Proprement indésirable sur le sol français. C’est très clairement ce qu’est désormais le statut de Guillaume Soro qui réside en continu en France depuis 2018 et d’où il a monté une officine de déstabilisation de son pays d’origine, la Côte d’Ivoire.
Comment cela s’est-il donc passé ? Nord Sud a enquêté et revient pour ses lecteurs sur le film du ballet diplomatico-sécuritaire qui a abouti à l’expulsion du président de Générations et peuples solidaires (GPS) du territoire français.
L’étau se resserre
Les choses se dégradent à partir du 6 novembre 2020. Ce jour-là, le président de la République ivoirienne instruit son ministre des Affaires étrangères, Ally Coulibaly, d’adresser à son homologue français, Jean Yves Le Drian, un courrier diplomatique clair et sans équivoque sur les réserves (pour ne pas dire plus) des autorités ivoiriennes relativement aux manœuvres avérées et explicites de déstabilisation de Guillaume Soro, à partir du territoire «ami» de la France.
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Le vendredi 13 novembre 2020, la France déroule son rouleau compresseur contre Guillaume Soro. Quarante huit heures après la publication des résultats officiels de la présidentielle du 31 octobre 2020 par le Conseil constitutionnel ivoirien qui légitime le nouveau mandat d’Alassane Ouattara le 11 novembre 2020, le Président Emmanuel Macron ordonne l’expulsion de Guillaume Soro du territoire français. Il faut préciser que le dossier de l’activiste ivoirien devenait épineux dans les rapports franco-ivoiriens. Compte tenu des pesanteurs diplomatiques, de la vocation internationaliste de l’hexagone et de sa vocation à protéger toutes les libertés, Guillaume Soro était couvert par l’hospitalité de ses hôtes. C’est son appel sans ambiguïté au coup d’Etat contre les institutions de son pays le mercredi 4 novembre 2020 qui a courroucé et décidé les autorités françaises. De même que cet appel a affaibli les soutiens de l’ex-président de l’Assemblée nationale ivoirienne dans le landernau politique français.
Un haut fonctionnaire français, en l’occurrence Franck Paris, le conseiller Afrique de l’Elysée, camarade de promotion, homme des missions délicates et très proche du Président français, est missionné par Emmanuel Macron, le 13 novembre, pour signifier à Guillaume Soro son expulsion du territoire français.
Le Conseiller Afrique du Président français n’est pas seul pour conduire cette mission. Emmanuel Macron instruit Nicolas Lerner, le patron de la direction générale de la sécurité intérieure, branche des services de renseignements intérieurs français, situés à Levallois- Perret, dans les hauts-de-seine, de soutenir la mission de Franck Paris avec une équipe d’experts.
La DGSI a des missions explicites : le contre-espionnage, la prévention contre les ingérences étrangères, la surveillance d’individus et de groupes d’inspiration radicale susceptibles de recourir à la violence. Ainsi déclinées, Guillaume Soro fait aisément partie du champ de surveillance de la DGSI.
Le message porté par les autorités françaises à Guillaume Soro est, on ne peut plus clair : Il est indésirable sur le sol français. Et soixante douze heures, à partir du vendredi 13 novembre 2020, lui sont données pour quitter le territoire de l’hexagone.
Sous le choc
Guillaume Soro encaisse le choc. Parce que cela fait la troisième fois, la plus sérieuse, qu’il est menacé d’expulsion par les Français, du fait de son activisme constant.
Il n’a pas de contact direct avec Emmanuel Macron. Il ne se résout pas à partir immédiatement. Il joue la montre. Il joue également de ses contacts et de son téléphone pour vérifier l’authenticité des décisions et consignes prises et données par le président français à son encontre.
Les vérifications effectuées, la réalité desdites mesures confirmées, Guillaume Soro prend la menace au sérieux.
Par précaution, il quitte effectivement le territoire français le dimanche 15 novembre 2020. Il prend d’abord, avec ses collaborateurs, la direction de Bruxelles, en Belgique. Il y laisse une partie notable de son équipe, celle qui l’accompagne dans son odyssée depuis deux ans.
Pour distraire l’opinion, il fait croire qu’il est dans la capitale de l’Europe pour continuer le combat de l’opposition ivoirienne auprès de la Commission et du parlement européen. Il laisse même accroire qu’il prendrait quelques vacances, auprès de quelques vieilles relations, à Nicosie, dans la partie turque de l’île de Chypre. Mais il fait route vers la Suisse, dont la législation sur l’extradition est un peu plus stricte que dans l’espace Schengen, pour y trouver refuge auprès d’une relation proche d’Alexandre Benallah, ex-collaborateur d’Emmanuel Macron, avec qui il a gardé des liens.
Guillaume Soro est donc manifestement indésirable sur le territoire français. Et le Président Emmanuel Macron s’est employé à le lui faire signifier.
Les mandats d’arrêt, décernés contre l’ancien Premier ivoirien par l’Etat de Côte d’Ivoire, contiennent des chefs d’inculpation qui s’allongent jour après jour. La signification de ces mandats, le 20 novembre dernier, par le Garde des sceaux, Sansan Kambilé, au ministère des Affaires étrangères français, via les services diplomatiques ivoiriens, dans le cadre des accords de coopération judiciaire qui lient les deux pays, ouvre la voie à une demande formelle d’extradition de Guillaume Soro vers la Côte d’Ivoire. Un pas qui jusque-là n’avait pas été franchi.
La Côte d’Ivoire a donc décidé de lancer la traque contre l’activiste. Une affaire à suivre.
Imane Amel Fatima