Premier Ivoirien à remporter l’Etalon d’or lors du Festival panafricain du cinéma à Ouagadougou (Fespaco), Kramo Lanciné Fadika a connu il y a peu, une autre consécration. Une statue érigée en son nom dans la capitale burkinabè. Mais qui est ce réalisateur à la carrière exemplaire ? Portrait.
Si je vous disais, Ernst Ingmar Bergman, Luchino Visconti, ça vous évoquerait quelque chose ? Et Sembène Ousmane, Désiré Ecaré, Souleymane Cissé ? Vous l’aurez enfin compris : nous sommes dans l’univers fantasmagorique de la réalisation cinématographique. Et ces grandes figures mondiales et africaines du grand écran ne sont autres que les préférées de notre Etalon d’or, Fespaco 1981. Il faut dire que Kramo Lanciné Fadika qui vient d’être immortalisé avec une statue de bronze à Ouagadougou lors de la récente édition de ce festival, ne s’est jamais fixé de barrière. Ces modèles, ses hobbies, ses goûts sont ceux d’un homme libre, ambitieux, ouvert et expansif. Quand il dit : «ne faisant pas du tout l’âge que j’affiche, côté vestimentaire et autres attitudes, je préfère ne pas répondre à cette question (ndlr, donner son âge)», on comprend aisément que ce père de 4 enfants, grand amateur de riz, prend le monde du bon côté. C’est d’ailleurs l’une des qualités qui lui a valu l’Etalon d’or du Fespaco 1981, le premier Ivoirien à se hisser à ce niveau dans le milieu du cinéma. Depuis, Fadika s’est créé sa propre voie et a su nourrir ses rêves dans ce monde cruel du grand écran. N’est-ce pas pour cela que le comité d’organisation du Fespaco lui a décerné une statue de bronze grandeur nature dans la capitale burkinabé cette année 2020 ? Et pourtant, ses premiers pas dans le cinéma ne laissent rien présager de tel. Tout commence alors qu’il étudie les lettres modernes à l’Université de Cocody. «Je me suis acheté, avec ma bourse, une caméra super 8 et j’ai commencé à filmer ma famille et mes amis. Je le montrais en images », se souvient-il. Ces petites vidéos vont réveiller les talents de réalisateur qui sommeillent en lui. Le jeune Fadika n’hésite pas à se lancer dans l’aventure.
Embûches
Mais le chemin est parsemé d’embûches. « Particulièrement, dans un domaine tout nouveau tel que le cinéma. La plupart des personnes susceptibles de m’aider assimilaient cela à un jeu et refusaient de mettre la main à la pâte », témoigne le réalisateur. Lorsqu’il allait voir les banquiers ou des personnes bien placées, on lui rétorquait sèchement de revenir sur terre. La production de son premier film, Djeli, lui prendra 3 années entières. Le long métrage sera consacré quelques mois plus tard Etalon d’Or, au Fespaco 1981. Désormais tous les projecteurs sont braqués sur le réalisateur. « J’ai voulu toujours travailler chez moi en Côte d’Ivoire.
Dès mon retour de mes études à Paris, une équipe française, Sumafa, qui a tourné un des épisodes d’un feuilleton ici sur lequel j’avais été 2ème assistant, m’a proposé à la fin du tournage de m’emmener en France pour aller y travailler avec elle, avec salaire et avantages sociaux. Mais j’ai décliné cette offre. J’avais trop de rêves et de projets à faire dans mon pays », explique Fadika.
Il continue de travailler. Avec la littérature qu’il adore également, Fadika affine ses scénarios. En 1993, il réalise le film Wariko, qui remportera plusieurs prix. Notamment le prix d’interprétation masculine au Festival africain de Khouribga, celui de la meilleure comédie au Fespaco 95 avec Allassane Touré, Abiba Kaboré, Aissatou Traoré, Adama Dahico, Adrienne Koutouan, etc. « J’ai actuellement 4 scénarios de longs métrages en souffrance de financement, j’ai par conséquent réécrit le 5ème en roman. Avec le rythme de production que j’ai, cette histoire sur les masques n’aura jamais le temps d’être réalisée. Il est en bonne position d’édition, car j’ai trouvé un éditeur », souligne le cinéaste. Ses perspectives ? « Je n’ai pas produit la moitié des films que je voudrais produire. Donc mon objectif reste toujours de produire des films, de raconter des histoires pour frotter mon imaginaire à celui des autres, de dire ma part de vérité de ce monde dans lequel nous sommes ». Si le métier est épuisant ? Fadika sait évacuer les stress en écoutant de la musique afro cubaine qu’il adore. Un match de football ici, et un peu de gymnastique rythmique là et le revoilà gonflé à bloc.
Raphaël Tanoh