Enlèvements d’enfants par les nounous: Le cauchemar des parents

par NORDSUD
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C’est un secret de polichinelle, sur la toile, les posts relatifs aux enlèvements d’enfants menés par des nounous deviennent monnaies courantes. Ce phénomène ambigu s’étend vertigineusement au grand dam des familles effarouchées par l’élargissement de la situation. Focus sur un fait divers qui commence à faire tache d’huile dans la société ivoirienne.

Histoire d’un l’enlèvement contée par une maman. Mère d’un bébé de 9 mois enlevé par sa nounou le mardi 15 février 2022 à Bingerville et retrouvée miraculeusement, le lendemain à Divo, dame Koffi Cynthia a été frappée de plein fouet par le phénomène. Dans un entretien exclusif à la rédaction de Nord Sud, la génitrice du môme lève un coin du voile sur ce laps de temps passé dans l’ascenseur émotionnel. Résidente de Bingerville, la mère, employée d’une société à Angré, avait déposé ce mardi, comme à l’accoutumée, le bébé et sa nounou à Feh-Kessé, au domicile de la sœur de son époux. «Aux environs de 16 heures, j’ai reçu un appel de mon chéri qui m’informe que Maï (la nounou), qui était sortie pour calmer le bébé en pleurs est introuvable depuis 11 heures. J’étais apeurée. Après, je reçois un autre coup de fil de mon mari qui me dit que la jeune fille est partie avec le sac de rechange du bébé et ses biberons. Et là, je commence à paniquer», nous relate-t-elle. Dans la foulée, la famille fait des posts sur les réseaux sociaux, porte plainte à la police, frappe à toutes les portes pour retrouver sa bambine. In fine, un bon samaritain alerté par les posts sur les réseaux sociaux contacte la famille et indique avoir aperçu la fugitive et le bébé dans un village non loin de Divo. Par son biais et l’implication conjuguée de la police, le grappin est mis sur la nounou et le bébé est remis à la mère. «Je peux dire que c’est par miracle que nous l’avons retrouvé, parce que la nounou était réfugiée pour la nuit dans un quartier reculé où quasiment personne ne savait ce qui se passait sur la toile. Si ce Monsieur n’avait pas été y acheter de l’attiéké, il ne les aurait pas vus, et n’aurait pas reconnu les photos pour nous alerter», narre-t-elle.

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Un cas loin d’être isolé. En effet, un tour d’horizonde la page Facebook de Police Secours et de celle de la Direction générale de la police nationale (Dgpn) laisse perplexe. Les kidnappings d’enfants par les berceuses ont le vent en poupe. Zoom sur trois cas récents. 29 octobre 2021. La police met fin à la cavale d’une nounou âgée de 23 ans qui s’était volatilisée à Anyama en enlevant l’enfant dont elle avait la charge. L’employée de maison avait tenté de brouiller les pistes en indiquant aux parents de sa victime «qu’elle a été séquestrée avec le bébé dans une forêt par des inconnus». Démasquée, l’indélicate domestique se mettra à table face aux limiers. «Elle dit avoir agi ainsi dans le but de présenter le bébé à son copain à qui elle a fait croire qu’elle était enceinte», souligne le récit de la Dgpn.  

28 janvier 2022. Même cas de figure. La police criminelle procède à l’interpellation d’une nounou de 22 ans à Bonoua après trois jours de fugue. La nourrice a été épinglée pour enlèvement et demande d’une rançon de six millions FCFA sur l’enfant de ses employeurs. Une note de la page Facebook de la Dgpn lève le voile sur l’affaire. Le 21 février 2022, la presse annonce l’interpellation d’une fillette de 16 ans à Songon qui aurait enlevé un bébé. L’adolescente aurait en effet pris la poudre d’escampette, à Bocanda, la veille, avec une gamine de 3 ans avant d’être stoppée net dans son élan par la police criminelle, à en croire le storytelling de la page de la Police nationale. La liste est longue.

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Les parents sur le qui-vive. Ces morceaux choisis de quatres faits divers de kidnapping ont un dénominateur commun. Ce sont des tentatives d’enlèvements d’enfants menés par des nounous. Quatres velléités de rapts d’enfants, des motivations diverses certes, mais un mode opératoire d’abus de confiance quasi-identique. Il faut donc sonner l’alerte rouge chez les parents qui embauchent des nounous pour leurs enfants. Les familles doivent donc faire face à un nouvel épouvantail : le risque de loger à domicile de potentiels ravisseuses de leurs marmots déguisés en nounous. Des loups dans des habits d’agneaux.

