Putschs au Mali, en Guinée et au Burkina : Comment Ouattara a sécurisé son pays

par NORDSUD
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Mali, Burkina Faso et la Guinée. Trois des cinq voisins de la Côte d’Ivoire ont en commun d’être dirigés par des putschistes. Dans ces trois pays, les ingrédients de la déflagration étaient réunis: les situations politique, sécuritaire étaient désastreuses, avec leurs corollaires de crispations sociales. Plusieurs faisceaux d’arguments vont dans le sens de crise annoncée dans chacun de ces pays. 

Bédié, Soro : Les griots de l’apocalypse. Paradoxalement, depuis quelques jours, certains Ivoiriens, animés d’un certain masochisme, souhaitent ardemment repasser par la case coup d’Etat, après le putsch du 24 décembre 1999 perpétré par des jeunes gens contre le pouvoir d’Henri Konan Bédié.

Ce putsch est considéré comme «une abomination», un épisode «funeste inscrit tristement dans la mémoire des ivoirien» selon les éléments de langage employés par Bédié et les cadres de son parti.

N’empêche ! Le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci), tout en affirmant son désir de revenir au pouvoir par les urnes, semble, depuis quelques jours, surtout après l’interruption de l’ordre constitutionnel au Burkina Faso, appeler de tous ses vœux un renversement des institutions en côte d’Ivoire. Le Nouveau Réveil, son journal officiel, l’écrivait dans son édition N°5967 du 24 janvier 2022. «Face à la menace terroriste: Le Mali et le Burkina dans le tourbillon, alerte rouge en Côte d’Ivoire ?» 

Dans cette communication du désespoir, le PDCI est alimenté et encouragé par les publications alarmistes et fantaisistes de Guillaume Soro alias Chris Yapi et ses partisans.

Comprendre la crise politique au Mali. Le coup d’Etat survenu le 18 août 2020 au Mali vient compliquer une crise politique qui frappe le pays depuis le mois de juin de la même année.

Il faut écrire que le pays de Modibo Kéïta est fragilisé depuis 2012 par une crise multiple, dans une région aux prises avec la violence islamiste. En réalité, ce n’est pas sous la pression du M5-RFP, mouvement populaire d’opposition, dans la rue à partir juin 2020, mais bien suite à un coup d’Etat militaire revendiqué par le colonel Assimi Goïta, que l’ex-président Ibrahim Boubacar Keïta «IBK» (décédé le 16 janvier 2022) a dû remettre sa démission le 19 août 2020.

Pendant de longues journées de manifestations de rue, IBK a été accusé entre autres d’avoir échoué à mettre fin à l’escalade des violences djihadistes et intercommunautaires.

Le centre du pays concentre depuis lors 40% des attaques djihadistes. Rien qu’entre janvier et août 2018, 500 civils ont été tués au cours de massacres, d’attaques ou de combats. 50 villages entiers ont été brûlés, d’autres assiégés par des blocus, 30.000 personnes ont fui la région. Les faits sont rapportés par plusieurs organisations humanitaires sur place notamment la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (Fidh). 

Le monde s’effondre au Mali. Cet effondrement de l’Etat entamé depuis 2012 avec un autre coup d’Etat, celui contre l’ex-président Amadou Toumani Touré (ATT), a conduit à un vide sécuritaire grave. La situation n’a pu être rattrapée ni par les forces françaises, ni par celles de la Minusma, la mission de stabilisation des Nations unies. Encore moins par l’armée malienne, forte de 16 200 éléments réguliers (selon un décompte fait 22 mai 2017).

Les militaires ramassent un pouvoir en lambeaux. La loi d’orientation et de programmation militaire de 2015-2019 qui visait à doter le pays d’un outil de défense capable de relever les défis sécuritaires est restée lettres mortes.

C’est donc derrière ce chaos ambiant crée par les terroristes que les militaires maliens se sont abrités pour s’emparer du pouvoir le 18 août 2020.

Aujourd’hui, ils tentent le tout pour le tout pour s’acheter une légitimité avec une transition à durée indéterminée.

