La Côte d’Ivoire, comme de nombreux pays de la sous-région, manque d’enseignants. Les raisons sont multiples.
Depuis 2016, l’Institut de statistiques de l’Unesco attire l’attention des pays d’Afrique subsaharienne sur la pénurie d’enseignants à laquelle ils font face. Dans la région, selon l’Unesco, 70 % des pays sont confrontés à des pénuries aigües d’enseignants, s’élevant à 90 % dans le cycle secondaire. Dans le cycle secondaire, la zone devra recruter 10,8 millions d’enseignants d’ici à 2030. Dont 7,1 millions pour de nouveaux postes d’enseignant et 3,7 millions pour remplacer ceux qui seront partis à la retraite.
En Côte d’Ivoire, le problème n’est pas nouveau. Le pays compte environ 75.000 enseignants au secondaire pour environ 3 millions d’élèves, selon les récentes statistiques scolaires. Soit, un ratio d’un enseignant pour 35 élèves. Le rapport mentionne que le nombre d’enseignants est en baisse, pendant que celui des élèves grimpe. Et c’est là, l’autre défi.
Besoins
Au primaire, en plus des 5.000 enseignants au primaire que l’État recrute par an, selon Jérôme Ourizalé, il en faut 2.000 de plus pour combler le besoin sur l’étendue du territoire. Les éducateurs ne sont pas épargnés. « Il existe de nombreuses zones comme Bondoukou, où certains établissements n’ont pas d’éducateurs. Ce sont des profs qu’on transforme en éducateurs pour assurer le fonctionnement de l’école. Dans d’autres contrées, faute d’inspecteurs, les éducateurs prennent leurs places », souligne Achi Edoukou, Secrétaire général national du Conseil d’actions et de réflexions des inspecteurs d’éducation et éducateurs de Côte d’Ivoire (CARIEECI).
Les raisons de cette pénurie ? « Les gens désertent l’enseignement, en partie parce que l’évolution est difficile. Chaque année, par exemple, sur 30 000 instituteurs adjoints, il n’y a que 1500 qui sont admis par concours pour passer instituteur ordinaire. La progression est lente, parce que ça devient cher à l’État. Et cela pousse beaucoup à quitter le corps », explique Jérôme Ourizalé.
Autre raison évoquée : la mauvaise répartition des enseignants sur l’ensemble du territoire national. Que ce soit au niveau des instituteurs ou des enseignants des collèges et lycées, on assiste à une forte concentration de personnel dans la zone Sud, tandis qu’à l’Est, à l’Ouest et au Nord, les salles de classe sont désertes. À cause du manque d’infrastructures dans ces endroits, les profs et instituteurs jouent de leurs relations pour ne pas y être affectés. Voilà pourquoi la Ministre de l’Éducation nationale et de l’alphabétisation, Mariatou Koné, a décidé d’instaurer la régionalisation des concours. Aujourd’hui, il faut passer 10 ans dans une zone avant de demander une affectation. Quant à la Ministre de la Fonction et de la Modernisation de l’Administration, Anne-Désirée Ouloto, elle a intégré le recensement biométrique des travailleurs. Parce que dans certaines professions, comme l’enseignement, beaucoup abandonnent leurs postes pour d’autres activités. Avec la complicité de leurs supérieurs, il se font pointer. Grâce au recensement biométrique, ces stratégies seront désormais déjouées.
L’ampleur du problème
Conscient de tous ces problèmes, l’État a initié plusieurs programmes pour faire face à la pénurie d’enseignants. D’abord, le recrutement exceptionnel de 10 300 enseignants en 2019. Ensuite, le retour des concours d’instituteurs-adjoints. Vu l’ampleur du problème, les bailleurs de fonds essayent aussi d’épauler le gouvernement. C’est dans ce contexte que le Millennium challenge corporation (MCC) a décidé de participer au recrutement d’environ 2.000 enseignants en Côte d’Ivoire. Parmi ces enseignants, 1000 seront formés à l’ENS d’Abidjan, 500 à l’ENS de Bouaké et 500 à l’ENS de San Pedro, en construction. Cette agence d’aide internationale participera notamment à la prise en charge des salaires de ces enseignants. Mais il en faudrait bien, plus pour résoudre durablement cette épineuse question…
Georges DAGOU