Les élections municipales et régionales du 2 septembre prochain sont très attendues par les observateurs. Le Rassemblement des houphouétistespour la démocratie et la paix (RHDP), mené par le numéro un Ivoirien, Alassane Ouattara,s’est allié auFront populaire ivoirien (FPI) de Pascal Affi N’guessan. Dans le camp antagoniste, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) du Sphinx de Daoukro, a accordé ses violons avec le Parti des peuples africains – Côte d’Ivoire (PPA–CI), de Laurent Gbagbo. De son côté, l’ex-Première dame Simone Gbagbo et figure de proue du Mouvement des générations capables (MGC), se positionne également en alliée du PDCI, tout en ayant un œil sur le parti de son ex-mari. Des mariages contre-nature qui soulèvent interrogations.
PDCI-MGC : Quand Simone Gbagbo joue au chat et à la souri
À quelques heuresdes municipales et régionales, l’ex-Première dame ivoirienne, Simone Gbagbo, faisait office d’électron libre dans le marigot politique. Depuis le retrait volontaire de Charles Blé Goudé des starting-blocks du scrutin, la Présidente du Mouvement des générations capables (MGC) fait cavalier seul.Entretenant ainsi le flou quant à son positionnement sur l’échiquier politique. Si l’éventualité d’une alliance avec le Front populaire ivoirien (FPI) avait pointé le bout de son nez suite à ses rencontresavec Affi N’guessan, l’idylle aura tourné court. Déjà reconnue pour son hostilité envers le Rassemblement des houphouétistespour la démocratie et la paix (RHDP), Simone Gbagbo s’est également mise sur le dos le Parti des peuples africains – Côte d’Ivoire (PPA–CI), depuis sa rupture avec son ancien époux, Laurent Gbagbo, président du PPA-CI. Dès lors, il ne restait plus que le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI). Mais, une alliance du MGC avec le PDCI ne signifie-t-elle pas aussi un accord tripartite entre les 3 chapelles politiques ?
En politique, l’ennemi de mon ami n’est pas forcement mon ennemi. Du moins, c’est ce qu’indique Prof. Arthur Banga, analyste politique. « L’alliance entre le PPA-CI et le PDCI est strictement électoraliste. L’objectif est de réduire la puissance du RHDP. Le MGC fait alliance avec le PDCI à des fins électoralistes parce que c’estcette chapelle qui correspond à ses attentes et à ses objectifs en l’état actuel », note l’expert. Poussant le bouchon plus loin, Landry Kuyo, juriste et observateur averti de la chose politique, qualifie autrement les relations entre le PDCI et ses alliés. « Il n’y a pas d’alliance entre le PDCI et le PPA-CI, c’est un arrangement à des fins électorales. C’est ce qui permet au vieux parti de faire équipe dans certaines zones avec le MGC, au détriment du PPA-C et vice-versa», souligne-t-il.Que gagnera Simone Gbagbo de cette entente plus que curieuse ? Les Ivoiriens le sauront dans un mois.
PDCI-PPA-CI : Un jeu de dupes ?
Alliance ou arrangement, le couple PDCI-PPA-CI semble ne pas faire bon ménage dans certaines communes. À Yopougon, par exemple, les deux chapelles n’est pas parvenu à trouver un consensus autour d’un candidat unique. Interrogé, le président de sa cellule communication, Ousmane Sy Savané, voit le verre à moitié plein. « Ce n’est pas une alliance idéologique. Il y a la possibilité d’aller en rangs dispersés. Vous verrez avec la liste publiée que nous avons entre 70 et 80% d’accord dans les différents conseils régionaux et municipaux. Une commission paritaire a planché sur la base de plusieurs critères comme l’ancrage du candidat, son historique, ses probabilités de victoire, des données démographiques et techniques, etc… Mais les réalités politiques ont également leur pesant d’or et peuvent complexifier le travail comme c’est le cas à Yopougon. Yopougon est et reste un bastion du PPA-CI. Nous allons lutter pour porter notre candidat et les discussions sont toujours en cours. Mais au pire des cas, nous irons et nous croyons en nos chances », note Ousmane Sy Savané.Une grille de lecture aux antipodes de l’analyse d’Arthur Banga. Ce dernier fait un parallèle avec Cocody où le maire sortant, Jean-Marc Yacé, devra non seulement affronter EricTaba, le porte-étendard du RHDP, mais aussi Yasmina Ouégnin qui se présente en indépendante. « L’alliance entre le PPA-CI et le PDCI n’a pas l’air de fonctionner à Yopougon. Le président Bictogo pourrait bien s’engouffrer dans la brèche. Et ce serait défavorable pour les alliés qui n’ont pas réussi à faire bloc autour d’un candidat. Idem pour Cocody, même si la question demeure : est-ce que cette configuration suffira àfaire pencher la balance en faveur d’Éric Taba ? », s’interroge-t-il. A en croireLandryKuyo, il s’agit d’uneredistribution des cartes, d’un match ouvert et surtout de l’heure de vérité pour Yasmina Ouégnin qui aural’occasion de connaître son véritable poids.