Burkina Faso. Ce pays est également confronté à une crise sécuritaire de plus en plus grave, comme son voisin, le Mali. Des groupes armés mènent des raids et des enlèvements dans une grande partie de la région nord.

Même s’il faut admettre que l’armée burkinabè a lancé une opération de grande envergure en réponse à une recrudescence des attaques de groupes armés, les forces de sécurité peinent à empêcher les violences qui ont contraint plus d’un million et demi de personnes à quitter leurs foyers au cours des deux dernières années.

Au lieu de mesures fortes ou d’une action vigoureuse de l’armée qui réclamait des moyens, la sécurité était assurée par les Volontaires pour la défense de la patrie, notamment les Kogolweogo, des villageois bénévoles qui se mettent en groupes d’auto-défense pour protéger les populations.

Ici aussi, sur le papier, la loi de programmation militaire adoptée le 14 décembre 2017 par l’Assemblée nationale pour la période 2018-2022 n’a pas eu l’impact attendu. Elle qui visait à doter les forces armées nationales des moyens conséquents pour remplir efficacement leur rôle. 

Quand tout bascule. L’attaque meurtrière d’Inata qui a fait au moins 20 morts dans les rangs de l’armée burkinabè le 14 novembre 2021 a ébranlé puis sonné le glas du pouvoir de Ouagadougou.

Une résultante de l’approche attentiste choisie par l’ex-président Roch Marc Christian Kaboré depuis le début de l’année 2020 jusqu’à sa chute le 24 janvier 2022.

Certains de ses détracteurs pensent que le Président burkinabé a mis trop de temps à réagir face aux premiers signaux de déstabilisation venus de l’autre côté de la frontière malienne. D’autres, en revanche, estiment que Marc Christian Kaboré a pris la mesure du défi sécuritaire, en augmentant le budget de la défense et en déployant des renforts militaires dans les régions du Nord et de l’Est. Des victoires, l’armée burkinabè en a remporté quelques-unes, notamment à la fin de décembre 2020, à Arbinda, où 80 «terroristes» ont été tués. Mais, comme le président lui-même l’a répété à Pau, le 13 janvier, aux côtés d’Emmanuel Macron et de ses homologues du G5 Sahel : «Il nous faut des résultats probants rapidement.»

Hélas, un peu tard. L’armée avait un autre agenda.

Guinée. Le tableau dans le pays de Sékou Touré est différent de celui du Mali et du Burkina.

L’armée guinéenne fait des coups d’Etat post-mortem.  Elle a pris le pouvoir après la mort du président Sékou Touré le 26 mars 1984. Ensuite, l’armée s’est de nouveau emparée du pouvoir après la mort du président Conté le 22 décembre 2008.

La Guinée n’a pas eu de rébellion, ni de guerre civile. Alpha Condé se targuait d’avoir une armée réformée, une armée républicaine. Mais la tension sociale est montée après l’annonce d’un projet de réforme constitutionnelle qui a abouti à une élection présidentielle contestée en 2020. Les militaires ont reproché au président civil démocratiquement élu Alpha Condé d’avoir sapé les fondements de la République pour prendre le pouvoir le 5 septembre 2021.

Faute de dialogue, comme le craignait Human Rights Watch, le blocage a créé les conditions de l’irruption des militaires sur la scène politique.

Comme au Mali, l’opposition politique guinéenne a d’emblée vu dans le putsch du 5 septembre une opportunité inespérée de redéfinir le jeu démocratique avec une participation plus ouverte. Le principal opposant à Alpha Condé, Cellou Dalein Diallo, a d’abord rapidement apporté son soutien aux putschistes, avant de se montrer inquiet par rapport au calendrier électoral. Le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya et ses hommes sont en train de s’accrocher au pouvoir et c’est l’éternel recommencement. 

Il faut le dire la Guinée, sous Alpha Condé, était mal partie sur le plan de la stabilité politique, de la cohésion nationale et du respect des libertés publiques. 

Les objectifs de développement économique et social n’ont pas été atteints au bout de presque 10 ans de mandat. Dans un rapport sur les promesses tenues ou non par Alpha Condé et le gouvernement, l’Association des blogueurs de Guinée, qui dit œuvrer pour la bonne gouvernance par le numérique, note que les mines, qui tirent la croissance, sont, avec 38 %, l’un des secteurs où le pouvoir a le mieux honoré ses engagements, derrière les affaires sociales (50 %) et avant la justice (30 %).

