Il existe un bréviaire de la lutte contre le terrorisme. Dans un entretien très riche, accordé au confrère La Croix en 2021, le Général Saidou Samba Dia livre les recettes de la Mauritanie contre les terroristes. Ce qui fait que la Mauritanie soit le seul pays, dans le Sahel, à ne pas avoir connu d’attaques djihadistes depuis 2011. Une exception régionale sur laquelle est revenu l’ancien directeur du cabinet du commandant de la Force conjointe G5 Sahel.
Dans la tête des terroristes
Le Général Saidou Samba Dia commence par expliquer comment son pays a réussi à neutraliser la menace djihadiste. Entre 2005 et 2007, le groupe Al-Qaida au Maghreb Islamique (Aqmi) a lancé une série d’attaques dans des pays du Sahel, dont la Mauritanie. Rentrer dans la tête des terroristes. Prendre le temps d’étudier les terroristes. Un didacticiel a été mis au point. Il comprend nécessairement les questions : Qui sont les terroristes ou soi-disant djihadistes? Quels sont leurs modes d’action, leur organisation, leurs ressorts, leurs financements, les lieux qu’ils occupent ?
Une stratégie globale
Selon haut gradé, après cette première étape de questionnement qui permet de dresser leur profil psychologique, il faut développer une stratégie globale de lutte. Elle comprend, un cadre juridique, une réponse économique et administrative et un aspect militaire.
Comme l’a fait la Mauritanie, il faut d’abord créer un cadre juridique pour qualifier ces attaques, arrêter et juger rapidement les terroristes, les pseudo-djihadistes. Parallèlement à cela, il faut apporter une réponse économique et administrative dans les zones vulnérables d’où ils opèrent: renforcer la présence de l’État et les services de base. L’objectif étant de ne plus ou pas leur laisser des espaces où ils puissent entrer en contact avec les populations. Une fois que ce maillage du territoire est fait avec une bonne collaboration de la population, il faut déployer ou renforcer un dispositif militaire et sécuritaire. Ce qui a pour effet immédiat de prolonger la présence de l’État dans les zones enclavées. A l’école mauritanienne, ils ont aussi créé des groupements spéciaux d’intervention : ils disposent d’une grande puissance de feu, sont rapides et autonomes. Les routes sont surveillées par des moyens aériens, dès que les terroristes les empruntent on le sait et on les neutralise. Notre dispositif est complété par des patrouilles et l’instauration de postes fixes de contrôle des identités à la frontière. Un élément à saisir ici est que les actions des terroristes se déroulent autour de frontières où ils peuvent se replier. Il leur faut donc toujours une base-arrière. L’action militaire permet de rompre ce lien-là.
Un autre aspect de la lutte est de s’attaquer aux motivations et justifications théologico-politiques de ces groupes. «Grâce à notre stratégie sécuritaire, nous avons démantelé 45 cellules dormantes dans Nouakchott. Parmi les terroristes arrêtés, il y avait leurs leaders religieux. Nous leur avons envoyé nos plus grands imams, ceux dont la renommée est mondiale afin qu’ils discutent doctrine entre eux», enseigne le Général Saidou Dia. Cette confrontation d’idées permet aux leaders religieux de confondre ces personnes qui font une lecture erronée des textes islamiques. Ce qui fait les ressorts religieux de leurs actions s’effondre parce qu’ils ne sont ni dans le Coran ni dans les autres sources du droit musulman. Dans le cas mauritanien, «au terme de ces discussions, plus de 95 % des terroristes se sont repentis. Ils sont aujourd’hui très bien insérés dans notre société. Ils ont bénéficié d’un programme d’intégration à leur sortie de prison qui a très bien fonctionné».
Un mix de stratégies qui a produit de bons résultats en Mauritanie depuis 2011.
Le Mali et le Burkina Faso, et par-delà tous les pays confrontés au terrorisme, devraient aller à l’école mauritanienne.
Bakayoko Youssouf
