À un peu moins de quatre mois du scrutin présidentiel du 25 octobre 2025, la Côte d’Ivoire semble s’acheminer vers une élection plus ouverte que ce que dénonce une partie de l’opposition. Malgré les critiques formulées par le Parti des peuples africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI) ou du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) autour de l’exclusion de leurs leaders — Laurent Gbagbo, Tidjane Thiam, ou encore Guillaume Soro et Charles Blé Goudé — les nombreuses velléités de candidatures indépendantes hors des grands partis politiques classiques donnent au processus électoral d’octobre prochain une coloration bien inclusive.
Si les candidatures de l’ex-chef de l’État Laurent Gbagbo, de l’ancien président de l’Assemblée nationale Guillaume Soro ou du successeur d’Henri Konan Bédié à la tête du PDCI semblent d’ores et déjà frappées d’inéligibilité, une nouvelle génération de prétendants à la magistrature suprême s’affirme avec détermination. Ces voix émergentes entendent rompre avec les pratiques du passé et redonner espoir à une population avide de changement.
De nouveaux visages pour une Côte d’Ivoire nouvelle

Parmi les candidatures qui marquent cette dynamique d’ouverture, figure par exemple celle de Vincent Toh Bi Irié, ancien préfet d’Abidjan. Dans une déclaration en date du 13 mai 2025, l’administrateur civil a annoncé son entrée dans la course présidentielle, s’appuyant sur des valeurs de rupture, d’inclusion et de participation citoyenne.
« Il nous faut apporter une perspective nouvelle et un nouveau mode de gestion à tous les compartiments de notre vie nationale. Il est urgent aujourd’hui que la vie politique s’ouvre à tous les citoyens de ce pays et qu’elle ne soit pas réservée qu’à une petite caste de politiciens professionnels », a-t-il soutenu dans sa déclaration de candidature.

Autre profil remarqué, Antoine Assalé Tiémoko, député-maire de Tiassalé, a officialisé sa candidature le 14 juin à Yamoussoukro. Le journaliste, fondateur de L’Éléphant déchaîné, veut incarner une gouvernance rigoureuse, éthique et tournée vers la jeunesse. Il revendique une politique basée sur la justice sociale, la réforme foncière et la lutte contre la corruption, en s’appuyant sur les propos du président Alassane Ouattara appelant à l’émergence d’un dirigeant plus jeune.
« Le seul combat qu’on est sûr de perdre est celui qu’on ne commence pas. En politique, on ne perd jamais. Soit on gagne, soit on apprend », a affirmé dans son discours à Yamoussoukro, le président d’Aujourd’hui, Demain la Côte d’Ivoire (ADCI), paraphrasant Nelson Mandela.
Les femmes aussi dans la course
La scène politique ivoirienne voit également l’émergence de candidatures féminines. Henriette Lagou, ancienne ministre et ex-commissaire à la CEI, a lancé sa candidature depuis la France. Présidente du Groupement des partenaires politiques pour la paix (GP-paix), elle met en avant un programme axé sur le développement régional, la santé, les infrastructures, et la valorisation de la jeunesse et de la diaspora.

Quant à Simone Ehivet Gbagbo, ancienne Première dame et actuelle présidente du Mouvement des générations capables (MGC), elle a confirmé son intention de se présenter. Lors de son investiture à Moossou, elle a proposé une offre audacieuse pour construire une Côte d’Ivoire moderne, équitable et réconciliée.
« Notre pays est à la croisée des chemins. Comme vous, je vois qu’il va très mal. Mais je crois que nous méritons mieux que cela », a-t-elle déclaré le 30 novembre 2024.
« Les objectifs qu’on s’était fixés à l’époque (dans l’opposition, avant l’élection de Laurent Gbagbo à la magistrature suprême, ndlr) ne sont pas encore atteints. Moi, je rêve d’une nation vraiment développée où les jeunes et les moins jeunes sont devenus des citoyens à l’esprit complètement renouvelé… », insiste-t-elle en février 2025.
Une pluralité politique en gestation

À ces candidatures indépendantes s’ajoute celle de Jean-Louis Billon, ancien ministre du Commerce et cadre du PDCI, qui a réaffirmé son ambition présidentielle depuis Dabakala. Bien que son parti ait désigné Tidjane Thiam comme candidat officiel, Billon entend aller jusqu’au bout.
« Aujourd’hui, le PDCI n’a pas de candidat. J’appelle au débat démocratique au niveau du parti. Si je suis entendu, tant mieux. Si je ne suis pas entendu, j’avancerais. Je suis déjà soutenu par un ensemble de mouvements et d’autres partis politiques. Je n’ai pas besoin d’aller en candidat indépendant. Il y a une myriade de mouvements et de partis qui me soutiennent. Et je ramènerai cette victoire au PDCI », a-t-il réitéré fin mai 2025, peu avant la radiation de Tidjane Thiam.

Enfin, Pascal Affi N’Guessan, président du FPI, se prépare activement à entrer en lice pour le scrutin d’octobre.
« Je suis candidat à la présidentielle d’octobre 2025. J’ai le profil pour servir de transition entre la génération des Ouattara, Bédié et la génération qui arrive. Nous sommes venus pour remettre la Côte d’Ivoire sur pied. Notre programme est centré sur l’homme. Il est nécessaire de changer de politique, car ceux qui sont là n’ont rien fait pour les hommes », a soutenu l’ancien Premier ministre en mars 2025 à Abobo.
Un scrutin à fort enjeu démocratique
La Commission électorale indépendante (CEI), en charge de la réception des candidatures, a annoncé le 2 juillet avoir reçu 31 intentions de candidature. Le processus de collecte de parrainage citoyen, bien que contesté, n’a pas empêché l’émergence de nombreux candidats hors système.
Pour rappel, les candidats doivent recueillir le parrainage d’au moins 1 % de l’électorat local dans la moitié des régions et districts autonomes du pays, comme le prévoit la loi électorale.
Le gouvernement ivoirien affirme garantir la transparence du processus électoral. Face aux critiques de verrouillage du jeu électoral, le président Alassane Ouattara a réaffirmé son engagement à une élection libre et transparente. Lors d’une rencontre avec une délégation de l’Union africaine, il a promis de « faire tout » pour que le scrutin d’octobre 2025 se déroule dans de bonnes conditions.
Un rendez-vous historique
En définitive, si certains regrettent l’absence de figures historiques, la présidentielle de 2025 s’annonce comme l’un des scrutins les plus ouverts et les plus pluralistes de l’histoire politique ivoirienne. La diversité des candidatures, la montée des femmes en politique, la percée des leaders indépendants… témoignent d’un climat électoral renouvelé, porteur d’espoir pour une Côte d’Ivoire démocratique et inclusive.
Marc Dossa