Mais en tout, seuls 40 engagements sur 315 ont été respectés, soit un taux de 13 % de réalisations, dit-il.

Les grands projets gouvernementaux annoncés n’ont pas pu impacter positivement la vie des Guinéens. L’accès à l’électricité malgré le fonctionnement du barrage de Souapiti, à 115 km au nord de Conakry, n’est pas une réalité. Le président Alpha Condé avait pourtant fait de l’accès à l’électricité pour tous une promesse de campagne. En 2017, le taux d’accès des foyers à l’électricité était seulement de 29 % en Guinée, selon la Banque mondiale, et même de 3 % dans les zones rurales.

Les difficultés économiques, hautes comme une montagne, ont été aggravées par la pandémie de Covid-19. Un Guinéen sur deux vit dans la pauvreté, selon l’ONU. Il y a eu l’augmentation de plusieurs taxes, décrétées par le gouvernement, notamment sur l’essence. 

Au plan politique, la situation est en permanence explosive. Pendant les 10 années de pouvoir d’Alpha Condé, les électeurs n’ont été consultés que deux fois pour le renouvellement des sièges au parlement en septembre 2013 et des conseils municipaux en février 2018, réduisant ainsi la participation citoyenne.

L’opposition significative est soit en prison soit en résidence surveillée.

Cela a accentué le sentiment d’abandon d’une partie de la population et donné lieu à des violences.

Côte d’Ivoire, en construction dans tous ses compartiments. Contrairement au Mali et au Burkina, consumés par le péril djihadiste, la Côte d’Ivoire a pris très tôt et très au sérieux cette nouvelle menace. Les effectifs militaires ont été renforcés et les moyens militaires accrus dans la zone Nord.

Un plan Marshall est en train d’être déroulé pour contrer les terroristes qui tentaient de s’installer dans le septentrion ivoirien. Plus de 20.000 jeunes de la partie nord exposée à la menace terroriste depuis juin 2020 bénéficient de l’accompagnement de l’Etat.

Combattre le terrorisme sur tous les fronts. Un fonds spécial d’un montant de deux milliards de francs CFA a été mis en place pour la formation, l’insertion et le financement des projets de 3680 jeunes. L’enveloppe a été revue à la hausse, à la suite d’un nouveau diagnostic. L’objectif initial a été réévalué et passe à 19.812 jeunes à prendre en charge dès ce mois de janvier 2022 pour un budget de 8.602.216.030 francs CFA entièrement mobilisé.

L’objectif étant d’amplifier les interventions de l’Etat en matière d’insertion et d’emploi des jeunes dans la partie septentrionale du pays afin d’éviter à la jeunesse, la tentation de répondre favorablement à l’appel du terrorisme.

C’est en Côte d’Ivoire que la reprise économique est observée le plus nettement comparativement aux 3 pays cités plus haut.  Le changement est important étant donné le poids économique de la Côte d’Ivoire dans la sous-région. L’embellie intervient en même temps qu’une accélération des réformes. Notamment la loi et programmation militaire: une réforme de l’institution, mais aussi la promotion d’un nouveau soldat : à l’instar de l’Ivoirien Nouveau, les nouvelles Forces Armées de Côte d’Ivoire sont le corps du « Soldat Nouveau ».

Sur  le plan politique, il n’y a pas de blocage. Le dialogue politique est en cours. Ce dialogue entre le pouvoir et les principaux partis d’opposition vise à décrisper le climat politique.

Infrastructures: focus sur les routes, les ponts, les centres de santé

Toute la Côte d’Ivoire est en chantier dans le domaine des infrastructures routières. Partout, des routes sont construites ou réhabilitées pour relier les localités entre elles, soutenir le développement économique et améliorer les conditions de vie des populations.

Des voies bitumées ont surgi entre des villes qui en rêvaient depuis longtemps et avaient fini par ne plus y croire. C’est le cas de l’axe Tiéningboué-Mankono (60 km) et celui de Boundiali-Odienné (134 km).

