Les Ivoiriens pensaient en avoir fini avec la menace de grève dans les écoles, après la rencontre du 30 septembre dernier entre la ministre de l’Education nationale et les enseignants. Ce n’était que partie remise.
C’est la revendication qui pourrait embraser le climat social, à l’approche des élections présidentielles. La prime d’incitation. Plus de 100 000 fonctionnaires concernés et environ 300 milliards FCFA en jeu. Malgré les grandes nouvelles annoncées à la rentrée scolaire par la ministre de l’Education nationale et de l’alphabétisation (dont la suppression des cours le mercredi), les enseignants sont sur le pied de guerre. Selon plusieurs faitières, si jusqu’au 15 octobre, il n’y a aucune précision sur le paiement des primes d’incitation, ce sera la paralysie de l’école. Parmi ces structures, on note la Coalition des syndicats du secteur éducation/formation de Côte d’Ivoire (COSEFCI) et le Syndicat national des enseignants du second degré de Côte d’Ivoire (SYNESCI). Des syndicats qui ont pourtant pris part à la rencontre, le 30 septembre, avec la tutelle. Ces échanges avaient débouché sur une déclaration de Paul Gnogbo, secrétaire général du très emblématique Mouvement des instituteurs pour la défense de leurs droits (MIDD). Si le ton était plutôt courtois, la suite indique clairement qu’il y a encore de l’eau dans le gaz.
Reconnaissants envers la tutelle…
« Les enseignants du secondaire estiment que la suppression des cours le mercredi ne bénéficient qu’au primaire. Pour eux, il n’y a que les primes d’incitation qui pourront équilibrer les choses. Nous, les enseignants du primaire, sommes beaucoup plus reconnaissants envers la ministre. Nous voulons aussi ces primes, certes, mais nous estimons qu’il faut lui laisser un peu de temps. Ce que les autres ne veulent pas », explique Jérôme Ourizalè, secrétaire général du Syndicat autonome des enseignants du primaire public de Côte d’Ivoire (SAEPP-CI), qui était aux échanges du 30 septembre dernier.
Pour les tenir en laisse, la ministre de l’Education nationale convie toutes les faitières à une seconde rencontre ce lundi. Objectif : la préparation d’un séminaire sur leurs revendications. « Il ne s’agit pas de tenir un séminaire, mais de préparer ce séminaire qui abordera des points que nous avons déjà abordés », soulève Achi Edoukou, le porte-parole de la COSEFCI, qui reconnaît que c’est un gain de temps.

Barrage à un mot d’ordre de grève
« Aujourd’hui, il ne s’agit plus de revisiter nos revendications, mais de nous dire quand et comment la prime d’incitation sera payée », ajoute-t-il. La ministre a de son côté les syndicats du primaire, qui lui témoignent de la reconnaissance pour avoir supprimé les cours du mercredi. Mais ils sont aussi concernés par les primes. Alors, comment exploiter cette situation ? Pour Ourizalé, elle mise sur le fait que toutes ces structures sont réunies au sein de mêmes faitières. Le Primaire et le secondaire. Les instituteurs pourraient dans ce cas fait barrage à un mot d’ordre de grève. Mais c’est un pari risqué. « Certains syndicats du secondaire comme le SYNESCI, peuvent se désolidariser et aller en grève », explique-t-il.
La seconde solution pour la tutelle, c’est le comité interministériel annoncé aux syndicats. Les questions financières telles que la prime d’incitation, que les enseignants réclament, ne relèvent pas d’un seul ministère. Voilà pourquoi un comité interministériel est prévu pour se pencher sur cette revendication spécifique. Il sera mis en place par le Ministère de la Fonction publique et de la Modernisation de l’Administration. Selon un proche collaborateur de la Ministre de l’Éducation nationale, les chances que cette doléance aboutisse cette année, sont infimes. Octroyer des primes d’incitation aux enseignants, reviendrait extrêmement cher à l’Etat. Celles accordées au personnel soignant alourdissent déjà le budget de l’État. Ensuite, ce serait la porte ouverte à d’autres revendications, d’autres corps de fonctionnaires. Mais les autorités ont-elles vraiment le choix ? Si elles sont parvenues à calmer les travailleurs de la santé, le deuxième département le plus sensible, pourquoi ne pas en faire de même avec « les plus turbulents » – les enseignants-, pour en finir définitivement avec les troubles, à l’approche des élections ?
Georges DAGOU