Interview-A’Salfo, à cœur ouvert !

par NORDSUD
Publié: Dernière mise à jour le 480 vues

Lead vocal du groupe Zouglou, Magic System, Traoré Salif dit A’Salfo parle du nouvel album, du FEMUA (le festival des musiques urbaines d’Anoumabo) qui s’ouvre le 7 septembre et des perspectives. Interview.

Pourquoi vous avez mis plus de 4 ans avant de sortir un album ?

C’est un temps normal entre la préparation et la sortie d’un album. Un album, c’est un an de préparation, un an de promotion et un an de tournée. Cela fait déjà trois ans. Je pense que 4 ans, le temps mis pour sortir ce nouveau CD est à tout à fait normal. C’est vrai que les choses ont changé mais, nous, nous sommes de la vieille école. Nous respectons les codes. Nous prenons du temps pour confectionner nos albums. Vous n’êtes pas sans ignorer que nous ne nous sommes pas inscrits dans la dynamique de sortie d’album par single. Si tel était le cas, on n’aurait pas mis 4 ans. Il y aurait eu un intervalle de 1 ou 2 ans maxi. Nous avons opté pour une bonne préparation pour sortir cet album de 12 titres qui passeront à 16 bientôt. C’est pourquoi, vous avez constaté ces 4 ans.

Vous signez votre retour avec un album intitulé «Envolée Zougloutique». Qu’est-ce qui vous a inspiré pour un tel titre ?

C’est une envolée en deux sens. La première envolée, c’est le groupe Magic System qui se prend en charge pour la première fois dans la production artistique. La 2e envolée, c’est de vouloir imposer le Zouglou à l’étranger. Il est vrai que nous avons eu des albums à succès, mais avec des titres d’autres rythmes. Cette fois ci, nous avons fait un album 100% Zouglou pour permettre à ce rythme de prendre une vraie envolée.

En le faisant, n’est-ce pas prendre en compte les critiques des mélomanes qui estimaient que vous ne faisiez plus du Zouglou originel ?

On ne peut jamais se détourner de notre vision. Même si c’était à refaire, nous suivrions la démarche identique que nous avons empruntée jusque-là. Dieu seul sait ce que nos collaborations à l’extérieur nous ont apportées. Ce sont ces collaborations qui nous ont permis de nous imposer sur le marché international. La musique internationale a des codes. Avant de faire aimer ce qu’on fait, il faut d’abord s’adapter au code. C’est ce que nous avons fait. Nous ne regrettons rien. Au contraire, nous allons continuer dans cet élan. Même si nous sortons un jour un album Zouglou pure, nous avons conscience qu’il y a deux oreilles qui nous écoutent. Les oreilles des puristes et celles de ceux qui ont écouté Magic System dans un autre style mélangé. Pour ces personnes-là, nous allons faire une réédition de l’album que nous avons confectionné.

Pensez-vous qu’il est temps pour vous d’imposer votre conception du Zouglou et votre feeling à travers le monde ?

Oui, c’est selon nos convictions que nous évoluons aujourd’hui. Les critiques sont bonnes quand elles sont constructives. Il est vrai qu’on a besoin des critiques pour avancer, mais on est souvent obligé de faire le tri et prendre ce qui est pertinent pour aller de l’avant.

Votre album est sorti le 21 juin 2021. Pourquoi le choix de cette date ?

Nous pensons que c’est le plus beau jour qu’un artiste ou un groupe peut choisir pour offrir un meilleur cadeau à ses fans. Etant donné que c’est le jour de la fête de la musique.

Quels sont les thèmes qui dominent ce 12e album ?

 Nous avons des thématiques clairs sur lesquels nous travaillons depuis des années. Il y a l’éducation, l’environnement, la santé, l’immigration, l’emploi des jeunes. Certes ce ne sont pas des termes inédits, mais cette fois nous les abordons sous un autre angle en fonction de la pertinence du moment.

Justement on vous voit interpeller des directeurs généraux concernant l’emploi pour les jeunes ?

C’est notre façon à nous de soutenir cette jeunesse en quête d’emploi mais aussi interpeller tout le monde notamment les décideurs. Une manière de leur dire que des jeunes ont déposé des CV dans leurs entreprises, il leur appartient de les analyser et de faire appel aux plus compétents. C’était aussi une façon pour nous de rendre hommage à ces directeurs qui sont des modèles pour jeunes gens en quête d’emplois.

