parlent de lenteur de la réconciliation ou de la fragilité de la cohésion sociale, ils font allusion à leurs petits arrangements.

Ces arguments sont aujourd’hui dépassés. Personne ne peut espérer continuer de prendre le peuple en otage.

Bakayoko Youssouf

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