Les routes bitumées dégradées ont été refaites. Dans des villes comme Abidjan, Yamoussoukro, Daloa, Korhogo, Bouaké, les grandes artères ont fière allure. La voirie a fait peau neuve.

À titre de rappel, la Côte d’Ivoire dispose d’un réseau routier de 82 612 km, dont 7 500 km bitumés. Et en termes d’entretien, plus de 22 000 km sont traités chaque année.

Loin de se satisfaire des progrès réalisés dans le secteur, le gouvernement poursuit les investissements pour rapprocher les régions et les populations, faciliter les échanges et accroître la compétitivité de l’économie. 

La santé. En ce qui concerne la mise en place d’infrastructures sanitaires, la Côte d’Ivoire, sous Alassane Ouattara, enregistre d’importantes avancées. 

Au titre des réhabilitations, le CHR de Daloa et les hôpitaux généraux d’Adjamé, de Grand-Bassam et de Yopougon Attié…ont fait peau neuve.

L’accent sur les hommes. La réduction des inégalités est inscrite comme priorité dans le programme social de l’Etat de Côte d’Ivoire. Le gouvernement a lancé fin 2020 un Programme national de développement (PND 2021-2025), qui vise à accélérer la transformation structurelle de l’économie, renforcer le développement inclusif, promouvoir le développement du capital humain, et tendre vers une gouvernance plus efficace et participative.

Le chef de l’Etat, Alassane Ouattara,  a relevé à l’occasion du traditionnel message du nouvel an le 31 décembre 2021 que pour l’année 2022, le gouvernement ciblera ses actions sur trois priorités. La première consistera en la transformation de l’économie. Amplifier la modernisation de l’agriculture pour augmenter ses rendements et les revenus des producteurs, réduire le coût de la vie et accélérer l’industrialisation du pays par la transformation locale des matières premières ainsi que l’accès des populations à l’éducation, à la santé et à un logement décent, à un coût abordable.

Le leadership de Ouattara. Le Programme Social du Gouvernement de deuxième génération (2022-2024), d’un montant de 3 182,4 milliards de FCFA, vise à accélérer le rythme de réduction de la pauvreté et des inégalités sociales, à apporter des solutions durables à la problématique de la fragilité dans les zones frontalières au Nord et à améliorer les conditions de vie des populations, notamment les plus défavorisées.

La seconde priorité pour cette année 2022 est l’emploi des jeunes et des femmes. Un accent particulier sera mis sur l’emploi de cette catégorie de la population.

Le Gouvernement poursuivra, comme il l’a fait dans le secteur pétrolier et gazier, la promotion des compétences locales, afin de faire émerger des champions nationaux dans les domaines clés de l’économie.

La troisième priorité pour 2022 est la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption. 

Alassane Ouattara a assuré que les actions entamées en 2021 ont produit des résultats probants. Avant d’annoncer que ces actions vont se poursuivre.

La loi de programmation militaire 2016-2020 est une vaste réforme, dotée d’un budget de 2 254 milliards de F CFA (plus de 3,4 milliards d’euros). L’objectif est de réduire progressivement les effectifs des Faci à environ 40 000 hommes, à travers un programme de départs volontaires pour 4 400 militaires. En un mot, renverser la pyramide des âges et des grades. Sur le plan des infrastructures, les casernes ont été rénovées et quatre hôpitaux militaires sont en cours de construction. L’entraînement et la formation (initiale et continue) n’ont pas été oubliés avec la rénovation de plusieurs écoles et surtout la création, en partenariat avec la France, de l’Académie internationale de lutte contre le terrorisme (AILCT).

De vraies réformes de structures pour faire de l’armée ivoirienne une référence en Afrique.

Comme on le voit, Alassane Ouattara affiche clairement son leadership et son volontarisme politique acharné. Et le Président fait corps avec son armée qui est en pleine reconstruction depuis 2011.

Les fondamentaux sont en place. Et il n’y a pas de place pour un coup d’Etat dans un pays qui se remet peu à peu de ses traumatismes.

Bakayoko Youssouf

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