Ça se bouscule d’ores et déjà au portillon des starting-blocks pour l’élection présidentielle prévue en Octobre 2025. Laurent Gbagbo, l’ancien Chef de l’Etat ivoirien désireux de renfiler le costume de Président de la République a annoncé sa volonté de briguer la magistrature suprême sous la tunique du Parti des peuples africains de Côte d’Ivoire (PPA-CI). Si la candidature du Woody de Mama n’a pas fait l’effet d’un Breaking news, le timing de cette annonce interroge.
Faire feux de tout bois pour sa réintégration sur la liste électorale
De fait, le numéro un ivorien Alassane Ouattara n’ayant pas accordé de suite favorable à la demande d’un décret présidentiel d’amnistie qui permettrait à Laurent Gbagbo de retrouver son titre d’électeur et par ailleurs de candidat, le PPA-CI profite de l’annonce de cette candidature pour passer à la vitesse supérieure. « Le Comité central engage la Direction du parti à entreprendre, dès à présent, les actions appropriées afin que le PPA-CI obtienne la réinscription du nom du Président Laurent Gbagbo sur la liste électorale ». À défaut d’une loi d’amnistie prise par décret présidentiel, l’ultime levier à actionner pour Gbagbo est celui d’une proposition de loi émanant des députés du parti. Ainsi, en jumelant cette demande à l’annonce de sa candidature, il met un coup de pression au parti au pouvoir, le Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et le Paix (Rhdp), majoritaire à l’assemblée nationale. En effet, étant déjà l’un des éventuels futurs candidats de l’opposition, Laurent Gbagbo n’hésitera pas à associer une non-adoption de la proposition de loi à un acharnement du parti au pouvoir qui aura également refusé de lui accorder un décret présidentiel. Un acharnement qu’il pourrait qualifier de chasse à l’opposant, contraire aux principes d’une élection inclusive, de l’élan de réconciliation nationale. Une nouvelle ligne d’arguments toute faite à agiter comme un chiffon rouge.
Revenir au-devant de la scène dans le camp de l’opposition.
Muré dans un mutisme lors de la CAN, son passage éclair sur le site de déguerpissement de Gesco n’aura pas suffi à lui assurer une visibilité sur la scène politique. L’autre figure de l’opposition, fraîchement élu à la tête du plus vieux parti a gagné en capital sympathie avec la CAN, puis avec l’annonce en grandes pompes de la constitution de sa team. Une guerre d’image favorable à Tidjane Thiam qui continuait de capter l’attention dans l’opposition jusqu’à cette annonce. Tout en braquant les projecteurs sur lui, cette annonce de Laurent Gbagbo est symptomatique de la bataille pour le leadership de l’opposition ivoirienne. Une analyse à laquelle l’analyste politique, Landry Kuyo accorde du crédit. « Lorsque l’on décide de faire de Laurent Gbagbo, le candidat, on se prépare à se confronter au pouvoir politique en place. Avant d’aller affronter le Rhdp, il faut commencer à faire la preuve que tu es le principal parti d’opposition. Son premier adversaire, c’est son ‘’ partenaire politique’’, le Pdci-RDA de Tidjane Thiam. C’est le premier combat que doit remporter Laurent Gbagbo. Cette candidature va permettre au PPA-CI d’attirer la lumière sur lui étant donné que du point de vue purement objectif, le principal parti d’opposition est sans nul doute le Pdci-RDA qui a réalisé de meilleurs scores lors des élections locales, qui est plus stable, qui est mieux structuré, qui fait parler en ce moment et qui a un capital militant plus important que celui du PPA-CI qui est un parti émietté de l’ancienne galaxie de gauche », souligne Landry Kuyo.
Un lot de désavantages que Laurent Gbagbo tente de pallier en prenant les devants de la lutte sur les sujets phares de l’opposition, en s’appropriant les résultats du dialogue politique et en proférant des piques à l’endroit du régime en place, en vue de s’approprier le statut de patron de l’opposition. « Le PPA-CI engage sans délai les actions de mobilisation de toutes ses structures pour un combat démocratique acharné et sans faux-fuyant. (…). De même, le Comité central engage la Direction du Parti à mettre tout en œuvre pour obtenir des conditions d’élections justes et transparentes. Cela passe nécessairement par : La dissolution de la Commission électorale indépendante actuelle et la mise en place d’un nouvel organe performant et crédible ; la refonte de la liste électorale et l’élaboration d’une nouvelle liste transparente ; l’adoption d’un nouveau découpage électoral ; etc. », indique le communiqué du comité central du parti. Embouchant la trompette sur les déguerpissements entrepris par le District d’Abidjan, le PPA-CI a dénoncé des « violations inacceptables des droits élémentaires de citoyens fragiles et vulnérables et les méthodes humiliantes et déshumanisantes employées par le gouvernement ». Dans son analyse, laurent Gbagbo a pointé « la situation sociale extrêmement difficile que vivent les populations ivoiriennes depuis plus d’une décennie, du fait de la gouvernance hasardeuse du régime Rhdp ». Cette rhétorique suffira-t-elle à masquer la défaite du PPA-CI aux dernières élections locales et à coiffer Laurent Gbagbo de la casquette de patron de l’opposition?
Une passe décisive involontaire à Alassane Ouattara
C’est un corollaire dont le PPA-CI se serait bien passé. En annonçant tambour battant la candidature de Laurent Gbagbo à la prochaine présidentielle, le parti légitime davantage une quatrième candidature du président Alassane Ouattara à la présidentielle. « D’un point de vue juridique, le président Ouattara a une candidature qui serait validée par le Conseil constitutionnel. D’un point de vue moral, le président avait donné sa parole. Si Gbagbo et Bédié n’y sont pas, il n’y a aucune raison qu’il y soit. Sauf que Bédié n’est plus et que Gbagbo est appelé à être candidat. Ce qui fait qu’à contrario, Gbagbo candidat, Ouattara l’est de manière valable. C’est ce qu’a rappelé le ministre Touré Mamadou qui soutient en somme qu’il est tout à fait normal que le président Ouattara soit candidat », analyse Landry Kuyo. Comme pour apporter de l’eau à son moulin, le 12 mars, soit 72 h après l’annonce de la candidature de Laurent Gbagbo, l’union des leaders pour la candidature d’Alassane Ouattara en 2025 a annoncé le lancement d’une pétition visant 4 millions de signataires en faveur d’un nouveau mandat du président ivoirien. Représentant du parrain de la cérémonie, Nogbou Omer, membre du bureau politique du Rhdp n’a pas manqué implicitement de faire allusion au PPA-CI. « Votre souhait de voir comme beaucoup d’Ivoiriens Alassane Ouattara d’être candidat en 2025 est noble. Votre ambition de 4 millions de signataires sera une formalité. Aucun militant du Rhdp ne pourra s’opposer à la candidature d’un supposé opposant. Mais il ne faut pas qu’un militant de l’opposition s’immisce dans notre choix », a-t-il indiquait. Les indicateurs d’une ébullition de la scène politique dans les jours à venir sont donc au vert.
Charles Assagba