Côte d’Ivoire: Hôpitaux, CHR, CHU, grand corps malade?

par nordsud.info
Publié: Dernière mise à jour le 379 vues

Durant des décennies, la confiance entre la population et les hôpitaux a été entachée. Les différents programmes de construction et de réhabilitation entamés par le gouvernement font renaître une nouvelle ère. Mais il en faudra plus pour que les Ivoiriens placent de nouveau leurs vies entre les mains de leurs médecins, si tant est qu’ils l’ont déjà fait.

C’est un drame qui a connu son lot de commentaires et de sanctions pendant ces premiers jours de l’année 2020. Le 4 janvier dernier, dans une clinique de Yopougon, un nourrisson de 11 mois est mort, selon plusieurs témoins, «sans assistance».

Devant l’état de santé inquiétant du bébé, les parents s’étaient rendus dans un hôpital public de la commune. Faute de couveuse, toujours d’après les témoignages, ils ont été obligés de s’en remettre à un établissement sanitaire privé.

Au sein de la clinique en question, où il lui a été diagnostiqué une infection pulmonaire avec complication, le bébé succombera. S’élève alors un tollé de protestations à travers la toile, avec en tête une figue comme Hassan Hayek, le responsable de l’association de donateurs Bénévoles de premiers secours (BPS).

L’arbre qui cache la forêt

Mais la mort du bébé de 11 mois n’est que l’arbre qui cache la forêt. Pourquoi manquait-il, par exemple, une couveuse ce jour-là dans le premier hôpital public où les parents se sont rendus ?  Pourquoi le nourrisson est-il resté sans assistance, alors qu’il était entre la vie et la mort ?

Ils sont nombreux, les malades qui font d’abord leurs dernières prières avant de fouler le sol d’un hôpital. Et, on ne compte plus le nombre de personnalités qui préfèrent, de très loin, aller se faire soigner au Maroc, en Europe, plutôt que de confier leurs vies, à des toubibs ivoiriens.

«Certaines personnalités quittent la Côte d’Ivoire, non pas pour aller dans des cliniques de renom en Europe, mais dans des hôpitaux de bas étages où, ce sont nos propres frères qui sont employés comme aides-soignants», se désole Boko Kouao, porte-parole de la Coordination des syndicats du secteur santé (Coordisanté). Et M. Boko d’ajouter: «il y a un manque total de confiance».

Mais, y a-t-il une raison de se fier à la qualité des soins en Côte d’Ivoire ? Quel est l’état de nos plateaux techniques ? Fermé pour réhabilitation, le Centre hospitalier universitaire (CHU) de Yopougon a longtemps fait le buzz sur Internet. Malades couchés à même le sol, matériels éventrés, cadre de vie malsain…

Débrouillez-vous !

À Treichville, cela fait belle lurette que le bloc opératoire de la salle d’accouchement n’a pas été réhabilité. Il est fermé depuis dix ans. Nouvellement réhabilité, le Centre hospitalier régional (CHR) d’Abobo présente déjà des défaillances. L’électricité a été mal réglée. Lorsque le CHR tourne à plein régime, il y a des coupures. «Cela peut arriver alors que le malade est en pleine opération», note un infirmier du CHR.

Aux CHU d’Angré, c’est un tout autre problème. Le matériel est là, mais on ne peut l’utiliser. Il ne répond pas aux normes. Au bloc opératoire, par exemple, le plafond est trop bas pour l’installation de l’équipement, dénoncent des praticiens.

Toutefois, au CHU de Cocody, on dispose de l’un des meilleurs plateaux techniques du pays. Le seul problème ici, c’est l’effectif. Le personnel se dit surmené.

Dans les halls, on tombe ici et là sur des malades alités. Ils sont là parce qu’il n’y a plus de places. Le nouveau bloc des urgences comprend les urgences médicales, la pédiatrie, la gynécologie, la chirurgie. Selon le personnel soignant, ce sont les employés de l’ancien bloc des urgences qui viennent travailler ici. Et le problème perdure.

Aux urgences médicales, au lieu de neuf personnes, les équipes se limitent à quatre, souvent moins. Un médecin, un anesthésiste et un infirmier. Et débrouillez-vous ! L’infirmier est obligé quelquefois de jouer le rôle de l’aide-soignant.

Diagnostic

Nombreux sont les malades qui sont référés vers d’autres centres de santé. On pratique ici 5 00 césariennes dans le mois à certaines périodes de l’année.  Un rythme de travail pas facile à tenir. Et, les erreurs médicales ne sont pas loin. Même si c’est très rare, le personnel signale qu’il arrive qu’on oublie une compresse, par exemple, dans le ventre d’un patient.

Mais s’il y a un CHU qui satisfait en termes de qualité de soins, c’est bien celui de Cocody. Il faut juste recruter un peu plus.

Ce diagnostic dans nos hôpitaux CHR et CHU est un peu exagéré, selon un proche collaborateur du ministre de la Santé et de l’hygiène publique.

D’après le haut cadre, les crises successives traversées par le pays ont entraîné une sclérose dans le système de sanitaire. Des hôpitaux en état de délabrement avancé, un personnel de santé démotivé et plutôt enclin à faire les poches des patients. Le travail à faire était herculéen.  

«Ce n’est qu’en 2011 que le renouveau des hôpitaux en Côte d’Ivoire a été lancé, après des décennies. Le travail qui a été fait jusqu’ici n’est pas encore suffisant, mais, il est énorme», signale-t-il.

Le gouvernement, pour lui, s’est engagé pour des montants colossaux dans la réhabilitation et la construction.

Par exemple, plus de 800 milliards de FCfa ont été investis dans la réhabilitation, la construction, l’amélioration de la qualité de soins dans les hôpitaux sur la période 2018-2020.

Ce programme qui a été mis en place dans le cadre de la Couverture maladie universelle, visait 365 centres sanitaires. Fermé, le CHU de Yopougon sera réhabilité pour un coût de 50 milliards Fcfa. 

L’hôpital général d’Abobo a été transformé en CHR. De nombreux autres CHR sont concernés par le programme de réhabilitation pour un coût global de 125 milliards de FCfa.

Recruter

Ce qu’il faut faire, pour lui, c’est de continuer le travail débuté. Mais, cela ne suffira pas. Du moins, à entendre Dr Guillaume Esso Apkess, secrétaire général du Syndicat national des cadres supérieurs de la santé de Côte d’Ivoire (Synacass-CI). «Il faut parvenir à redonner confiance à toutes ces personnalités qui vont se faire soigner ailleurs. Et la réhabilitation seule ne suffit pas», fait-il remarquer.

Pour lui, le ratio médecin-population est plus élevé en Côte d’Ivoire que les autres pays de la sous-région. La Côte d’Ivoire est au-dessus de la norme exigée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Chaque année, depuis dix ans, la Côte d’Ivoire forme 4 000 personnels de santé, là où des pays comme le Sénégal n’en recrutent que 150.

Des données encourageantes. Mais loin d’être suffisantes, pour éviter de faire de nos hôpitaux des mouroirs de fait, ou par simples préjugés.

Raphaël Tanoh

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