« « Yasmina Ouégnin prend un énorme risque. Son élection en 2016 a été favorisée par la machine du PDCI, son électorat de base, celui du FPI et une part du RHDP défavorable à Affousiata Bamba Lamine. La configuration est tout autre aujourd’hui face au maire sortant qui a le soutien du parti et sa fille, Olivia Yacé dont il ne faut pas minimiser l’influence. Si Yasmina Ouégnin gagne, elle se taille une place de choix au PDCI parmi la relève. Si elle perd ce sera le début de la fin pour elle », analyse-t-il.
RHDP-FPI : Une aubaine pour Affi N’Guessan
Le tandem RHDP-FPI n’échappe pas également aux critiques. Jugé comme étant contre-nature, que se cache-t-il en réalité derrière ce drôle de ‘‘partenariat’’ politique ? « Les partenaires conviennent de conclure si nécessaire des accords électoraux (…) Il y a des mairies et régions où des accords s’imposeront, afin de faire barrage à descandidats qui ne partagent pas notre objectif de réconciliation nationale, de cohésion socialeet de démocratie », expliquaient en substance les différents acteurs des deux partis politiques, lors de la signature. Depuis, leurs états-majors ont changé de fusil d’épaule. Interrogé à ce sujet, Guillaume Gbato, l’un des porte-voix du FPI s’est voulu pragmatique. « Dans le contexte actuel, notre alliance avec le RHDP est solide. Pour le conseil régional du Moronou, les deux partis feront bloc autour du président Affi N’guessan. Au sein des autres circonscriptions électorales pour les régionales, le FPI soutiendra les candidats du RHDP. Sur le volet des municipales,nous soutenons également nos alliés du RHDP dans la plupart des localités. Nous estimons qu’en face, nous avons une alliance PDCI – PPA-CI qui a du mal à s’accorder. Une opposition radicale. Et donc, nous avons de grandes chances de l’emporter, ensemble. C’est une alliance sur le long terme qui dépasse les clivages idéologiques parce que le président Ouattara bien que libéraliste est dans une démarche qui promeut le social. Nous nous retrouvons donc dans sa vision », fait-il savoir.A l’analyse de la posture du FPI qui est, aux regards des récents scrutins,un poids plume politique comparativement au RHDP, une question remonte à la surface. En faisant profil bas au profit du RHDP, le parti d’Affi N’Guessan n’est-il pas en train de se faire hara-kiri?
C’est tout le contraire, estime Landry Kuyo. « C’est une question de pragmatisme politique. Le RHDP part de très loin plus fort. Ils ont la machine politique, les moyens, le personnel, comparativement au FPI. Ces élections sont celles des conseillers régionaux et municipaux. Même si les têtes de listes auront une forte coloration RHDP, les cadres du FPI pourront glaner des sièges aux conseils municipaux et régionaux. Ce qui permettra de faire vivre le parti, d’éviter aux membres du parti de se tourner les pouces et ainsi de rallier d’autres camps. Le but c’est d’exister politiquement. Faire vivre le parti et tirer des dividendes pour sa reconstruction. Affi N’guessan assure ainsi le petit déjeuner, le déjeuner et le diner des siens. Il remplit son devoir de bon père de famille », conclut-t-il.
C’est donc peu dire : Ces élections municipales et régionales du 2 septembre 2022 s’annoncent épiques. Que pèseront ces alliances ? Qui en sortira vainqueur ? Rendez-vous est pris.
Charles Assagba