Dossier/Présidentielle du 31 octobre 2020: Conseil national de transition: L’opposition prend le maquis

par NORDSUD
Publié: Dernière mise à jour le 293 vues

La transition, c’est la revendication de départ des opposants. Ils n’ont jamais cru en leurs chances de passer au travers du processus de vote. Leur objectif, c’est la transition.

Le boycott actif et la désobéissance civile devaient aboutir à la mise en place d’une instance dite Conseil national de transition.

Seulement, l’un et l’autre (boycott et désobéissance) ont échoué. Les élections se sont tenues dans 80% des bureaux de vote. Et Ouattara a consolidé son socle de légitimité avec 3 millions d’électeurs.

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L’opposition a malgré tout lancé le CNT. En comptant sur l’intensification de la pression à l’intérieur et la position de réserve de la communauté internationale. A part les Africains et la Chine, l’Occident traînait encore des pieds pour reconnaître le nouveau régime.

Soro conseille Bédié. Guillaume Soro demande à Bédié de franchir le palier supérieur : La proclamation du CNT et la formation d’un gouvernement de transition, un deuxième gouvernement pour délégitimer le gouvernement Ouattara sortant.

Pour cela, il donne des garanties : Le CNT accentuera la pression de la rue. Cela fera sortir l’armée de son lit. Ce point est bouclé, réglé. Et la communauté internationale attend l’avènement du CNT. Elle prendra position et imposera un nouveau cadre de négociation à Ouattara. La présidentielle du 31 octobre sera de facto caduque.

Du sang pour nourrir la lutte. Le calcul de Guillaume Soro est le même depuis le début : Pousser le régime Ouattara à la faute, le pousser à commettre l’irréparable, des tueries de masse.

Dans la même veine pour Soro, Bédié est un épouvantail. C’est un ancien chef d’État. Il est le chef et le doyen d’âge de l’opposition. Il a 86 ans. Il prendra la tête du CNT. Il pourra mener le projet le plus loin possible sans que Ouattara ne puisse réagir sans commettre une faute et ruiner le crédit de son régime.

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C’est ainsi que fort des garanties de Guillaume Soro et de la position attentiste de la communauté internationale, Henri Konan Bédié, flanqué de Affi N’guessan, annonce la création du CNT le 2 novembre 2020. Il enchaîne le 3 novembre en convoquant une conférence de presse pour former un gouvernement.

 Ce gouvernement devait s’appuyer sur le vieux réseau des Tout Sauf Ouattara. Ce réseau a donné de la voix, de manière synchronisée quelques semaines auparavant. Des politiques (toute l’opposition radicale coalisée), mais aussi des voix dans la société civile, dans le monde religieux et chez quelques chefs traditionnels. Des sources au sein des services de renseignements sont formelles : Il y avait des ramifications au sein des forces de défense et de sécurité, au sein de la haute administration (civile, financière et judiciaire) ainsi qu’au sein des médias d’État écrits et audiovisuels. Pour ces derniers, des équipes bien identifiées étaient préparées pour relayer la parole du Conseil national de transition.

L’ambiguïté de Gbagbo. Laurent Gbagbo a-t-il été en accord avec l’idée du Conseil national de transition ? Il faut dire que le mentor des frontistes a eu, pendant cette période, une attitude ambiguë. L’idée d’une transition est sur la plateforme revendicative de l’opposition depuis 2019. Pour elle, il fallait un dialogue politique qui aboutirait à la remise à plat des règles du jeu électoral à travers un cadre dit de transition démocratique.

Or, quand Gbagbo sort de sept années de silence le 29 octobre, à deux jours du scrutin du 31 pour crier «à la catastrophe», donner son soutien aux manifestations de rue et réclamer une négociation qui de facto interromprait le processus électoral, que cautionne-t-il sinon la mise en place d’un cadre de transition ?

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La réaction du pouvoir a été sans faiblesse : la résidence de Bédié, siège provisoire du gouvernement séditieux, a été mis sous blocus. Il a été procédé à des arrestations dont celles de Affi N’guessan et de Maurice Kakou Guikahué.

Le CNT est mort dans l’oeuf. Il a été dissout par Bédié le 10 décembre 2020.

D’autres sources dignes de foi, cette fois proches de l’opposition, établissent que Henri Konan Bédié se rend compte de l’aventure sans issue, de l’impasse dans laquelle Guillaume Soro a conduit toute l’opposition.

Bédié prend ses distances. Le 9 décembre 2020, c’est le rétropédalage : Il annonce la dissolution du Conseil national de transition. Et remplace ce cadre séditieux par une nouvelle revendication : Le dialogue politique inclusif. Pour faire bonne figure et trouver une porte de sortie honorable.

Mais Bédié fait l’annonce suivante, d’une grande importance : «La lutte privilégiera désormais les marches et les autres formes démocratiques de la contestation propres à une opposition responsable et constructive».

Guillaume Soro lui a répondu en se défendant, le 15 février 2021, dans une interview accordée à son journal «Générations nouvelles» : «L’épisode du conseil national de transition demeure une impréparation tactique… ». Comprenez ce que vous pouvez.

Il n’en demeure pas moins qu’il y a un changement total de cap. L’opposition significative a décidé d’opérer une rupture définitive avec la stratégie du chaos proposée par Guillaume Soro. Fini le jusqu’au-boutisme.

Les opposants en veulent-ils à Guillaume Soro ? Une chose s’observe clairement dans leur démarche politique désormais : Ils donnent un soutien prudent à l’ex-rebelle et évitent soigneusement de lier leur sort au sien. Très clairement, Henri Konan Bédié, Affi N’guessan, Mabri Toikeusse ne s’aviseront plus à confier leur destin politique à l’ex-rebelle.

Imane Emy Fatima

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