Candidat à sa propre succession lors du scrutin du 25 octobre 2025, le président Alassane Ouattara affrontait une opposition fragmentée, composée d’une part de ses challengers — qualifiés par certains d’« opposition républicaine » — et, d’autre part, d’une opposition dite radicale, conduite par le Parti des peuples africains – Côte d’Ivoire (PPACI) et le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI).
Les quatre adversaires retenus par le Conseil constitutionnel le 8 septembre 2025 étaient Jean-Louis Billon, candidat du Congrès démocratique (CODE), Simone Ehivet-Gbagbo, ancienne Première dame, soutenue notamment par le Mouvement des générations capables (MGC), et Henriette Lagou, portée par le Groupement des partenaires politiques pour la paix (GP-Paix) et Ahoua Don Mello, qui s’est présenté sans appareil politique. Face à eux, l’opposition dure regroupe le Front commun, dominé par le PPACI de Laurent Gbagbo et le PDCI de Tidjane Thiam, tous deux radiés de la liste électorale et opposés à la tenue du scrutin sans un nouveau recensement. Autour de ce duo gravitent le Front populaire ivoirien (FPI) de Pascal Affi N’Guessan et le mouvement de l’ex-président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro.
Déterminés à faire barrage au chef de l’État sortant, ces opposants ont misé sur la contestation et la déstabilisation du processus électoral, alimentées par des déclarations musclées. Le 18 octobre, depuis Paris, Tidjane Thiam appelait à un soulèvement. « Nous avons sept jours pour libérer la Côte d’Ivoire. Dieu a créé le monde en sept jours, nous pouvons libérer la Côte d’Ivoire en sept jours », avait annoncé l’ancien patron du Crédit suisse, avant de se dédire face à la condamnation générale.
Deux mois plus tôt, le 16 août à Yopougon, Laurent Gbagbo tonnait : « on a publié une liste sur laquelle il n’y a pas mon nom. Moi, Gbagbo, je ne serais pas digne d’être candidat ? Puisqu’ils veulent qu’on se batte, on va se battre. Je me battrai pour mon honneur et pour la Côte d’Ivoire. Il n’y aura pas de quatrième mandat ».
Ces appels à la résistance ont débouché sur des violences sporadiques, rappelant tristement la désobéissance civile de 2020, qui avait fait une centaine de morts. Cette fois, les affrontements ont causé au moins six décès, dont un gendarme tué par balle le 20 octobre à Azaguié.
Malgré ce climat tendu, Alassane Ouattara a tenu son engagement de faire tenir le scrutin sans incident majeur. Au terme du scrutin, la Commission électorale indépendante (CEI) a salué un vote globalement apaisé, estimant que les violences recensées demeuraient « marginales et rapidement circonscrites ». Si le taux de participation, évalué à 50,10 %, a suscité des débats, il faut y voir, selon plusieurs analystes, l’effet de la peur et des menaces de chaos entretenues par l’opposition radicale.
Mais au-delà de ce contexte, la victoire d’Alassane Ouattara s’explique avant tout par une campagne méthodique, menée avec rigueur et énergie. À 83 ans, le candidat du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) a sillonné le pays pour convaincre. Le 11 octobre, il lançait sa campagne à Daloa, sous une pluie battante, après avoir présenté la veille, à Abidjan, son programme de gouvernement. De Yamoussoukro à Bondoukou, il a défendu son bilan et exposé sa vision pour le prochain quinquennat.
« Vous vivez notre bilan au quotidien. La Côte d’Ivoire va mieux depuis 2011, et nous allons faire plus. Cette élection n’est pas une simple compétition politique ; elle est le choix de la continuité et de la stabilité », a-t-il répété à l’envie face à ses différents auditoires.
À Abidjan, avant le meeting de clôture à la Place de la République, le chef de l’État a multiplié les rencontres. D’abord, avec les jeunes au stade Félix Houphouët-Boigny le 18 octobre, puis avec les femmes le lendemain. Partout, le même mot d’ordre qui tourne autour de l’unité et du progrès.
En matière de communication, le RHDP a mis les moyens. À Abidjan comme dans les grandes villes du pays, les affiches du président-candidat dominaient l’espace public. Le QG de campagne, conçu sur le modèle des grandes compétitions électorales occidentales, a servi de centre névralgique à une armée de jeunes volontaires mobilisés pour inciter les électeurs à voter massivement.
C’est donc l’ensemble de cette stratégie bien huilée, alliant discipline de campagne, communication offensive et ancrage territorial, qui a permis à Alassane Ouattara de triompher face à une opposition divisée et radicalisée. Une victoire que ses partisans présentent déjà comme celle de la stabilité sur la tentation du désordre.
Dans un esprit républicain, ses quatre adversaires ont reconnu leur défaite, non sans le féliciter. A contrario, les radicaux, eux, continuent d’agiter le chiffon rouge. Toutefois, que peuvent-ils face à Alassane Ouattara ?
Marc Dossa
