Côte d’Ivoire : Les fonctionnaires sont-ils trop grognons ?

par NORDSUD
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Ils sont autour de 220 000, qui tiennent les services de l’administration publique, pour une population d’un million de salariés dont 780 000 au privé.  Bouillonnants en 2017, avec notamment la grève historique de janvier ; divisés en 2018 et plutôt modérés en 2019, les fonctionnaires ont ensuite été cloués sur place en 2020 par la pandémie à Coronavirus et l’élection présidentielle. Mais les revoilà qui se signalent pour 2021.

Extension et revalorisation de l’indemnité de logement ; revalorisation de l’indemnité liée aux examens ; arriérés de soldes ; arriérés de bourse de stage ; reversement des ponctions sur salaire ; primes de motivation ; primes Covid-19 ; primes d’incitation ; primes de gardes ; indemnités de risques sanitaires…Ce ne sont là que quelques revendications d’ordre financier relatives aux fonctionnaires de Côte d’Ivoire.

Les prétentions à caractère administratives sont tout aussi interminables. Si certaines revendications sont vieilles, d’autres, comme les primes Covid-19, ont vu le jour en 2020. Et quelques-unes tendent même à titiller, comme le fameux 13ème mois que les fonctionnaires réclament depuis belle lurette.

Plusieurs syndicats dans le milieu de l’éducation nationale, notamment, annoncent déjà des préavis de grève dans ce premier trimestre 2021. La trêve sociale de 2017 ? Il n’en reste qu’un vague souvenir.

Amélioration des conditions de vie

Mais le gouvernement n’est plus prompt à faire des compromis, après de nombreux sacrifices consentis.

L’amélioration des conditions de vie et de travail des fonctionnaires, ces dernières années, lui a coûté bonbon. En faisant un point en 2019, le ministre de la Fonction publique, le général Issa Coulibaly, avait donné une idée générale de tout ce que l’Etat a octroyés à ses agents.

On peut citer, entre autres, le paiement effectif de la totalité des revalorisations salariales actées. Soit un effort de paiement de plus de 81 milliards de FCFA par an.

À noter également, le déblocage des avancements indiciaires au profit de l’ensemble des fonctionnaires en 2014 et 2015. Soit un effort financier exceptionnel annuel de 126,5 milliards de FCFA.

Sans oublier, la revalorisation de 400 points d’indice accordée aux cadres supérieurs de la santé, et de 150 points d’indice au personnel technique de la santé, pour un montant annuel de 15 milliards de FCFA ; la revalorisation de 150 ou 100 points d’indice au profit des fonctionnaires de certains emplois techniques et scientifiques, pour un montant annuel de 3,4 milliards de FCFA.

Le gouvernement a aussi repris des avancements automatiques de chaque fonctionnaire, tous les deux ans, pour un coût annuel moyen de 12,4 milliards de FCFA.  La promotion, depuis 2014, des fonctionnaires des grades A4, A5 et A6 aux grades supérieurs, pour un coût annuel moyen de 6,9 milliards de FCFA est un autre point de satisfaction.

1000 milliards FCFA

Il ne faut pas oublier que dès 2011, le gouvernement a acté une grille salariale particulière aux médecins.

Il en est de même pour les membres du corps diplomatique qui, en janvier 2013, ont connu une revalorisation significative de leur grille salariale.

L’ensemble de ces revalorisations salariales a coûté à l’Etat près de 616 milliards de FCFA, selon le ministre de la Fonction publique, le général Issa Coulibaly. Auxquels s’ajoute le paiement des bonifications indiciaires pour 21 milliards de FCFA et du stock des arriérés dans l’ordre de 249 milliards de FCFA.

Ce tableau est complété par le coût des formations et des renforcements de capacités des fonctionnaires et agents de l’Etat dans l’ordre de 2 milliards de FCFA pour une administration publique performante et efficiente. Soit, un effort financier total du gouvernement de près de 1000 milliards de FCFA pour l’amélioration des conditions de vie et de travail des fonctionnaires.

