Législatives 2021: Pourquoi Sidi Touré a été battu à Béoumi

par NORDSUD
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Le ministre de la Communication et des médias, Sidi Tiémoko Touré, était candidat aux élections législatives du 6 mars 2021 dans la circonscription électorale de Kondrobo, Andokrekrenou et Béoumi commune et sous-préfecture. Face au Pdci-Rda qui n’avait pour candidat visible que Maître Blessy Chrysostome, avocat de Henri Konan Bédié, il y avait le ministre Sidi Touré, député sortant de la localité,  avec pour colistier le maire de Béoumi, Jean Marc Kouassi.
A l’affiche, la liste du Rhdp conduite par Sidi Touré avait toutes les chances de l’emporter quand on sait l’engagement du Président Alassane Ouattara pour doter cette région jadis coupée du reste du pays d’infrastructures de développement. On peut citer entre autres les ponts sur le Bandama et le Kan, le bitumage de certaines voiries dans la ville de Béoumi, l’électrification et l’adduction en eau potable, la construction ou la réhabilitation de centres de santé, d’écoles…
En dépit de ces actions, au soir du 6 mars 2021, le Rhdp est laminé par le Pdci-Rda. Le vieux parti obtient 10.538 voix, soit 67,72% contre 3.978 voix pour le parti au pouvoir, soit 25,56%  pour un suffrage exprimé de 15.561 voix. Quelles sont les causes d’une telle humiliation du parti d’Alassane Ouattara à Béoumi ?


        Crises inter communautaires latentes
Le pays Kodé a été le théâtre de conflits intercommunautaires entre 2018 et 2020 qui ont été fatales pour le Rhdp lors des élections législatives du 6 mars 2021.
A l’issue des élections municipales du 13 octobre 2018, le candidat du Rhdp Traoré Yacouba, devenu candidat du Rhdp aux dernières législatives a osé contester les résultats qui donnaient vainqueur un fils de la localité, le candidat indépendant, Jean Marc Kouassi. Cette contestation a été mal vécue par les autochtones Kodé. Une telle frustration va déboucher les 15, 16 et 17 mai 2019 sur des violences intracommunautaires entre malinké et baoulé faisant 16 morts, une centaine de blessés, 500 déplacés et plusieurs interpellations. Une simple altercation entre transporteurs, l’un baoulé et l’autre malinké au marché de Béoumi le mercredi 15 mai 2019 a fait renaître un  »riz couché‘’, c’est-à-dire a réveillé un vieux conflit.
Alors que les baoulé n’ont pas oublié les rancœurs nées de cette altercation, le 28 septembre 2019, le président du conseil régional de Gbêkê, vice-président du Pdci-Rda, Mangoua Jacques, est interpellé pour détention illégale d’armes et de munitions à sa résidence de N’guessankro, non loin de Béoumi. Lors de son procès, l’on assiste à une guérilla rurale dans la région. Les populations autochtones vont ériger des barricades sur toutes les voies d’accès à Bouaké. Mangoua Jacques sera condamné à 5 ans de prison avec déchéance de ses droits civiques.
Enfin, la désobéissance civile et le boycott actif d’octobre 2020 contre les élections présidentielles du 31 octobre 2020, initiés par l’opposition ivoirienne conduite par le Pdci-Rda est venu agrandir le fossé entre le parti au pouvoir et les autochtones Kodé qui sont dans un repli identitaire. Cette situation va sceller indubitablement le sort des candidats Rhdp.


       Repli identitaire
Avec la survenance des cas précités, le Kodé dans sa grande majorité se met dans une situation de repli identitaire. Dès lors, l’on assiste à une résurgence du sentiment nationaliste Kodé qui a existé sous la colonisation, mais aussi sous l’ère de Félix Houphouët-Boigny entre 1960 et 1993. A cette époque, l’ancien chef canton de Béoumi, Jean Kouadio du parti progressiste de Côte d’Ivoire avait tourné le dos au Pdci-Rda d’Houphouët-Boigny toute sa vie. C’est quasiment le même schéma que ce peuple, semble-t-il, décide d’instaurer sous l’ère Ouattara en ne soutenant pas ses candidats aux différentes élections.
La consigne consiste à soutenir un ‘’fils authentique Kodé’’, fut-il indépendant ou du Pdci-Rda. Avec la scission entre le Rhdp et le Pdci-Rda d’Henri Konan Bédié, le meilleur choix est donc désormais le Pdci-Rda.  
Ce raisonnement va être fatal aux leaders du Rhdp locaux qui n’ont pu faire le bon choix en leur sein au vu des dissensions qui minent le parti au pouvoir sur place.


