Peut-on raisonnablement dire que les infrastructures sanitaires en Côte d’Ivoire sont dans un si mauvais était pour justifier le tourisme médical que vont des autorités dans d’autres pays ? Deux leaders syndicaux du secteur de la santé posent le diagnostic, dans le cadre de notre dossier intitulé : Hôpitaux, CHU, CHR, grand corps malade ?
Boko Kouao, porte-parole de la Coordination des syndicats du secteur santé (Coordisanté) :«C’est la mauvaise gestion qui tue nos hôpitaux»
Le personnel soignant affirme qu’il est bien qualifié, pourquoi la qualité des soins dans les hôpitaux reste encore un sujet débattu en Côte d’Ivoire ?
Nous travaillons sur un projet qui va consister à rendre les hôpitaux publics plus performants que les cliniques. Aujourd’hui, du travail a été fait pour rendre nos hôpitaux plus fréquentables.
Cela changera-t-il la perception que les gens gardent des hôpitaux ?
Il va falloir aussi revoir la gestion. Nous pensons que si, ne serait-ce que 50% des budgets destinés aux hôpitaux arrivaient à destination, beaucoup de maux disparaîtraient. L’argent destiné à entretenir nos hôpitaux est détourné.
La mauvaise gestion est-elle l’une des causes de la détérioration de la qualité des soins dans les hôpitaux ?
La gestion managériale dans les hôpitaux laisse à désirer. Les ressources mobilisées pour équiper les hôpitaux sont détournées le plus souvent. Nous assistons à l’arrivée dans nos hôpitaux de trop de matériels de seconde main et de très mauvaise qualité. Il faut ajouter à cela le laxisme. L’exemple du CHU d’Angré est parlant. On nous a dit que les travaux ont été supervisés par le Bureau national d’études techniques et de développement (Bnetd). Comment expliquer qu’à l’arrivée, les installations ne répondent pas aux normes ?
Dr Guillaume Esso Apkess, secrétaire général du Syndicat national des cadres supérieurs de la santé de Côte d’Ivoire (Synacass-CI) : «Nous avons le meilleur personnel de santé en Afrique de l’Ouest»
On accuse le personnel soignant de manquer de formation, c’est votre avis ?
Le personnel de santé en Côte d’Ivoire est le meilleur en Afrique de l’Ouest. Chaque année, lors du classement du Conseil africain et malgache pour l’enseignement supérieur (Cames), ce sont les médecins de Côte d’Ivoire qui sont en tête. Nous avons la compétence ici.
Cela suffit-il à justifier la qualité de la formation du personnel de santé en Côte d’Ivoire ?
A l’ouverture de Centre national d’oncologie médicale et de radiothérapie, qui est-ce qu’on a mis comme médecin ? Ce sont des Ivoiriens. Nous avons l’un des meilleurs instituts de cardiologie en Afrique. Les étudiants de la sous-région viennent se former à l’Institut national de formation des agents de la santé (Infas). Le personnel soignant en Côte d’Ivoire fait partie des plus qualifiés dans la sous-région.
Les mauvais diagnostics médicaux sont notamment cités dans les hôpitaux…
Ceux qui accusent veulent peut-être jeter le discrédit sur le personnel soignant ivoirien. En dehors de la formation de base, nous faisons des mises à niveau. Il y a des séminaires, des formations en Europe.
Pourquoi une telle méfiance vis-à-vis du personnel des hôpitaux ivoiriens ?
Cela peut être dû à la qualité du plateau technique. Là-dessus, des efforts sont fait pour l’améliorer. Le CHR d’Abobo a un bon plateau technique. Pareil pour le CHU de Cocody, qui est l’un des meilleurs. À Grand Bassam, Kong, on a des hôpitaux qui ont de bons plateaux techniques. Mais, on est tous d’accord qu’il faut encore du travail et du temps à ce niveau. Cela peut-être un élément qui fonde les réserves de certains quant à la qualité des soins dans nos hôpitaux. Mais je peux vous dire que le personnel est qualifié. À nos gouvernants qui vont se faire soigner ailleurs, nous disons qu’il y a de la compétence ici.
Par Raphaël Tanoh