Jusqu’au bout, Abidjan a joué la carte de la détente et de la tempérance. Mais à son corps défendant, Alassane Ouattara, le président ivoirien, a décidé le 11 novembre 2022 de retirer les soldats engagés depuis 2013 pour aider à sécuriser le Mali. Dès le lendemain du déclenchement de l’affaire des 49-3 soldats arrêtés au Mali le 10 juillet 2022, les autorités ont démontré que ces soldats ne sont pas des mercenaires comme tentent de le faire croire les putschistes au pouvoir au Mali. Cette décision de retrait des personnels ivoiriens du théâtre des opérations dans ce pays voisin est donc très logique. Alassane Ouattara a pris le temps de la réflexion, de digérer l’information, de donner des explications, de prendre tout le monde à témoin.
Sinon comment continuer de mettre la vie de ses soldats en danger pour un pays qui les accuse ouvertement d’être des déstabilisateurs ?
Comment la Côte d’Ivoire peut vouloir déstabiliser un pays où elle compte déjà 800 soldats dont 4 ont perdu la vie pour une mission de stabilisation depuis 2013.
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On ne peut aider quelqu’un contre son gré. Et pourtant c’est depuis 2013 que pour aider à sécuriser le territoire malien des assauts répétés des djihadistes maliens que la Côte d’Ivoire a consenti à y envoyer des soldats. Les premiers soldats ivoiriens qui ont intégré la Force internationale de soutien au Mali (Misma) sont partis d’Abidjan le 1er mai 2013 par la route pour Bamako au Mali, après plusieurs mois de préparation à Abidjan. La Misma crée le 17 janvier 2013 devait aider à la sécurisation des institutions maliennes de transition en vue du rétablissement de l’ordre constitutionnel. Elle s’est terminée le 1er juillet 2013 avec la mise en place de la Mission intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma). Le contingent ivoirien comprenait 103 éléments. Il s’agissait d’un bataillon logistique que la Côte d’Ivoire fournissait à la Misma. Il comportait 235 soldats. La mission intervenait dans un contexte difficile pour notre pays. La Côte d’Ivoire, engagée dans une sensible et complexe réforme de son armée après la crise postélectorale meurtrière de 2010-2011, n’envisageait pas au départ d’envoyer des troupes au Mali.
Mais le Président Alassane Ouattara, qui dirigeait en ce moment-là la Cedeao, avait finalement accepté de le faire devant l’insistance de ses partenaires extérieurs, en particulier la France. C’était un sacrifice pour soutenir un pays frère, dans les difficultés. Un proverbe ivoirien dit justement: «Quand la case de ton voisin brûle, hâte-toi de l’aider à éteindre le feu de peur que celui-ci ne s’attaque à la tienne».
Voici simplement ce qui a poussé Alassane Ouattara à faire ce sacrifice en envoyant dans le chaudron malien des soldats ivoiriens qui avaient beaucoup plus à faire ici en Côte d’Ivoire.
L’intransigeance du chef de la junte, le colonel Assimi Goïta, sur ce dossier monté de toutes pièces, montre que tous les sacrifices consentis par la Côte d’Ivoire sont vains et ne sont pas reconnus à leur juste valeur. Il y a même de l’ingratitude. Et comme les autorités ivoiriennes sont cohérentes avec elles-mêmes, ce premier pas de rupture vient d’être posé, après l’échec de la médiation demandée et obtenue par la junte malienne elle-même. Abidjan a toujours non au chantage que les putschistes de Bamako. Selon des sources proches du dossier, comme en pareilles situations, d’autres actions seront posées dans les semaines à venir en vue d’obtenir la libération pure et simple de nos 46 soldats pris en otage à Bamako. Et les moyens de pression, la Côte d’Ivoire en dispose contre le Mali. C’est maintenant que la pression sera exercée par Abidjan sur Bamako.
Bakayoko Youssouf