Le Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (Rhdp) a tout écrasé pendant ces scrutins locaux. 123 communes / 201; 25 régions / 31. Ne laissant ainsi que des miettes à ses adversaires que sont le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci) et le Parti des peuples africains de Cote d’Ivoire (PPA-CI).
Le Rhdp et la base

Pour autant, tout n’était pas que rose au sein des Houphouétistes. C’est le parti qui a compté le plus de candidats indépendants. Et beaucoup parmi ces derniers ont su tirer leur épingle du jeu, infligeant ainsi le plus de défaites aux champions du Rhdp. Mieux que le Pdci et le PPA-CI. La preuve que la symbiose avec la base n’est pas toujours au rendez-vous, selon le politologue Kuyo Gayet Landry. « Les leçons qu’il faut en tirer, c’est que les populations n’adhèrent pas toujours à la vision du parti, dans certaines localités. Les électeurs ont préféré choisir des indépendants, plus proches d’eux que les candidats proposés par le Rhdp. Il lui faut donc écouter encore plus la base. C’est l’un des points sur lesquels il faudra jouer avant 2025», signale le politologue.
Le PPA-CI doit s’adapter

S’agissant du PPA-CI, le parti à lui seul n’a eu que 2 communes/ 201 et 0 région. Associé avec Pdci, ce sont 10 communes/ 201 et 1 région/ 31 gagnées. Pourquoi ? « C’est le discours qui ne passe plus. Ce que les Ivoiriens acceptaient en 2010, ils ne le font plus aujourd’hui. Il lui faut donc se réinventer et proposer autre chose à ses électeurs au risque de disparaître », note le politologue Dr Néné Bi Arsène, enseignant-chercheur en droit public, expert en droit de l’homme et des questions électorales. En somme, dit-il, le PPA-CI doit s’adapter. Du côté du Pdci, la fracture avec le peuple est moins prononcée.
L’après Henri Konan Bédié au Pdci

Pour Kuyo Landry, le parti démocratique a su réagir malgré le décès de son Président emblématique Henri Konan Bédié, en glanant 22 communes / 201 et 3 régions / 31. « Mais, ça ne suffit pas. L’élection présidentielle de 2025 donne une avance confortable au Rhdp. En revanche, à la différence des élections locales, c’est une seule personne qu’on vote, ce qui change tout. Henri Konan Bédié nous a quittés et Laurent Gbagbo n’est pas sur la liste électorale. En l’absence de ces deux anciens chefs de l’Etat, le Président de la République Alassane Ouattara pourrait lui aussi céder la place à quelqu’un d’autre. Si ça arrive, 2025 sera forcement tout autre chose », ajoute M. Kuyo. Quid du Front populaire ivoirien (FPI)? Selon le politologue, tout dépendant de son alliance avec le Rhdp. Mais quelle alliance ? « Au cours de la proclamation des résultats, il n’y a jamais eu de liste Rhdp-FPI. Il faut qu’on nous dise si cette alliance a déjà été mise en œuvre ou si elle a été simplement différée. Parce qu’avec la défaite du Président du FPI Pascal Affi N’Guessan, on s’interroge sur la viabilité du FPI », ajoute-t-il. Conclusion, au Rhdp de se rapprocher encore plus de sa base ; au Pdci de savoir préparer l’après Henri Konan Bédié et au PPA-CI de revoir complètement son discours caduc. Quant au FPI, il ne semble plus tenir son destin en main.
La maturité des Ivoiriens

Ces élections étaient également le moyen de jauger la maturité de la population ivoirienne. Depuis 2010, les choses ont-elles évolué dans le bon sens ? Outre les incidents relevés à Sanhala et à Kouibly, les scrutins se sont plutôt bien déroulés sur l’ensemble du territoire. «Les populations ont voté en tenant compte du travail des candidats. Ils n’ont pas regardé leur appartenance ethnique ou politique. Cela s’est vu avec notamment la victoire de Mamadou Touré, dans le Haut-Sassandra », indique Dr Néné Arsène. C’est pour lui une preuve de maturité politique. Et, à l’entendre, c’est un indice qu’il faudra prendre en compte pour la présidentielle de 2025. La victoire des indépendants (41 communes/ 201), démontre aussi cet état d’esprit des Ivoiriens.
La CEI et la confiance

Dernier point : la Commission électorale indépendante (CEI). Au dire des observateurs, le nombre de réclamations après la proclamation des résultats est le signe que la confiance placée en la CEI n’est pas encore totale. « Au niveau organisationnel, beaucoup de candidats ont signalé des dysfonctionnements. Il appartient au Conseil d’Etat de rassurer les plaignants. Il faut situer les responsabilités. Qu’on le veuille ou non, la maturité politique commencera toujours par l’efficacité de la CEI. Tant qu’il existera une crise de confiance, on aura des mauvais perdants », relève Kuyo Landry. Le modèle actuel de la CEI, d’après lui, n’est pas encore parfait. « C’est un modèle dépassé. Il faut réfléchir pour proposer mieux, tout en revoyant le choix des membres de la commission centrale. Pourquoi ne pas les présenter, par exemple, devant une commission parlementaire ? », propose-t-il. Bref, à deux ans de la présidentielle, il reste encore du travail.
Raphaël Tanoh