Il y a un autre thème tout aussi important que vous abordez celui de l’immigration clandestine. Malgré toutes les campagnes, les jeunes continuent d’aller mourir en mer…Vous avez fait un featuring avec Smarty pour sensibiliser encore…

Vous savez, on a tout dit pour dissuader les jeunes et les empêcher d’aller se faire tuer. Cette fois, nous avons procédé autrement. Cette fois, avec Smarty, nous avons dit oui vous pouvez voyager mais utiliser la voie légale en faisant les papiers en bonne et due forme. Ce message passe plus que lorsqu’on leur dit ne faites pas, n’essayez pas parce qu’on ne leur donne aucune lueur d’espoir. Donc le titre «voyager» pour leur dire de quitter la clandestinité.

Vous n’avez pas oublié également l’environnement avec le réchauffement climatique sur cet album…

Nous organisons la foire francophone des jeunes sur la gestion et le recyclage des déchets. Nous sommes un groupe éco-citoyen. Nous avons participé à la COP 22 et nous avons fait une chanson sur l’eau, c’est donc une continuité. On nous dit qu’en 50 ans nous avons perdu les ¾ de notre forêt, il est donc important pour nous d’interpeller sur la déforestation.

Quel jugement faites-vous de l’éducation en Afrique et surtout en Côte d’Ivoire pour vous qui avez construit beaucoup d’écoles pour donner la chance à de milliers d’enfants d’aller à l’école ?   

On ne cessera de sensibiliser les parents sur la nécessité de mettre les enfants à l’école. Il faut saluer le Président de la République, Alassane Ouattara, qui a pris une décision, il y a 4 ans de rendre obligatoire l’école. On ne peut donc pas comprendre les parents qui refusent de mettre les enfants à l’école, disent-ils, faute de moyens alors que les dispositions sont prises pour qu’ils puissent être scolarisés. Notre message va à l’endroit de ses parents. On prend l’exemple du petit Hamza qui n’a pu aller à l’école par la faute des parents et qui se retrouve dans la rue en train de faire la manche. Il y a des choses que nous ne devons plus voir. La place de nos enfants, c’est d’être à l’école.

Peut-on savoir les prochaines villes qui vont bénéficier de la construction des écoles Magic System ?      

Nous avons encore deux écoles en projet de construction à Tanda et Odienné. Nous attendons de les finir avant d’attaquer les autres étapes. Tant que Dieu continuera de nous donner la force, on construira toujours des écoles.

Revenons à la musique. A quoi répond les featuring que vous avez fait avec Mix 1er, chanteur de coupé décalé ?  

Le coupé décalé étant une musique urbaine, le Zouglou également, nous avons estimé bon de renforcer nos liens avec d’autres styles musicaux et avec deux parties du continent : Afrique de l’ouest et centrale avec le featuring avec Fally Ipupa. A cela, il ne faut pas oublier le featuring avec Smarty qui est un artiste talentueux.

Pour cet album, on se rend compte que vous n’êtes plus le seul à chanter et même à faire des interviews. Est-ce une prise en main des choses par les autres membres du groupe ?

Les trois autres étaient dans une logique de dire « nous avons un grand frère. Il fera tout ». Je m’étais donc mis dans cette posture pour jouer mon rôle. Maintenant que les autres ont pris confiance en eux, c’est une très bonne chose. Vous savez, chanter 22 chansons ainsi seul au cours d’un concert,  ce n’est pas du tout aisé. Alors s’ils viennent en aide, je crois c’est une bonne chose.

Au-delà de la musique, vous êtes également entrepreneur culturel. Peut-on avoir une idée des projets que vous avez pour faire avancer ce secteur ?

Nous avons mis la structure «Gaou Production» pour donner la chance à tous ces jeunes qui veulent se faire accompagner, de les produire et de créer des plateformes  pour qu’ils s’expriment. Comme le FEMUA (Festival des musiques urbaines d’Anoumabo) et bien d’autres tribunes. Les choses se passent bien.

Le FEMUA est prévu du 7 au 11 septembre prochain. Confirmez-vous ces dates malgré la recrudescence du variant Delta de la Covid 19 ?   

Oui ! Le FEMUA aura bel et bien lieu par la grâce de Dieu. La crise sanitaire ne nous a pas permis de faire en 2020 ; mais le festival se fera dans le strict respect des mesures barrières.

Interview réalisée Yvan Aziz

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