Une semaine après la présidentielle : Thiam ravive le malaise au sein du PDCI et du Front commun

par nordsud.info
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Après la Coalition pour une alternance pacifique en Côte d’Ivoire (CAPCI), c’est désormais au tour du Front commun de traverser de fortes turbulences internes autour des stratégies à adopter pour la suite du combat politique. Une semaine seulement après le scrutin présidentiel, les divergences s’exacerbent au sein de ce regroupement de l’opposition.

Ce vendredi 31 octobre, le président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), Tidjane Thiam, a pris la parole, après Simon Doho, président du groupe parlementaire de l’ex-parti unique, pour annoncer que sa formation participera aux élections législatives prévues le 27 décembre prochain. Pour lui, boycotter ces élections, comme cela fut le cas lors de la présidentielle du 25 octobre, serait une grave erreur politique.

« Ceux qui ont organisé le scrutin du 25 octobre voudront parachever leur œuvre en s’attribuant des résultats aussi positifs qu’improbables le 27 décembre. Nous n’échapperons à ce piège que si la participation à ces élections est la plus forte jamais constatée dans l’histoire de notre pays », a soutenu l’ancien patron du Crédit Suisse.

Le président du PDCI a également rappelé les obstacles qui, selon lui, se dressent encore sur le chemin du changement. « De nombreux obstacles se dressent encore sur la route qui nous permettra d’accéder au pouvoir pour que notre pays soit dirigé dans l’intérêt des Ivoiriens et pour les Ivoiriens. Nos adversaires, bien qu’ayant réussi à m’empêcher d’être candidat, continuent de craindre mon influence et ma popularité dans le parti et au-delà », a-t-il argué.

Un discours familier pour les militants du PDCI, que M. Thiam avait déjà tenu l’an dernier, en promettant la victoire grâce à une stratégie nouvelle et plus pragmatique. D’une certaine manière, son retour à une ligne plus réaliste — la realpolitik — est salué par certains, après une période de radicalisation marquée par ses appels à la désobéissance civile. Radié de la liste électorale, il avait en effet adopté une posture plus dure, prônant presque l’insurrection pour contester les institutions. « Nous sommes unis dans ce combat. Rien n’est plus important que la semaine qui vient. Nous avons 7 jours pour libérer la Côte d’Ivoire. Dieu a créé le monde en 7 jours. Nous pouvons libérer la Côte d’Ivoire en 7 jours », avait-il argué le 18 octobre 2025, lors d’un meeting dans l’Hexagone, où s’est volontairement exilé depuis près de 8 mois.

Mais cette nouvelle position du 31 octobre n’est pas sans créer de remous, aussi bien au sein du Front commun que dans son propre parti. Plusieurs alliés y voient un tacle appuyé aux autres formations de la coalition.

Sur la forme d’abord, certains opposants doutent encore de la pertinence d’une participation aux législatives, estimant qu’elle reviendrait à légitimer la réélection du président Alassane Ouattara. Dans cette coalition hétéroclite, une frange milite ouvertement pour le boycott, dans l’espoir de maintenir la pression sur le pouvoir.

Cette position est particulièrement défendue par des cadres du Parti des peuples africains – Côte d’Ivoire (PPACI) de Laurent Gbagbo et par le camp de l’ancien président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro. Depuis l’étranger, plusieurs activistes amplifient ces appels au boycott.

« Ce n’est pas encore fini. Nous allons continuer d’empêcher le 4e mandat », martèle par exemple Pulchérie Gbalet, figure prétendue de la société civile, clairement passée dans l’opposition et aujourd’hui en exil, après avoir participé aux actions de contestation du pouvoir.

Sans employer un ton aussi radical, Nady Bamba, épouse de Laurent Gbagbo, a également relancé la mobilisation des partisans de l’ex-chef de l’Etat, lors d’un déplacement à Abié, dans la région de la Mé, le jeudi 30 octobre.

« Nous savons que vous êtes découragés, mais je suis venue vous apporter l’espoir. Le président Gbagbo vous dit : avancez ! Ce n’est pas fini », a-t-elle lancé à des militants, rappelant que « la lutte politique n’est pas terminée ».

À l’inverse, certains cadres du PPACI, notamment parmi les députés sortants — une majorité silencieuse —, estiment qu’il serait politiquement suicidaire de ne pas participer aux prochaines législatives. Selon eux, un boycott offrirait au RHDP un boulevard vers une majorité écrasante, consolidant ainsi davantage le pouvoir du président réélu Alassane Ouattara.

C’est dans ce contexte de divisions et de doutes que Tidjane Thiam appelle son parti à s’organiser activement pour le scrutin de décembre. Cependant, cette prise de position suscite également un malaise grandissant au sein du PDCI. Plusieurs cadres et militants dénoncent ce qu’ils considèrent comme des contradictions stratégiques du successeur d’Henri Konan Bédié.

« Si l’on peut participer aux législatives en dépit des obstacles qu’il énumère, c’est qu’on aurait pu aussi présenter un plan B pour la présidentielle », ironise un cadre du parti sur une plateforme interne.

D’autres vont plus loin et évoquent la mémoire des militants tombés lors des manifestations contre le “4e mandat”.

« Que fait-on des jeunes arrêtés, des familles brisées ? », s’interroge un autre militant, tout en exprimant ses réserves sur la marche projetée le 6 novembre prochain par le Front commun.

C’est le 19 juin que Tidjane Thiam, suspecté de snober l’ex-chef de l’Etat, provoquant une petite brouille avec celui, décide de bâtir une alliance entre le PDCI et le PPACI. Une trahison aux yeux de Simone Ehivet-Gbagbo et Charles Blé Goudé, qui plonge depuis lors le CAPCI dans une léthargie.

Toutefois, il n’y a pas que les propos et les choix de Tidjane Thiam, qui mettent mal à l’aise dans les rangs de l’opposition. le 22 octobre 2025, dans un discours particulièrement confus, Laurent Gbagbo avait douché l’ardeur de quelques cadres du Front commun et des manifestants contre le 4e mandat. « Je ne donne pas l’ordre aux gens d’aller voter. Ceux qui sont dans la rue, je les soutiens, il ne faut même pas qu’il y ait l’ombre d’un doute. Je ne leur demande pas de descendre dans la rue, mais je soutiens ceux qui protestent contre ce braquage électoral », avait indiqué le président du PPACI, dans une interview accordée à Alain Foka. C’est sans doute pour rectifier le tir, que Nady Bamba s’est engagée dans la tournée qui l’a conduit dans la localité d’Abié. Pour quels résultats ?

Entre volonté de reprendre pied dans le jeu institutionnel et fidélité à la ligne dure de l’opposition, le Front commun, comme le PDCI, semble plus que jamais à la croisée des chemins.

Marc Dossa

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