La police au créneau. Happée par le phénomène qui prend des proportions inquiétantes, la Dgpn a décidé de tirer la sonnette d’alarme. Les forces régaliennes ont administré des conseils taillés sur mesure aux parents, dans un post publié sur leur page Facebook. «Lutte contre les enlèvements d’enfants. Conseils pratiques dans le cadre du recrutement de nounous et de personnel de maison. Identifier les agences de placement de nounous et de personnel de maison. Ficher les nounous et le personnel de maison à travers une photographie. Identifier les nounous et le personnel de maison à travers un numéro de téléphone. Contacter un parent direct responsable des nounous et du personnel de maison (contact et adresse). Appeler régulièrement à la maison», exhorte la police à la date du 16 février 2022.  Une pile de suggestionsque les parents devront appliquer à la lettre avec en ligne de mire la protection des leurs. En outre, un séminaire de formation initié par la haute hiérarchie policière autour de cette problématique a réuni les chefs de services commissariats, le 17 février dernier à Abidjan.

Les organisations de défense des droits des enfants au créneau. Parler de la situation des enfants qui sont en proie à des enlèvements organisés par leurs nounous, c’est faire allusion par ricochet aux organisations de protection de ces derniers. Jointe par la rédaction de Nord Sud, sous la double casquette de mère de famille et d’experte, Amani Bénédicte Acquici, la présidente de l’ONG Foundi (ndlr, spécialisée dans les questions liées aux enfants), fait un diagnostic.   «Les facteurs explicatifs sont multiples.  Déjà, il y a le manque d’informations.  Lorsque certaines familles accueillent des nounous contactées via des annonces sur les réseaux sociaux par exemple, leurs quartiers d’origine, leurs parents, leurs villages, etc. sont inconnus. Du coup, elles peuvent mener des actions de ce type avec moins de craintes. Les nounous sont souvent manipulées par leurs petits copains. Il y a eu une situation de cette nature qui a été relayée sur les réseaux sociaux. Les nounous peuvent également enlever des enfants par avidité ou suite à des problèmes psychologiques. Elles se disent souvent maltraitées, sous-payées et par vengeance, elles agissent de la sorte », souligne-t-elle.  Avant d’ajouter : «Au niveau des agences de placement, si quelques bribes d’informations sont disponibles, les responsables se désengagent néanmoins des agissements de la nounou après la mise en relation, alors qu’ils peuvent souvent être des complices. Il faut également noter que les parents ont également démissionné de tout ce qui concerne leurs enfants au profit de leurs activités».

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Solutions. Au tableau des solutions, ce n’est pas la sinécure, mais notre interlocutrice met sur la table de belles pistes à explorer. En l’occurrence, une organisation des agences de placement et la mise en place d’un fichier qui répertorie des informations d’identifications précises et documentées sur les nounous. Ledit annuaire, dans l’esprit la présidente de l’ONG Foundi, pourrait également donner un aperçu de leurs anciens emplois et éventuellement un rapport du motif de la résiliation des précédents contrats.  En collaboration éventuellement avec des assistantes sociales, l’objectivité du rapport serait établie. Une panacée qui pourrait permettre d’anticiper et de mettre rapidement la main sur les indélicates employées en cas d’enlèvements.  Mère de famille et employeur d’une nounou à l’instar d’une pléthore de famille, elle préconise également une organisation et une professionnalisation du secteur d’activité de prestation de services domestiques. Avec notamment, des formations à l’attention des nourrices afin qu’elles méritent un traitement salarial réglementaire et ne soient nullement considérées comme des sous-hommes, mais des employées dans le plein sens du terme, à l’instar de tout autre. Ce changement de paradigme pourrait contribuer à juguler voire annihiler la situation, à l’en croire.

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L’attente du ministère de la Famille, de la Femme et de l’Enfant. A priori, la cause infantile, est l’un des pans phares de la feuille de route de ce pôle ministériel. Interrogé sur la hausse des rapts d’enfants menés par des nounous, un membre de la cellule de communication dudit ministère souffle le chaud et le froid. Notre contact souligne en substance que le ministère intervient dans la prise en charge lorsque des situations surviennent. Avant de mettre en avant la situation d’une jeune fille qui avait été enlevée et transportée au Burkina. Suite à un échange avec son homologue du pays des hommes intègres, la ministre Nassénéba Touré a orchestré le rapatriement de l’enfant et sa prise en charge avant sa remise aux parents, informe-t-on. L’interlocuteur nous précise néanmoins qu’un comité interministériel est en pôle position sur les enlèvements d’enfants.

L’application des solutions doit débuter afin de pallier cette situation qui sème la désolation dans les familles.

Charles Assagba

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