Salaires  

Sur ce plan, les enseignants sont les grands bénéficiaires. Ils jouissent d’une grille salariale différente des autres fonctionnaires, en raison de leur revalorisation indiciaire obtenue en 2009.

Les enseignants du primaire de grade B3, par exemple, sont passés de 755 points à 995. Quand le prof de lycée avec le grade le plus élevé est, lui, parti de 1.225 à 1.345 points. Toujours en tenant compte de la même hausse indiciaire, les instituteurs ordinaires, eux, ont vu leur salaire majoré de plus de 50.000 F. C’est sur ces nouveaux salaires que s’est effectué le déblocage pour les enseignants.

Dans la carrière d’un fonctionnaire en Côte d’Ivoire, il y a quatre classes, avec 26 échelons. Un échelon correspond à une année. Et cela commence par la deuxième classe, qui comprend huit ans. Tous les deux ans passés dans cette classe, le fonctionnaire bénéficiera d’une augmentation salariale. Ensuite, il passera à la première classe pour six ans, avec le même principe d’augmentation de sa paie.  Avant de se retrouver en classe principale pour encore six années. Enfin, arrive la dernière classe, appelée, classe exceptionnelle qui correspond également à six ans.

En clair, tous les fonctionnaires bénéficieront d’une hausse de salaire, 13 fois dans leurs carrières. C’est le principe du déblocage.

Les enseignants ne font donc pas exception à la règle. 

Echelon

Comment s’est fait le calcul ?   Les fonctionnaires ont multiplié les 60 points d’indice par la valeur indiciaire qui est de 233,45 FCFA. Ce qui donne 13.980 FCFA correspondant à la valeur de la hausse. Ainsi, pour les 13 augmentations dans la carrière d’un fonctionnaire en général et un enseignant en particulier, on peut estimer la valeur du déblocage à environ 181.740 F.

Apollinaire Tapé Djédjé annonce les couleurs.

À cela, il faudra ajouter l’indemnité de résidence. Cette indemnité fait 15% du nouveau salaire de chacun. Ainsi, un professeur de lycée avec le grade le plus élevé, avec un salaire avoisinant les 400.000 F, aura à la fin de sa carrière un salaire de près de 700.000 F (effets financiers du déblocage et de l’indemnité de résidence). L’instituteur de grade A3, avec un salaire d’environ 300.000 FCfa, se retrouve (en appliquant le déblocage et l’indemnité), avec une paie qui frôle les 600.000 F.

Là où les professeurs du secondaire par exemple du Maroc et ceux du Burkina Faso perçoivent environ 300 000 et 165 000 francs CFA (ndlr, chiffres de 2014).

Depuis 2014, en effet, on l’a appris par le ministre de la Fonction publique d’alors, les médecins ivoiriens font partie des mieux payés en Afrique.

Les médecins ivoiriens perçoivent un salaire de base de 577.404 F, contre une paie qui avoisinait jadis les 300.000 F, jadis. Avec les effets du déblocage donc, ils se retrouveront avec un salaire de près de 900.000 FCfa, en fin de carrière.

Au Maroc, les toubibs touchent 450 000 francs CFA et les médecins burkinabè 200 000 (chiffres en vigueur en 2014).

Alors, les fonctionnaires ne revendiqueraient-ils pas un peu trop ?

«Toutes les revendications ont pour finalité l’argent. C’est ce que les gens regardent en premier», relativise Théodore Gnagna Zady, président de la Plateforme nationale des organisations professionnelles du secteur public.

«Nos revendications sont légitimes. Et tant que c’est le cas, nous avons le droit de revendiquer», ajoute Apollinaire Tapé Djédjé, président de la Confédération des syndicats des fonctionnaires de Côte d’Ivoire (Cosyfoci).

Raphaël Tanoh

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