Le Burkina est, à son tour, pris de fièvre anti-française. Après le Mali, le pays des hommes intègres a décidé de rompre avec l’ancienne puissance coloniale. Le motif est dans les deux cas le même : les soldats français ne luttent pas suffisamment contre les djihadistes maliens ou burkinabé. Clairement, Bamako et Ouagadougou reprochent à la France de ne pas faire le job que leurs armées nationales fortes de milliers de soldats ne sont pas capables de faire. Pour le cas récent du Burkina Faso, les putschistes au pouvoir avaient très tôt commencé à dénoncer l’accord de défense qui organise la coopération militaire avec la France sur son territoire et qui conditionne la présence de plusieurs centaines de militaires des forces spéciales françaises. Entre 400 et 500 soldats français sont basés à Ouagadougou, dans le cadre de la task force Sabre, les forces spéciales qui appuyaient l’opération Barkhane. Et ce lundi 23 janvier 2023, ils ont franchi le Rubicon.
Les légionnaires français disposent d’un mois pour plier bagages de Ouaga. Officiellement, le capitaine Ibrahim Traoré, arrivé au pouvoir à la suite d’un coup d’Etat, le 30 septembre 2022, ne motive pas clairement sa demande de départ des soldats français. Mais personne n’est dupe. Il estime que les soldats venus de l’hexagone ne se sont pas battus pour freiner la prise des villes par les djihadistes burkinabè, très combattifs depuis 2015. Là où l’armée du Burkina Faso compte 11.200 soldats actifs (armée de terre 6 400, force aérienne 600, gendarmerie 4 200). Mais tout ce beau monde est presque resté l’arme au pied. Et ce sont les pauvres français qui sont accusés de laxisme. Pourtant leur mission est bien précise. Outre la formation, ces soldats étaient sollicités en cas de libération d’otages.
Quitter la France pour se tourner vers la Russie
Pour mieux asseoir leur pouvoir, les putschistes burkinabè espèrent l’appui de la Russie. Dans une guerre ouverte d’influence, le Kremlin manœuvre pour affaiblir la France en Afrique. Les mercenaires du groupe Wagner sont présents au Mali, en Libye, au Soudan et en Centrafrique. C’est plus sur ces chiens de guerre que le capitaine Traoré compte plus que sur ses propres soldats. Des manifestations antifrançaises ont été suscitées au Burkina Faso ces derniers mois. Pour ces populations, tout le malheur du Burkina vient de la présence des soldats français. Le retrait des troupes françaises du Burkina Faso ne devrait pas représenter un défi logistique. Mais il pose avec encore plus d’urgence la question de la stratégie française en Afrique. L’armée est encore déployée au Niger, pour lutter contre les groupes djihadistes dans la région des Trois Frontières, et au Tchad, avec qui la France a noué un partenariat de longue date. La France compte aussi des forces prépositionnées au Sénégal, en Côte d’Ivoire et au Gabon.
Bakayoko Youssouf