La classe politique ivoirienne tient au dialogue politique, alors que ces assises n’ont que peu d’intérêt pour nos concitoyens. Les ivoiriens sont davantage préoccupés par leur quotidien et par…la 33ème édition de la Coupe d’Afrique des nations de football qui se déroule au Cameroun.
N’empêche ! Le landernau politique bouillonne. Il chauffe lui-même son thermomètre, surtout depuis l’ouverture du cinquième cycle de discussions pouvoir-opposition le jeudi dernier.
Le ministre de l’Intérieur, qui a la charge de superviser les travaux pour le compte du gouvernement, a collecté pendant toute une semaine les propositions de termes de références de tous les acteurs pour préparer un ordre du jour des travaux.
87 revendications, regroupées en cinq thématiques et qui pour l’essentiel reprennent et même remettent au goût du jour les contestations de l’opposition pendant le boycott actif et la désobéissance civile de 2020. Cela donne une idée de ce que seront les débats.
La publication du rapport du procureur de la République, le 27 décembre 2021, sur les atrocités de la crise électorale de 2020, a chauffé encore un peu plus l’atmosphère. Et déclenché une passe d’armes, communiqué et contre-communiqué entre la coalition des partis d’opposition PDCI –PPA) et le parti au pouvoir (RHDP). Une polémique sur la forme alors que le contenu du document rendu public par le procureur Adou Richard ne fait pas l’objet de contestations.
C’est tout cela qui en dit long sur la profondeur des clivages et des écarts entre le pouvoir et l’opposition. Il ne faut pas se faire d’illusion : Le RHDP et ses opposants sont d’accord sur un point : Le Dialogue politique n’est pas destiné à aboutir à l’union des contraires, à la réconciliation dont toute la classe politique chante les vertus depuis 2010.
L’opposition est restée maximaliste dans ses revendications : Nouvelle constitution, nouvelle Commission électorale indépendante, remodelage du Conseil constitutionnel, revue du découpage électoral, etc. Elle espère juste, par ce biais, maintenir la pression, déstabiliser le quinquennat et – qui sait – finir le travail entamé en octobre 2020 par le boycott actif et la désobéissance civile.
Le RHDP, quant à lui, reste droit dans ses bottes : Il concède le dialogue politique. Comme pour donner un os à ronger. Le parti au pouvoir est semble-t-il venu à ces assises les mains dans les poches, sans exigence particulière à faire valoir. Car il ne se fait aucune illusion sur les intentions de l’opposition. La vraie bataille, c’est le terrain. Il faut rester vigilant. Ne pas faiblir sur ses appuis. Et ne rien céder qui mette le parti en difficulté déjà pour les échéances locales test de l’an prochain.
Le dialogue politique, au final, c’est le nouveau terrain de confrontation entre le RHDP et ses opposants après la présidentielle de 2020.
Pour l’opposition, le dialogue politique donne donc l’opportunité d’un harcèlement permanent du régime.
Le fait est qu’en Côte d’Ivoire, le débat politique a une particularité : Une partie de la classe politique, notamment de l’opposition, ne croit pas aux élections. Elle ne croit au régime démocratique qui consiste à établir le principe majoritaire. Un principe qui dit que la majorité gouverne et l’opposition s’oppose. Le pouvoir et l’opposition, durant un quinquennat, s’affrontent sur le bilan et les programmes.
Le dialogue politique dans ces conditions n’a pas besoin d’une grand’messe. Parce qu’il est naturellement régulé par la Constitution à travers divers mécanismes qui organisent la place de tous les acteurs (opposition et société civile) dans le débat public.
Et pourtant, les conditions d’une vie démocratique en Côte d’Ivoire sont pleinement réunies. L’opposition est bien présente au parlement après les dernières législatives du 6 mars 2021 : Environ 80 sièges sur 254, 3 postes de vice-présidents, 1 poste de questeur, 3 secrétaires.
L’opposition a donc pleinement les moyens de faire vivre le débat au parlement face au RHDP.
Malgré tout, elle boude l’opportunité de défendre un programme pendant l’élection présidentielle pour venir faire du syndicalisme politique à l’occasion du dialogue politique.
Le dialogue politique, quel que soit le nombre de cycles qu’y consacrera le gouvernement, n’apaisera pas la vie publique. Et cela, tant que nous ne nous entendrons pas en Côte d’Ivoire sur la force de la loi, des institutions et surtout des élections comme unique voie d’accession au pouvoir.
En démocratie, la majorité doit gouverner dans le cadre du mandat que lui confie le peuple. Et l’opposition, qui est minoritaire, doit s’opposer dans le cadre républicain garanti par la Constitution.
C’est précisément ce point, peut-être le plus important, qui manque à l’ordre du jour du dialogue politique.
Un point qui aurait confronté le RHDP et l’opposition significative sur la période noire du boycott actif, de la désobéissance civile et du conseil national de transition.
Méité Sindou