Côte d’Ivoire: La guerre souterraine contre les terroristes

par NORDSUD
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Des religieux à la manœuvre pour le compte de l’Etat. L’orpaillage clandestin, le trafic de carburant, le trafic de motos, bref, toutes ces activités cibles du banditisme ordinaire sont des phénomènes dont les groupes profitent pour pouvoir s’implanter dans la partie Nord de la Côte d’Ivoire.

Les ‘’djihadistes’’ veulent contrôler les lignes de trafic. Aux grands maux, les grands moyens :

Une organisation religieuse, avec la caution de l’Etat, a décidé d’aider à débusquer les potentiels ‘’djihadistes’’. Les spécialistes du «djihadisme» de cette entité sont sur le terrain en mission d’infiltration pour contrer ces malfaiteurs. «Nous savons combien la jeunesse est convoitée par les terroristes et les extrémistes. Notre bataille est d’immuniser les jeunes musulmans contre les idées mortifères», confie à Nord Sud Info un de ces religieux sur le terrain. 

Un plan étatique contre la menace terroriste.

L’autre guerre souterraine contre le terrorisme. Une option plus efficace et moins onéreuse existe contre le terrorisme. Au lieu d’accélérer les opérations militaires, le ministère de la Défense est en train de redoubler d’efforts pour regagner la confiance des communautés locales du Nord et ralentir l’infiltration ‘’djihadiste’’ dans le septentrion ivoirien.

A ce stade de la menace, les autorités ivoiriennes privilégient des opérations ciblées, sur la base de renseignements fiables. Une source crédible, contactée sur place à Téhini, explique comment les velléités d’enrôlement djihadistes sont tuées dans l’œuf. Très fréquemment, des personnes aux identités douteuses sont interpellées sur dénonciation de la population qui a décidé de collaborer avec l’armée.

Des éléments des services de renseignements ivoiriens ont infiltré profondément le corps social. Ils se fondent dans la population, fréquentent les lieux de cultes…Pour interpeler sur-le-champ les prédicateurs qui tiennent des discours extrémistes à l’endroit des jeunes. Lesquels sont les plus facilement manipulables.

Les faits. 11 juin 2020. Kafolo, au nord de la Côte d’Ivoire, subissait une attaque meurtrière. Celle-ci avait coûté la vie à 14 soldats ivoiriens. L’attaque de Kafolo était « le fait d’une soixantaine de terroristes lourdement armés venant du Burkina Faso », avait tranché l’armée ivoirienne.

Une autre attaque, pas de nature terroriste, avait eu lieu à Koguienou (Doropo), cette fois au nord-est du pays, le 31 décembre 2020.

Dans la nuit du 28 au 29 mars 2021, deux postes militaires, à Kafolo et Kolobougou à 60 km au nord-ouest de Tehini, étaient la cible d’une d’attaque du même genre. Non revendiquées, ces attaques seraient vraisemblablement le fait de groupes armés terroristes.

Le cycle se poursuivait le 7 juin 2021 à Tougbo. Le bilan faisait état d’un soldat ivoirien décédé des suites de ses blessures mais sans aucune victime civile.

Cette guerre asymétrique changeait de forme.

Nouvelle forme de harcèlement contre les soldats. Les tactiques ainsi que les armes de ces terroristes tapis dans l’ombre dans la région du Bounkani venait d’évoluer, avec l’utilisation d’engins explosifs improvisés (EEI).

Le 1er avril 2021, un véhicule heurtait un engin explosif improvisé sur la route entre Nassian et Kafolo. Il s’agissait du premier incident de cette nature dans le pays.

Le 12 avril courant, une attaque similaire était perpétrée sur le même tronçon contre un véhicule de liaison de la gendarmerie nationale.

Le 12 juin 2021, trois soldats périssaient lors du passage de leur véhicule militaire sur un engin explosif improvisé sur l’axe Téhini-Togolokaye, près de la frontière avec le Burkina Faso.

Ces incidents ne sont pas exhaustifs. Mais ils sont symptomatiques de la menace et du harcèlement que les terroristes exercent contre les forces de sécurité ivoiriennes. Ils traduisent surtout clairement la volonté et la capacité des groupes extrémistes à déplacer la lutte armée sur le territoire ivoirien. Ils tentent insidieusement de s’implanter depuis le Burkina Faso.

Ils profitent de la forêt du parc national de la Comoé, qui leur permet de se dissimuler et de pouvoir accéder à des ressources pour nourrir leurs troupes. Ils arrivent aussi à se cacher et se mettre à l’abri des dispositifs de détection de l’armée.

Les terroristes veulent s’installer dans le corps social. Les soi-disant «djihadistes» amplifient les griefs des populations pour mieux les instrumentaliser. Et faire d’eux des complices. Ils jouent bien souvent sur le tableau de la précarité des habitants de cette partie du pays.

Selon plusieurs habitants de cette zone, contactés par téléphone, les groupes armés promettent des milliers de francs CFA, des motos ou des armes, mais aussi un avenir meilleur aux jeunes désœuvrés. ‘’C’est ainsi que certains se laissent avoir et collaborent avec eux’’, informe-t-on. Ils se font passer pour ce qu’ils ne sont pas.

C’est tout cela que le gouvernement a décidé de déconstruire.

