Depuis la tenue du scrutin présidentiel, le discours de l’opposition ivoirienne vis-à-vis du pouvoir a varié.
C’est la principale information de ce mardi. La Commission électorale indépendante (CEI) vient de proclamer Alassane Ouattara vainqueur du scrutin présidentiel, avec 94,27% des voix, pour un taux de participation fixé à 53,90%. En attendant les résultats définitifs du Conseil constitutionnel, le candidat du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (Rhdp) célèbre déjà sa victoire. Mais dans quel climat ? Quelques heures avant, l’opposition qui a boycotté le scrutin rejetait publiquement les résultats. En prélude à cette attitude, lundi, Mamadou Sanogo, directeur de campagne du Rhdp était devant la presse pour fustiger cette posture. Le Rhdp a plutôt trinqué devant l’échec de l’opposition pour empêcher les élections et dans sa tentative de discréditer le vote.
La riposte ne s’est pas fait attendre. Pascal Affi N’Guessan, président du Front populaire ivoirien (FPI) et porte-parole de l’opposition annonçait ce même jour, la mise en place d’un «Conseil national de transition», présidé par Henri Konan Bédié, le président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci). Un Conseil qui, au dire de Pascal Affi N’Guessan, a pour mission de mettre en place dans les prochaines heures un gouvernement de transition. Du tac au tac.
Provocation
Tout comme la désobéissance civile, il s’agit d’une démarche délibérée vers la confrontation avec le pouvoir en place. Pendant sa conférence de presse pré-électorale au siège du Rhdp, Kobenan Kouassi Adjoumani, porte-parole principal du Rhdp avait donné l’état d’esprit du parti et, peut-être, celui du chef de l’Etat : «Le Président nous a demandé de ne point céder aux actes de provocation, mais de rester vigilants. Ce que nous avons toujours fait». Avant que Mamadou Touré, directeur régional de campagne du Rhdp dans le Haut Sassandra, ne vienne clarifier les choses. Pour lui, une fois le contexte électoral passé, la loi va sévir. Allant jusqu’à qualifier l’attitude de l’opposition de «provocation».
Par ailleurs, le gouvernement vient de saisir le procureur de la République concernant la création du Conseil national de transition. Les auteurs de cet organe, ainsi que ceux cachés derrière les troubles, sont passibles de poursuites judiciaires.
Alors qu’on pouvait s’attendre à ce que l’opposition mette de l’eau dans son vin, le ton se durcit, au contraire. Ce mardi, à la suite de ces mesures, le Pdci a produit un communiqué pour s’insurger contre des attaques dont certains parmi eux seraient l’objet, prolongeant ainsi le bras de fer. Mais jusqu’où sont-ils prêts à aller?
Trouble
Une fois le chef de l’Etat confirmé dans ses fonctions par le Conseil constitutionnel, il y aura d’un côté, non un candidat aux élections, mais un président de la République dûment élu. De l’autre côté, le statut des opposants politiques pourrait considérablement varier. Dans certaines circonstances, on pourrait même avoir affaire à de simples citoyens. De ce fait, les déclarations ou les appels à la désobéissance civile entreraient dans un tel contexte des troubles à l’ordre public, une incitation à la révolte, un complot. Des délits graves. Mais, pour autant, faudra-t-il privilégier l’autorité, ou laisser toujours la porte du dialogue ouverte, même si l’opposition ne veut pas la franchir ? Maintenant qu’est-ce que vont les opposants ivoiriens ? Comment vont-ils revenir dans le jeu politique ? Autant de questions pour le moment sans réponses.
Raphaël Tanoh