LA GRANDE INTERVIEW. Dolourou SORO, est Conseiller pédagogique du préscolaire et du primaire (CPPP). Il est le secrétaire général des Conseillers pédagogiques et Conseillers à l’extrascolaire. Dans cette interview, il revient sur les innovations apportées à l’école, cette année.
La Ministre de l’Éducation nationale a annoncé des innovations. Notamment, la suppression des cours le mercredi. C’était l’une des doléances majeures des enseignants. Cette décision est-elle à saluer ?
D’abord, faisons à ce niveau la différence entre innovation et réaménagement. C’est juste une répartition des 4h de la moitié de la journée du mercredi, sur les jours ouvrables (lundi, mardi, jeudi et vendredi). Je suppose que ce temps leur permettra de mieux préparer les cours des deux autres jours (jeudi et vendredi) et de se mettre à jour dans les corrections des productions des apprenants.
Le retour du calcul mental à l’école est également l’une des innovations de cette année. En quoi cela pourra-t-il améliorer le niveau des élèves ?
Dite par la première responsable de ce département, le Pr Mariatou Koné, cette annonce à force de loi. Je suis de ceux qui pensent que cette décision pourra réveiller de nouvelles amours pour les disciplines scientifiques, en l’occurrence les mathématiques. Tout commence par la familiarisation des apprenants avec les chiffres. C’est le B.A-BA pour aller vers le début du raisonnement logique. C’est le lieu même de suggérer la création d’un département pour la promotion des disciplines scientifiques.
Revenir sur les cours le mercredi, le calcul mental et la dictée, il y a un an, est-il le signe que des erreurs ont été commises lorsque ces mesures avaient été supprimées ?
Je ne parlerai pas d’erreurs, mais plutôt de valorisation d’expériences. Nous sommes en présence de deux aspects bien différents. L’un, qui est disciplinaire (français et mathématiques) et l’autre qui est pédagogique (emploi du temps : mercredi). Ce sont des modèles pensés et conseillés par des experts. Certaines dispositions ont peut-être manqué. Cela peut être lié aussi au dernier classement du Programme d’appui aux Systèmes éducatifs des pays de la CONFEMEN (PASEC) 2019, où la Cote d’Ivoire a occupé la 10e place sur 11. Il s’agit de changer de fusil d’épaule pour se donner les moyens d’être dans le peloton de tête à l’évaluation PASEC 2025.
Malgré tous ces changements, l’école ivoirienne n’est toujours pas bien cotée au plan continental…
Non, il faut surtout se rappeler des résultats des Ivoiriens aux différents concours à l’international. Pour faire un bon plat, on se fournit en ingrédients de qualité. Car demain, en plus du critère de réussite, il y aura celui de la performance. Il s’agit de bien former l’Ivoirien de demain. En somme, l’éducation est un projet à long terme.
Justement quand on prend les techniques d’apprentissages, il y a également eu plusieurs essais. de réformes. Notamment, la formation par compétence. La Côte d’Ivoire a-t-elle enfin trouvé une technique qui va demeurer ?
Tout évolue. En enseignement-apprentissage, tous les choix précédents ont été payants, ailleurs. Toute méthode ou méthodologie a ses forces et ses faiblesses. Ce sont principalement les dispositions pédagogiques (structures, nombres d’apprenants, matériels et niveau technologique) qui déterminent l’impact attendu. C’est de cela que découle la longévité des méthodes choisies. Le Programme national d’amélioration des premiers apprentissages scolaires (PNAPAS) est pour nous les Ivoiriens le remède miracle.
Les enseignants sont-ils formés à ces différentes techniques d’apprentissage ?
Oui. S’agissant du PNAPAS, ce sont des formations stratifiées. Elles ont été déjà administrées aux enseignants du préscolaire et aux tenants des cours préparatoires première et deuxième année (CP1-CP2). Sauf qu’à mon avis, c’est un cloisonnement qui risque d’étouffer la collaboration et la formation entre collègues.
Que faut-il faire pour relever le niveau des élèves ?
La responsabilité doit être partagée. L’éducation nationale doit mettre des documents avec des contenus bien élaborés et une prise de conscience professionnelle de la part des enseignants est nécessaire. Cependant, il ne faut pas oublier que même avec de bons enseignants, les enseignements-apprentissages de classes ne suffiront pas pour avoir des bons apprenants. Donc, l’apprenant doit pouvoir se renforcer par ses propres révisions une fois qu’il est à la maison. Il faut une responsabilité accrue des parents.
Le niveau des enseignants est aussi pointé du doigt. Comment faire pour améliorer cela ?
Je crois que c’est vraiment malveillant de la part de ceux qui le disent. La Côte d’ivoire dispose des meilleurs enseignants de l’espace francophone subsaharien.
Pourquoi dites-vous cela ?
Parce que nous avons les meilleures structures de formation de l’espace francophone subsaharien. Le temps de formation des enseignants en Côte d’Ivoire, a été allongé.
Mais, ne pensez-vous pas que le mode de recrutement des enseignants doit être revu ?
Le niveau de recrutement ne peut pas être le problème. Car, le diplôme n’est qu’une présomption de connaissance. En ce sens, le niveau de recrutement est généralement plus petit que le niveau réel du candidat. Plus de 50% des enseignants du préscolaire et du primaire ont fait au moins une année académique du supérieur. Je parlerai de faux procès. Aussi, le recrutement en nombre obéit aux recommandations des bailleurs internationaux que sont les institutions de Breton Woods. Il s’agit d’une question purement technique.
Quel est votre avis sur le recrutement régionalisé ?
Chaque aspect a ses avantages et inconvénients. Ce planning permettra de recruter et d’employer chaque enseignant là où le besoin est. Donc, on aura une répartition équilibrée en termes de besoin en personnel. C’est la fin des exodes vers les pôles à conditions de vies dites bonnes, au détriment des zones déshéritées.
Les manuels scolaires posent aussi problème, selon certains enseignants…
Oui. À ce niveau, il y a quelque chose faire. Parce qu’il nous a été déjà dit que les imperfections organisationnelles (concordance des livres des élèves et du maître, avec la progression) seront corrigées dans les nouveaux documents PNAPAS. Certaines disciplines sont à améliorer également, en termes de contenus : sciences et technologie, mathématiques et français.
Propos recueillis par Raphaël TANOH