Occuper le terrain. Occuper le terrain et répondre aux attentes des populations. Le ministre de la Promotion de la jeunesse et de l’Insertion professionnelle, Mamadou Touré, est monté le 19 novembre 2021 à Kafolo pour réaffirmer la présence de l’Etat auprès des populations et des jeunes notamment dans cette zone. « L’Etat et le gouvernement ne vous abandonneront jamais. Le gouvernement sera à vos côtés dans la lutte contre le terrorisme. 500.000 F CFA et la moto ne doivent pas vous servir à endeuiller votre pays et vos familles. Ne réduisez pas vos vies à cette somme. Restez sourds aux discours de haine« , avait exhorté Mamadou Touré.

Près de 20.000 jeunes ciblés. Dans la foulée, le ministre avait annoncé qu’un fonds spécial d’un montant de deux milliards de francs CFA a été mis en place pour la formation, l’insertion et le financement des projets de 3680 jeunes. Mamadou Touré n’a pas manqué de signaler que le fonds sera opérationnel dans les semaines à venir.

Entre-temps, l’enveloppe a été revue à la hausse, à la suite d’un nouveau diagnostic. L’objectif initial a été réévalué et passe à 19.812 jeunes à prendre en charge dès ce mois de janvier 2022 pour un budget de 8.602.216.030 francs CFA entièrement mobilisé.

C’est ce que le Premier ministre Patrick Achi est allé confirmer ce samedi 22 janvier à Téhini. L’objectif de cette mission était d’amplifier les interventions de l’Etat en matière d’insertion et d’emploi des jeunes dans la partie septentrionale du pays afin d’éviter à la jeunesse, la tentation de répondre favorablement à l’appel du terrorisme.

Contrer les terroristes. Les autorités ivoiriennes prennent la menace terroriste très au sérieux. Les effectifs militaires ont été renforcés et les moyens militaires accrus dans cette partie du pays.

Le 8 novembre 2021, lors de son grand oral au Plateau, le Premier ministre, Patrick Achi avait soutenu que toute l’armée ivoirienne est mobilisée pour faire face aux menaces terrorisme. Il avait assuré que les forces ont été accrues, elles sont mieux équipées et le seront de plus en plus. «Ces forces sont formées, entraînées. Je vous ai parlé de l’académie militaire qui a été créée. Tous les moyens de l’Etat sont mis à disposition pour sécuriser entièrement ces frontières nord», avait-il souligné.

L’on se rappelle qu’un poste de police d’immigration frontière, construit et équipé par le Japon à Koguiénou à la frontière avec le Burkina Faso, dans le département de Doropo (Nord-est), avait été remis officiellement le 14 décembre 2018 à l’Etat de Côte d’Ivoire. L’infrastructure a coûté un peu plus de 500 millions FCFA.

Le 29 mai 2020, c’est le poste frontalier de Tiéfinzo, dans le département du Folon à la frontière avec le Mali, construit également par le Japon dans le cadre du projet de sécurisation des frontières, qui était inauguré.

L’État ivoirien aurait, selon la revue Africa Intelligence dans son édition du 11 octobre 2021, commandé plusieurs aérostats d’observation à la société française A-NSE pour mieux contrôler sa frontière avec le Burkina Faso, longue de près de 600 kilomètres.

On dit souvent qu’il ne faut pas le tout sécuritaire pour combattre les extrémistes.

Un sursaut civique demandé. Un sursaut civique est demandé à la population pour accompagner les efforts militaires. Téné Birahima, ministre d’État, ministre de la Défense en visite le 29 octobre 2021 demandait aux populations de collaborer avec les autorités administratives et les forces de défense, pour ensemble lutter contre le terrorisme qui naît dans la région. «On a beau avoir la meilleure armée du monde, sans l’implication des populations, on ne peut pas faire face à de telles situations. Il est de votre devoir, votre responsabilité de communiquer. Dénoncez la présence des personnes que vous ne connaissez pas. Conduisez-les chez les autorités sécuritaires ou administratives».

Visite aux troupes. Le Premier ministre Patrick Achi a effectué ce samedi 23 janvier 2022 une visite de terrain dans plusieurs localités de la zone Nord du pays. Cette tournée s’est achevée à Kong par un déjeuner offert par le chef du gouvernement au détachement militaire de la Zone Opérationnelle Nord basée dans cette localité. Ce fut des moments partage et de convivialité entre les membres du gouvernement et les soldats déployés sur le théâtre des opérations loin de leurs familles pour défendre l’intégrité du territoire national.

Le ministre de la Défense, Téné Birahima Ouattara, s’était rendu le 1er avril 2021, à Kafolo auprès des troupes engagées pour s’imprégner de la situation sécuritaire. Il était également question pour lui d’assurer l’engagement de l’Etat aux côtés des hommes sur le terrain, suite à l’attaque terroriste du 29 mars 2021 à Kafolo et Téhini. Un jour avant lui, c’est-à-dire le 31 mars 2021, c’est le chef d’Etat-major général des armées, le général de corps d’armée, Lassina Doumbia, qui se rendait aux côtés des troupes, en compagnie du commandant supérieur de la gendarmerie, le général de corps d’armée Apalo Touré.

L’Etat ivoirien mesure l’importance de sécuriser toutes ses populations sans tomber dans la panique.

Un mix de solutions déployé sur le terrain pour éteindre la menace terroriste. Une riposte tous azimuts.

Bakayoko Youssouf

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