     Dissension au sein du Rhdp
Deux blocs s’affrontent au sein du Rhdp à Béoumi. Il y a d’une part le camp du ministre Sidi Tiémoko Touré et d’autre part celui du président de la chambre des hommes d’affaires musulmans de Côte d’Ivoire (Chamci), Doumbia Mamadou dit Warifatchè.
Le choix de Traoré Yacouba, certes du camp de Doumbia Mamadou comme suppléant de Sidi Touré n’a point fait plaisir aussi bien au camp Sidi qu’au camp Doumbia. Pour ces derniers, Traoré Yacouba, candidat malheureux aux élections municipales de 2018, s’est allié à l’ennemi sans les consulter et les en informer. C’est donc de bon aloi qu’ils ont boycotté les campagnes législatives.
Dans le même temps, les autochtones Kodé y compris ceux du Rhdp dans un repli identitaire dont nous parlions plus haut, n’avaient pas souhaité une candidature malinké, fut-elle celle du ministre Sidi Touré ou d’un tiers à Béoumi. D’autant plus que son suppléant Traoré Yacouba fut, trois ans en arrière, celui qui a contribué à mettre le feu aux poudres en contestant la victoire de Jean Marc Kouassi, actuel maire de Béoumi et colistier de Sidi Touré aux élections législatives du 6 mars 2021.
Pour sauver les meubles, la candidature du Directeur général de la fonction publique Oka Amani se susurrait sur place sous les couleurs du Rhdp. Associée à celle du maire Jean Marc Kouassi pour le compte du Rhdp, le parti au pouvoir pouvait espérer glaner face au Pdci-Rda le poste de député.  
Mais contre toute attente, le parti d’ADO, divisé sur place, n’a pas su lire les prémices de sa défaite. En effet, l’image du ministre Sidi Touré, en dépit de ses bienfaits aux populations, ne passait plus au sein des autochtones pour briguer un autre mandat. D’ailleurs lors des campagnes, le discours du Pdci-Rda ne va pas faciliter la tâche aux adversaires qui n’ont pas su opter pour des ‘’fils de la région’’comme candidats.


                 Campagne du Pdci-Rda
A Kondrobo, lors du lancement de la campagne le 26 février 2021, le Pdci-Rda donne le ton. N’Guessan Joachim, député du Rhdp avec Sidi Touré du temps de la lune de miel  se veut clair, «Le Pdci-Rda est notre fétiche. C’est le parti fondé pour servir le vaillant peuple ivoirien, c’est ce parti qui a su gérer ce pays pour qu’il réussisse… Dans cette bataille actuelle, il est important de soutenir le Pdci. Nous vous demandons de tous voter le Pdci.» Son colistier maître Blessy Chrysostome, soutenant que le Kodè reste digne et fier, a fustigé le comportement de certaines têtes couronnées qu’il soupçonne de faire la part belle aux candidats Rhdp. «Ceux qui viennent vous voir vous pour vous donner de l’argent et vous demander d’être avec eux, vous ne voyez pas que c’est notre terre qu’ils luttent ? Est-ce que le Kodè est fini pour qu’on soit si silencieux ?», a-t-il interrogé.
«Nos chefs sont malheureusement devant, ils viennent vous voir pour vous donner l’argent. Ce n’est pas à cause des 10.000 francs que vous allez vendre Béoumi. Je vous demande pardon parce que, s’ils ont pris le peuple Kodè, c’est tout le pays qu’ils vont prendre. Donc voyons bien dans les urnes», a-t-il mis en garde. «Cette année, vos yeux sont ouverts, s’ils viennent voir les chefs pour vous donner de l’argent, prenez et bouffez. Mais «que le Kôdè se réveille, que le Kôdè qu’on connaît qui est une personne qui respecte, qui n’a pas peur se lève. Si demain nous gagnons ces élections et qui veulent tricher, nous allons leur montrer qui est le Kodè», a-t-il mis en garde.
Allah Kouamé, correspondant permanent

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