Coup d’État au Burkina: La France attaquée, les djihadistes ignorés

par NORDSUD
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La capitale du Burkina Faso était plongée dans le chaos depuis le coup d’État survenu vendredi 30 septembre 2022.

Le départ du désormais ex-chef de la junte burkinabè, Paul-Henri Damiba, était réclamé à Ouagadougou par des centaines de manifestants favorables au capitaine Ibrahim Traoré. Leus partisans des nouvelles forces au pouvoir sont sortis en masse pour leur afficher leur soutien. Dans l’ensemble, la population espère que le jeune capitaine luttera efficacement contre la menace jihadiste sur le territoire, dont plus de la moitié échappe au contrôle des autorités.

Tout en saluant la prise du pouvoir par le capitaine Ibrahim Traoré, la France est prise pour cible par les manifestants favorables aux putschistes. Pour la deuxième journée consécutive, l’ambassade française a été attaquée dimanche 2 octobre au matin par une partie des habitants de Ouagadougou, finalement repoussés par des tirs de gaz lacrymogènes. Dans les revendications des manifestants, s’expriment à la fois un fort ressentiment anti-français, et un appel à l’intervention de la Russie. Selon un reportage de TF1, le slogan est clair. « On veut la Russie, on veut une collaboration avec le Mali, la France à bas ! », clame une manifestante au milieu d’une foule où  des badauds défilent avec des drapeaux russes.

Le chef de la nouvelle junte autoproclamée, le capitaine Ibrahim Traoré, avait donné le ton, en accusant le colonel Damiba, le chef de la junte déposée, de préparer une « contre-offensive » depuis « la base française de Kamboinsin », un camp militaire proche de Ouagadougou, où des forces spéciales françaises forment leurs homologues burkinabè. 

Un ressentiment anti-français ancien

Mais le ressentiment anti-français n’est pas récent au Burkina Faso. Déjà en novembre 2021, on se souvient de ce convoi militaire français, stoppé plusieurs fois au long de sa traversée du pays, par des manifestants persuadés qu’il contenait des armes destinées aux groupes djihadistes qui terrorisent le Sahel depuis plusieurs années. Les réseaux sociaux amplifient des rumeurs sur l’action des soldats français dans la région, phénomène qu’on avait pu observer auparavant au Mali et en Centrafrique.

Échec contre le djihadisme

Le gouvernement militaire déposé était, lui aussi, issu d’un coup d’État en janvier dernier, qui faisait suite à l’exaspération de la population face à une flambée djihadiste dans le pays depuis 2015. Les attentats contre l’armée et les massacres de civils se sont cependant poursuivis dans le nord et l’est du pays, que les nouveaux maîtres du Burkina Faso se sont montrés impuissants à empêcher.

La porte ouverte aux mercenaires du groupe Wagner ?

Dès leur déclaration de samedi 1er octobre 2022, signée du capitaine Ibrahim Traoré, les putschistes avaient mentionné leur « ferme volonté d’aller vers d’autres partenaires prêts à aider dans la lutte contre le terrorisme ». Si la Russie n’est pas explicitement citée, c’est bien elle qu’appellent à la rescousse les manifestants de Ouagadougou, brandissant des drapeaux russes et appelant à imiter le Mali.

L’armée malienne a en effet recours à des « instructeurs » du groupe paramilitaire Wagner, qui ont parfois directement repris les bases abandonnées par les militaires français lors du retrait de l’opération Barkhane.

Une campagne de désinformation orchestrée par Moscou ?

Les drapeaux russes ont déjà fait leur apparition plusieurs fois dans des manifestations du même type dans tout le Sahel. En échouant à neutraliser les groupes djihadistes dans la région, qui se sont au contraire développés malgré l’ampleur de l’opération Barkhane, la France en est paradoxalement vue comme la responsable, voire la complice.

Les réseaux sociaux diffusent sans relâche des rumeurs colportant cette collusion supposée, parfois relayées aussi par des acteurs politiques majeurs, comme récemment le ministre des Affaires étrangères malien. Les réseaux russes semblent ne pas être étrangers à ce qui semble être une campagne orchestrée de désinformation.

Lors du putsch de janvier dernier, l’homme d’affaires russe Evgueni Prigojine, proche du Kremlin et qui a depuis reconnu avoir fondé le groupe Wagner, avait salué le coup d’État comme le signe d’une « nouvelle ère de décolonisation », faisant implicitement offre de services au nouveau pouvoir à Ouagadougou. L’IRSEM (Institut stratégique de l’Ecole militaire), avait d’ailleurs pointé dans un rapport du mois dernier, la « percée » récente, dans l’audience burkinabé, des antennes francophones de RT et Sputnik.

Le capitaine Traoré a accepté dimanche soir de répondre aux questions de RFI. Le nouveau maître du Burkina Faso a affirmé qu’il n’est là que pour expédier les affaires courantes et qu’il n’a pas l’intention de présider la future transition. « Nous ne sommes pas venus pour continuer, nous ne sommes pas venus pour un but particulier. Tout ce qui intéresse, c’est de savoir si le niveau de sécurité est bien, c’est le combat, c’est le développement. Les assises qui vont désigner le président, ça ne nous concerne pas trop. On sera là pour donner des idées », a-t-il répondu à la question de savoir s’il entendait poursuivre sa mission à la tête du pays après les assises ou est-ce qu’il comptait passer le relais.

La Cedeao «salue les différentes parties au Burkina Faso»

Dans un communiqué publié dimanche soir, le président en exercice de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), Umaru Sissoco Embalo, salue les différents protagonistes du Faso pour « avoir accepté un règlement pacifique de leur différend ».

Il « note en particulier la décision du lieutenant-colonel Damiba de renoncer à ses fonctions de président du gouvernement de transition (…) afin d’éviter une confrontation violente et un éventuel bain de sang ». La Cedeao « exige » des autorités burkinabè qu’elles respectent leurs engagements – en clair, l’organisation d’élections pour un retour à l’ordre constitutionnel d’ici juillet 2024.

Une délégation de l’organisation ouest-africaine se rendra à Ouagadougou ce lundi 3 octobre 2022 avec, notamment, son médiateur pour le Burkina, l’ancien président nigérien Mahamadou Issoufou, et le président de la Commission de la Cedeao, le Gambien Omar Alieu Touray.

Bakayoko Youssouf

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