Dans ce court entretien, le politologue et essayiste Geoffroy-Julien KOUAO, analyse les ressorts de la dissolution du Parlement et de ses éventuelles conséquences politiques en cas d’échec du Pastef, le parti présidentiel.
Comment comprendre cette dissolution ? La nouvelle administration sénégalaise avait hérité de la majorité du pouvoir qu’elle a battue aux élections…
Geoffroy-Julien KOUAO* : Une double raison juridique et politique explique la dissolution de l’assemblée nationale. D’abord, le président sénégalais a utilisé son pouvoir constitutionnel de dissolution. Ensuite, après son le refus des députés de voter son projet de loi portant suppression de l’assemblée des collectivités locales et du conseil économique et social, le Président Bassirou Diomaye Faye a voulu vaincre politiquement l’opposition des députés hostiles à politique réformatrice. Vous faites bien de le préciser, le Pastef, le parti au pouvoir ne disposait pas de majorité à l’Assemblée nationale.
Était-ce une forme de cohabitation à la sénégalaise ?
Non. Par contre, si à l’issue du scrutin de novembre prochain, l’opposition arrive en tête avec la majorité absolue des sièges, dans cette hypothèse le président Faye se verrait obligé de choisir un opposant pour occuper la primature. Dans ce cas de figure, oui, il y a cohabitation. Le régime politique sénégalais est semi-parlementaire. Le premier ministre est responsable devant le Président de la République et devant l’assemblée nationale. Il ne peut pas gouverner sans majorité confortable.
Pour l’opposition, c’est pour échapper à une motion de censure que le pouvoir a recouru à cet article de la Constitution ? Nous sommes ici dans un vrai régime parlementaire comme vous l’avez toujours souhaité pour la Côte d’Ivoire…
Oui, la constitution sénégalaise instaure la collaboration des pouvoirs et leur responsabilité réciproque. Le président de la République peut dissoudre l’Assemblée nationale, celle-ci peut faire tomber le gouvernement. Au Sénégal, le contrôle de l’action gouvernementale par le parlement est une réalité.
Quelque part le scrutin législatif sénégalais est très particulier. Parce qu’il combine un système proportionnel et majoritaire. Conséquence, les partis doivent former des coalitions pour disposer de majorité confortable… Expliquez-nous.
Oui, et c’est une très bonne chose. Dans une démocratie, on ne gouverne pas seul, mais collégialement. La combinaison du scrutin majoritaire et du scrutin proportionnel est démocratiquement heureuse en ce qu’elle favorise la présence de petits et grands partis au parlement. Pour former le gouvernement, le parti arrivé en tête avec une majorité relative est obligé de former une coalition la plus large possible.
Dissoudre un Parlement est un risque surtout en début de mandat. Il est vrai que l’Exécutif n’avait autre choix. Que risque le nouveau pouvoir sénégalais ?
Le président Diomaye Faye et son premier ministre Ousmane Sonko bénéficient encore de l’état de grâce de la part des sénégalais. Nul doute que les électeurs leur donneront une majorité absolue au parlement en novembre prochain. En cas de défaite du Pastef à ces législatives, ce sera politiquement la fin du quinquennat de Diomaye Faye.
*Dernier essai publié : « Côte d’Ivoire : une démocratie sans démocrates ? La ploutocratie n’est pas la démocratie », les Éditions KARMIT.
Propos recueillis par Ange Hermann GNANIH