On peut faire du handicap « un chant d’espérance ». Théo Curin le prouve chaque après-midi sur France depuis la rentrée. Ce que croit aussi la réalisatrice ivoirienne, Léila CHAMBAS qui raconte le calvaire quotidien de personnes malades de la drépanocytose pour mieux témoigner de son propre combat…
Je me demande si un jour, nous parviendrons aussi en Afrique, au même degré d’acceptation du handicap qu’en Occident. En France particulièrement, et ce depuis la rentrée, Théo Curin, quadri amputé, athlète handisport, mannequin, jeune acteur de cinéma, est aux commandes de l’une des émissions à très forte audience, du pré-access l’après-midi à la télévision française. Même si les audiences rament un peu après sa première enthousiasmante, il faut saluer cet important pas. Théo Curin n’aura pas d’excuses s’il ne fait pas mieux que son prédécesseur. Il y avait déjà dans ce pays, une certaine prise de conscience du handicap. La chaîne aura la même exigence avec lui qu’un valide. Qu’on en arrive à ne plus voir le handicap, mais juste la personne et ses performances, est un pas de géant. En clair, devant l’effort et la performance, valide et personne handicapée sont égaux. Même quand la prise de conscience est palpable, il est certain que le récent succès des Jeux paralympiques de Paris a contribué à mieux la renforcer. En cela, l’impact du sport sur nos mœurs, notre regard sur les hommes et la vie, est incommensurable. Il faut que dans nos pays, nous parvenions à décomplexer le handicap qui ne doit plus être source d’humiliation pour celles et ceux qui vivent avec. La lucidité l’enseigne. Tout homme est un handicapé qui s’ignore. On est forcément handicapé de quelque chose…
Dans l’œilleton de la camera de Leila Chambas
RTI 1, a diffusé un reportage digne d’une chaîne du service public. Malgré les limites de la réalisation : mixage du son, rythme de montage et étalonnage approximatifs, manque de lumière dans certaines situations, des transitions peu réussies… Mais vite balayées, ces quelques remarques liées à la fabrication du reportage. Tout l’intérêt de cette production d’utilité publique était bien ailleurs. A l’écoute des poignants témoignages qui racontent le calvaire des personnes souffrant de drépanocytose. Une maladie du sang plus fréquente sous nos tropiques. Dans sa forme grave elle peut parfois écourter une vie. Mais l’épreuve, c’est vivre avec, pendant des années. Les témoignages de Larissa, Ariane, Rachida ou encore de Bénédicte qui vivent l’enfer quand se déclenchent leur crise, font froid dans le dos. « C’est une maladie qui vous humilie jusque dans votre âme… », dit la ravissante Bénédicte Kouakou, impuissante face à la maladie avec pour toute arme, la force de la résilience… « Au milieu de l’hiver, j’ai découvert en moi un invincible été… », écrivait Camus. La force de ce reportage nourri de poignants témoignages aussi forts les uns que les autres, c’est aussi le profil de la réalisatrice. Elle-même souffre de la maladie. Elle sait de quoi elle parle. Du coup, le récit porte un supplément de charge émotionnelle mise au service de la la sensibilisation du grand public. Le rôle de l’entourage est décisif d’autant qu’Ariane très tôt, a été retirée de l’école. Sa famille était persuadée qu’elle ne vivrait pas longtemps. On a décrété que son existence était en sursis… Le rôle de l’État est aussi rappelé par le Professeur Gustave Koffi, hématologue : « il faut au moins 30.000 FCFA par mois pour faire les soins » … Une prise en charge soulagerait les familles surtout que pour une meilleure qualité de soins, « les malades de l’intérieur du pays sont obligés de venir se soigner à Abidjan », rappelle Rachida.
Dans ce reportage, chaque témoignage est une poignante leçon de vie. Tous ces malades nous montrent comment rester digne face à la maladie, lui tenir tête même perclus de douleurs. Comme quoi, « lutter contre un avenir qu’on te prédit, est un combat incessant et ton travail est de trouver la joie dans ce progrès. * » Leila CHAMBAS a fait œuvre utile.
Ange Hermann GNANIH
*Le Métier d’homme, Alexandre JOLLIEN, p.126, Éditions POINTS
