Depuis quelque temps, il y a une vraie fausse polémique liée au nombre très élévé de réfugiés politiques à destination de la Côte d’Ivoire en France, alors que le pays se porte bien sous le Président Alassane Ouattara. La Côte d’Ivoire serait la troisième nationalité à demander l’asile en France, juste derrière les Afghans et les Guinéens. A Daloa, d’où part la plupart des migrants, nous avons analysé le profil de ceux qui ne récule devant rien pour se retrouver en Europe ou ailleurs.
Il faut rentrer dans la tête d’un migrant ivoirien pour comprendre ce qui le pousse à quitter son pays natal. Dans un rapport de profilage des migrants ivoiriens publié en 2018, l’OIM note que 89% des migrants qu’elle a interrogés indiquent avoir quitté la Côte d’Ivoire pour partir à la recherche d’emploi ou, dans 75% des cas, d’opportunités économiques principalement en Europe.
Dans un reportage publié par le Monde qui cite l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), plus de 3 400 Ivoiriens, souvent jeunes, ont fait la demande depuis le début de l’année (5 682 en 2019).
Ce qui fait de la Côte d’Ivoire, la troisième nationalité à demander l’asile en France, juste derrière les Afghans et les Guinéens, précise Didier Leschi, directeur général de l’OFII.
Pourtant, et c’est là l’un des grands paradoxes soulevés par Christian Bouquet, “84% des personnes interrogées au cours de l’enquête de l’OIM indiquent qu’elles occupaient un emploi rémunéré avant de partir.” Parmi eux, près d’un sur deux gagnait même plus de 100 000 francs CFA (soit plus de 150 euros) par mois, “ce qui est nettement au-dessus du revenu mensuel moyen en Côte d’Ivoire (55 600 francs CFA soit 85 euros)”, souligne l’OIM.
Ces chiffres “mettent en lumière le fait que les migrants qui s’aventurent sur la route de la Méditerranée centrale ne sont pas nécessairement les plus “désespérés” dans la mesure où ils ne sont pas les plus “pauvres”, continue l’agence onusienne. Ce phénomène traduit également “les réalités de la société ivoirienne qui influencent la migration irrégulière” et démontre le besoin pour les pouvoirs publics “de développer une analyse en termes de perception et de compréhension de cette quête de ‘mieux être’ affichée par les migrants ivoiriens.”
Le lieu de vie semble également jouer un rôle central dans la décision de prendre la route de l’exil vers l’Europe. “On se rend compte que près de 70% des personnes interrogées résidaient à Abidjan avant le départ, sans distinction significative entre les sexes, alors qu’Abidjan a été indiqué comme lieu de naissance par environ 30% des individus”, indique l’OIM qui y voit une tendance nette : “Il se pourrait qu’Abidjan soit le lieu de transit privilégié pour réunir les fonds nécessaires au voyage ou encore qu’Abidjan soit une ville dans laquelle on migre en quête d’opportunités économiques et que face à l’échec ou à la rencontre de personnes (réseaux de passeurs par exemple), l’aventure de la migration irrégulière soit perçue comme une meilleure option.”
Ce que le rapport ne dit pas, c’est que depuis 2017-2018, Abidjan a été détrônée par Daloa, au Sud-Ouest du pays. L’on peut écrire avec Christian Bouquet, professeur à l’Université Bordeaux-Montaigne et chercheur à LAM (Les Afriques dans le monde) à Sciences Po Bordeaux qu’”il s’agit bien souvent d’un projet précautionneusement monté pour qu’un membre d’une famille généralement pas démunie de ressources ni analphabète soit envoyé en France pour tenter sa chance et renvoyer de l’argent au pays”.
Un effet de mode
Malgré ce visage hideux de la migration et ses lourdes conséquences, la motivation ne baisse chez de nombreux candidats. On constate que la course à l’argent est brandie comme la raison principale de nombreux départs.
On peut donc écrire que l’effet de mode a une grande influence sur les jeunes aventuriers, prêts à tout affronter pour réaliser leur rêve d’aller derrière l’eau.
Tout comme l’influence des publications sur les réseaux sociaux de certaines images de ceux qui ont eu la chance de regagner l’Europe et d’obtenir un tuteur. Des posts avec des vidéos et des photos prises dans des lieux huppés, sur des boulevards, dans des cafés, etc. mettent plein la vue à ceux qui sont restés au pays.
Cela a pour conséquence de les pousser à utiliser tous les moyens pour tenter leur chance. Et rien ne semble démotiver ceux qui rêvent d’aller dans l’Eldorado. Même quand l’envers du décor leur est présenté avec aventuriers dormant à la belle étoile dans les rues de France, d’Italie, d’Allemagne, faute d’avoir du travail, et même un tuteur.
Très souvent à Daloa ici, ce sont les mamans qui exhortent leurs progénitures à tenter l’aventure. Tout simplement parce l’enfant de la rivale qui s’y trouve, expédie très régulièrement de l’argent à sa maman. Le phénomène est courant.
Quand c’est le cas, on s’en fout de ce que l’enfant fait sur place au pays. Qu’il travaille ou pas, il doit être en Europe pour lui envoyer quelque chose. Ils sont nombreux à abandonner leurs professions desquelles ils vivaient décemment en Côte d’Ivoire. Cela a poussé même des élèves à abandonner les études sur instructions des mamans très souvent. Pour aller malheureusement mourir très jeunes dans la mer.
Bayo Fatim à Daloa